Burundi news, le 01/10/2008

Lettre ouverte aux représentants du peuple burundais

Par Joshua Nimuzima

 

Par la présente, j’ai l’honneur de m’adresser à vous mesdames et messieurs les parlementaires et sénateurs à cause de votre noble tâche de défendre et protéger les intérêts du peuple burundais.

A travers cette lettre, j’aimerais parler particulièrement sur le projet de la société libyenne s’apprêtant à venir investir au Burundi en achetant une série d’actions de l’état dans beaucoup d’entreprises locales. Le sujet fait déjà du bruit dans la presse burundaise mais l’objectif dans cette lettre est en peu différent mais ne fera que compléter à tous ce qui s’est déjà dit.

Tout citoyen devrait normalement se réjouir de la venue d’un opérateur économique qui vient investir dans notre pays mais la mauvaise expérience observée dans d’autres pays lorsque l’investissement est mal organisé devrait nous servir de leçon.

Sauf par erreur, j’ai appris que l’unique société libyenne devait racheter les actions des sociétés : Onatel, O.T.B, Cotebu, Verrundi, Sosumo, Cogerco, Shtb, Hôtel Source du Nil, la construction d’une grande salle de conférence et d’un hôtel cinq étoiles…

Tout cela est impressionnant et contribuerait naturellement au développement du pays mais nous devons également considérer l’autre face de la monnaie.

 

Pour mieux me faire comprendre, permettez-moi de prendre comme illustration le récent incident diplomatique en Suisse causé par le fils du président libyen au mois de Juillet dernier : Le fils du président libyen était en Suisse avec sa femme et se sont faits arrêtés par la police suisse pour avoir maltraité deux de leurs domestiques. Ils ont été libérés après avoir payé une caution de trois cent mille euros. A peine étaient-ils dehors que deux touristes suisses étaient placés en garde à vue à Tripoli, sur des motifs futiles. Et ce n’était que le début d’une longue liste de représailles. Les bureaux des deux grandes multinationales Nestlé et ABB ont été placés sous scellés, et leurs directeurs arrêtés. Deux liaisons aériennes sur trois ont été supprimées, et des menaces de boycott des banques et de retraits des fonds libyens en Suisse proférées. Une suspension des livraisons de pétrole était aussi envisagée : or la Suisse achète 50% de ses besoins de brut à Tripoli. Les diplomates libyens en poste à Berne ont été rappelés en consultation. Des manifestations populaires ont été organisées devant l’ambassade de Suisse. Le gouvernement suisse  a donc cherché à calmer le jeu. Il a dépêché mercredi à Tripoli une mission diplomatique, chargée d’expliquer le principe de la séparation des pouvoirs politique et judiciaire aux autorités libyennes.

 

C’est justement là où se trouve mon problème majeur car nous savons tous que le même problème se pose déjà au Burundi quand la justice dépend entièrement du pouvoir politique et mon inquiétude est que demain la justice burundaise risque de dépendre d’un pays étranger.

Que se passerait-il si après avoir livré toutes nos entreprises entre les mains des libyens un événement de désaccord se produisait entre nos deux pays ? Que se passerait-il si demain la Libye exigeait l’islamisation du secteur éducatif et social sans lesquelles nous risquons de tout perdre ? Si un grand pays comme la suisse a eu chaud de peur de s’effondrer à cause de sa dépendance économique (48,6% des importations suisses de pétrole brut proviennent de Libye ), qu’en serait-il d’un petit pays comme le Burundi ?

Si l’Union européenne n’a pas osé prendre des sanctions contre la Russie lors de son invasion en Georgie pour occuper l’Ossétie du sud et l’Abkasie, c’est tout simplement parce que l’Europe puise 40% du pétrole et 30% du gaz de la Russie et que si par malheur la Russie coupait ces ressources, les populations des pays comme la Pologne et l’Ukraine n’existeraient plus.

 

Mesdames et messiers, j’espère que vous comprenez ma préoccupation car si nous nous contentons d’un plaisir à court terme avec tous les risques que pourraient subir notre future génération, demain nous serons jugés d’égoïstes et d’irresponsables.

Pour des raisons que j’ignore, dès le début de son pouvoir, le président Buyoya a chassé tous les libyens et leurs intérêts au Burundi. Le pays a néanmoins continué à fonctionner comme si rien n’était mais plus tard je ne pense pas qu’on aurait la même liberté si nous ne faisons pas attention.

 

Aujourd’hui nous déplorons tous la manipulation de la justice par le pouvoir politique mais demain nous risquons de nous retrouver sous la dépendance d’un pays étranger.

Nous comptons donc énormément sur votre intervention dans le seul but de protéger notre patrimoine et vous avez non seulement le droit mais le devoir d’exiger de la prudence dans tous les textes des projets pouvant compromettre l’avenir de nos enfants et des enfants de nos enfants.

 

Vous aurez remarqué que je n’ai pas voulu parler des intérêts des particuliers dans ce dossier car je n’en ai pas la preuve mais l’important est que vous parveniez à dépasser vos intérêts politiques et personnels pour faire le travail pour lequel le peuple vous a voté.

 

Espérant un acte salutaire de votre part concernant le dossier, veuillez agréer, mesdames et messiers, ma plus haute considération bien distinguée.

 

 

                                                                                                                         Joshua Nimuzima

                                                                                                                      jnimuzima@yahoo.fr