LETTRE OUVERTE A KANANURA PAUL

 

Burundi news, le 01/04/2018

 Par NDUWAYEZU Eric

                        Lettre ouverte à Kananura Paul

 

              Monsieur KANANURA ,

La décoration de monsieur Nkurunziza Pierre par le réseau dont vous êtes président a choqué des millions de personnes morales et physiques. Depuis votre sortie médiatique pour expliquer les raisons qui vous ont poussé à poser un acte aussi honteux, certains se croient toujours en rêve ou avoir suivi un morceau d’un humour noir. L’amour du voisin s’impose; je brise le silence pour vous faire un clin d’œil. Je vous rappelle, par la présente, deux choses à respecter par toute personne se réclamant panafricaine: le nom et la mémoire de Nelson Mandela. La personnalité inégalée et inégalable ayant touché des esprits même les moins sensibles mérite mieux que la profanation. D’autant plus que vous vous déclarez Président d’un réseau, pardon d’un institut portant le  nom de cette personnalité hors du commun.

         Monsieur Kananura,

Juste après l’annonce de la mort de Nelson Mandela, les chaînes de télévision du monde entier ont changé leurs programmes pour consacrer de longues heures à parler de cette personnalité. L’image de Mandela a été le seul sujet d’échanges sur le plateau de France 24 durant plus de 12 heures de temps entre journalistes, politiques, représentants de nombreuses associations de défense des droits de l’homme et j’en passe. L’un des invités a livré une information qui a ému toute l’audience. L’invité de France 24 a dit, je cite : « Il y a quand même un fait très important que vous avez tous ignoré ; peut-être par oubli. C’est vrai; nous sommes tous sous le choc de la mort de cet homme.  Ce saint si je me permets de l’expression car il le mérite. Le jour de sa libération a été comme un coup de poignard dans le dos des Blancs sud-africains. Le soir de la même journée, il ne restait que 20% de Blancs dans tout l’Afrique du Sud. Même ceux qui ne connaissaient pas leurs origines ou n’avaient pas où aller, ils ont fui vers les pays proches en attendant de regagner l’Europe. Certains d’entre eux n’avaient jamais connu l’Europe d’ailleurs. C’est après quelques mois qu’ils ont commencé à revenir en Afrique du Sud car le Mandela auquel ils s’attendaient: un rancunier, un Noir qui allait se venger sur les Blancs, toutes générations confondues, n’était qu’un saint vivant ».  Après ce témoignage, un silence s’est imposé sur le plateau de France 24.

 Cher Kananura, si réellement l’« Institut Nelson Mandela » existait à Paris, vous auriez eu un peu de respect pour France 24 en trouvant un autre endroit pour décerner un prix à monsieur Nkurunziza. Je reviens sur ce medium qui a consacré le maximum de temps à faire connaître au monde entier la personne de Nelson Mandela, surtout le jour de sa mort. Il vous faudrait choisir un pays autre que la France pour  attribuer un « Prix de courage politique» à un antidémocrate dont l’identité est totalement l’opposé de Nelson Mandela comme le jour et la nuit. Ou bien vous restez convaincu que la France des années 90 ne diffère en rien de celle de 2010 et d’après. Sur ce point, je dirais en votre langue maternelle que « burya si buno » même si la situation politique actuelle semble vous donner raison.

           Monsieur Kananura,

Voilà un Nelson Mandela dont votre réseau a osé s’attribuer le nom afin de l’exploiter pour des fins que vous connaissez. Quelle honte pour l’africain! Nkurunziza Pierre que votre groupe et vous même venez de décorer,  n’est-il pas le même qui massacre des gens depuis des années, ordonne et assiste aux exactions extrajudiciaires, pille son pays, président des violeurs en réunion de nos mères, filles et sœurs? N’est-il pas le même qui a poussé des milliers de Burundais, bahutu et batutsi, à l’exil pour lui avoir dit qu’un troisième mandat est illégal ? n’est-il pas le même qui fournit des armes et médicaments aux génocidaires Rwandais: interahamwe et fdlr (cfr : rapport du conseil de sécurité des Nations Unies n° S/2009/603 du 23 novembre 2009, paragraphes : 84 à 89) errant dans les montagnes et forêts kongolaises après avoir commis l’innommable dans leur pays d’origine? N’est-il pas le même qui a embauché les chiens de guerre rwandais qui constituent actuellement sa garde rapprochée et qui ont violé nos mères, filles, sœurs et épouses devant nos propres yeux les 11 et 12 décembre 2015 en entonnant : « Vive le 3ème mandat ! N’eût été lui, je n’aurais jamais l’occasion de coucher avec les femmes batutsi-kazi»?

