LETTRE A MON FRERE POLICIER BURUNDAIS

 Burundi news, le 31/10/2015

 

Mon cher frère,

Une grande joie de t'écrire cette lettre tout en espérant qu'elle te trouvera toujours en vie. Depuis cette troisième candidature de Nkurunziza, tu n' as pas pris tes vacances et tu manques à la famille. Je t'épargne des problèmes de notre famille sur la colline. Je voulais te parler de cette situation actuelle du Burundi.

Ce troisième mandat est une calamité pour notre pays. Notre famille n'est pas épargnée.

Cher frère, on parle beaucoup de toi dans notre village. Le fils de Ndikumana qui est dans l'armée est considéré comme un héros. Ici, les paysans disent que les militaires sont du côté du peuple et que vous les policiers, avez vendu votre âme à ce Nkurunziza qui massacre son peuple. Certains disent qu'il vous a donné beaucoup d'argent, d'autres disent que vous avez peur des imbonerakure qui vous ont infiltrés.

Notre papa était descendu à Bujumbura pour rendre visite à son petit frère à Musaga. Il a été témoin des scènes incroyables. Il a vu des policiers portant ta tenue tirer sur des femmes et enfants et certains ont été tués. Il a passé des jours sans manger. Il a été pris de remords. Il disait qu'il t'avait aperçu parmi ces policiers qui tiraient sur le peuple. Il n'arrêtait pas de se demander  comment son fils peut-il devenir un monstre alors qu'il t'a donné une bonne éducation.

Un ami m'a dit que votre compagnie ou brigade est intervenue à Mutakura. Elle a tiré à balles réelles. Tu faisais partie de cette compagnie. Des témoins disent qu'ils t'ont vu tirer sur les manifestants. Cher frère, notre neveu est mort tué par la police à ce moment. J'ose espérer que ce ne sont pas les balles que tu as tirées qui ont fauché notre cher neveu. Je me rappelle ce que nous disions quand nous gardions les vaches. L'amour de notre peuple était privilégié. Tu as choisi de rejoindre la police et moi j'ai choisi de rester auprès de mes parents. Je ne pouvais pas m'imaginer que le milieu pouvait changer un homme au point de haïr les siens.

Cher frère, je ne veux pas être méchant avec toi. Nous sommes sans nouvelle et nous nous inquiétons. Nous savons que tu es souvent sur le terrain. Depuis le début des manifestations contre ce troisième mandat, des centaines de citoyens sont morts, tués par la Police. Nous détestons cette police. Elle nous fait du mal. On la prend pour un monstre, un gros serpent, isato. Pourtant, les policiers sont nos frères, nos sœurs. Cher frère, qu'est-ce qu'on vous a fait pour mériter un tel traitement? J'aimerais savoir si réellement vous n'êtes pas drogués quand vous prenez d'assaut des citoyens tranquilles. Mon frère, est-ce que votre conscience ne vous demande pas des explications? Toi personnellement, as-tu une conscience tranquille? Il y a quelques jours, je suis tombé sur un cadavre et à son côté il y avait son cœur arraché. Il avait été arrêté par la Police. C'était un handicapé. Mon Dieu, vous ne respectez même pas les handicapés! Il me vient à l'esprit que vous, les policiers burundais, allez remplir l'enfer  à tel point que le bon Dieu sera obligé de mettre les autres dans un transit en attendant de trouver des solutions.

Cher frère, ton oncle est mort à la suite du blocage du quartier Musaga par la Police. Les policiers ont refusé à la famille de l'emmener à l'hôpital. Nous n'avons pas pu te joindre pour que tu dises à tes collègues de nous laisser passer. Dans notre village, les policiers accompagnés des imbonerakure ont tabassé sérieusement notre père devant les villageois du fait qu'il a dit qu'il a été à Musaga et qu'il a la haine envers cette Police qui tue. Notre vieux est en colère contre tous les policiers. Nous craignons dans la famille que tu sois du nombre. Mon frère, le malheur est devant nos portes. Tu es parmi les gens qui véhiculent ce malheur.

 Mon frère, des nouvelles fraîches nous parviennent. Des rebelles attaquent souvent vos positions. Comme tu le sais, notre cadet est entré dans cette rébellion. Il avait disparu et il nous a envoyé un émissaire pour nous dire qu'il opère à partir de Musaga. Notre cousine qui l'a rencontré dit qu'il a une grande détermination. Nous avons peur que tu tombes sous les balles de ton frère. D'autres nouvelles disent que vous avez refusé de vous battre pour ce criminel. Cependant, nous avons aussi appris que cette rébellion n'est pas du général Niyombare comme certains le disent. C'est notre cadet rebelle qui le dit. Il n' a pas voulu dire beaucoup de choses.

Cher frère, les Burundais peuvent changer d'avis sur son opinion si jamais vous refusez les ordres de tirer sur le peuple. Ayez le courage de dire non. Les gens disent que Nkurunziza ne sera pas là dans quelques mois. S'il part, certains d'entre vous risquent la prison. Par ailleurs, si vous changez de comportement, le peuple sera à vos côtés. Notre famille m'a demandé de te transmettre un message de salutation et aussi elle te demande de t'impliquer personnellement pour que tes collègues arrêtent de tuer le peuple. Autour du feu le soir, nous discutons beaucoup de l'avenir du Burundi. Nous sommes inquiets. Certains disent que ces imbonerakure viendront nous tuer. Nous ne savons pas si toi avec tes amis, vous êtes capables de venir nous sauver. Cher frère, si ta famille est tuée par le pouvoir, aura-tu la légitimité de te battre pour ce pouvoir? Pour gagner de l'argent? Quel argent? Il faudra te poser des questions sur le sens de tes missions.

Cher frère, je n'ai pas l'intention de prendre ton temps pour me lire. Je te souhaite bonne chance.

Ton frère Butoyi