            Monsieur Kananura,

Vos interventions médiatiques ont montré à suffisance vos réponses combien confuses, évasives, illogiques et contradictoires. Comment apposer une signature sur un Prix à décerner sans très bien connaître la personne qui va le recevoir? Je vous cite: « …jyewe rero icyo nkora ni uuu… nta bwo ndi muri izo komisiyo icyo nkora gusa ni ugu…ni ugusinya itangazo rigenewe abanyamakuru ».Un peu plus loin, vous dites : « … ubwo dufita amakuru y’abo batanze uwo mukandida niyo twahereyeho. Ibindi ntabwo tubizi kuko ntabwoo…ntabwo dushyinzwe iby’Uburundi ».

Après minutieuse enquête, les prétendus présentateurs et soutiens de la candidature de Nkurunziza dans cette comédie sont à 78,23% d’un pays voisin du Burundi. Majorité écrasante sauf que certains sont fictifs et d’autres sous de faux noms en plus d’être étrangers. Que votre ami soit apprécié par des étrangers et hué par ses compatriotes vous aurait poussé à réfléchir avant tout acte ! Cher Kananura, à vous écouter en ignorant votre pays d’origine, on dirait : d’une part, quelqu’un venant d’un pays très éloigné du Burundi et qui entend pour la première fois un pays appelé le Burundi, d’autre part quelqu’un qui s’adresse à une audience totalement inculte. Kalil Gibran dit dans Le sable et l’écume: «La réalité d’autrui n’est pas dans ce qu’il vous révèle, mais dans ce qu’il ne peut vous révéler. Partant, si vous voulez le comprendre, n’écoutez pas ce qu’il vous dit mais plutôt ce qu’il ne vous dit pas ». Vous ne connaissez ni le Burundi, ni Nkurunziza mais vous trouvez juste et digne de lui donner un Prix. A la question de savoir pourquoi le choix du nom de Nkurunziza alors que la communauté internationale et les organisations de défense des droits de l’homme accusent le gouvernement burundais de commettre des crimes contre l’humanité, voilà votre réponse : « Ubwicyanyi mu Burundi ngirango bwahereye kera ataravuka cyangwa akivuka ; muri za 72 bwarabaye, muri za 93 enda n’ubu birakomeza noneho ugasanga ahubwo  muri ubwo bwicyanyi ahubw’arabantu bashyaka kumugusha muri uwo mutego w’ubwicyanyi kugirango bukomeze bongere bagaruke ku butegetsi… ». Si les massacres (1972 et 1993) ont commencé avant ou à la naissance de Nkurunziza, qu’a-t-il fait depuis 2005 pour inverser la situation ? Les suspects de 72 et 93 qui piègent votre protégé ou protecteur pour qu’ils reviennent au pouvoir, pourquoi ne les traduit-il pas en justice? S’ils sont plus puissants que lui, vous auriez bien lui conseiller de partir avant d’être écrasé par ces éternels intouchables. Monsieur Kananura, les assassinats à caractère génocidaire datant de fin avril 2015 démentissent vos plus beaux propos pour être vrais. Le « courage politique » pour lequel vous élevez Nkurunziza n’est que malédiction et folie meurtrière. Un courageux qui s’en prend aux jeunes suite à leur physionomie, idées ou appartenance politique, courageux-chef de violeurs en masse de femmes et filles batutsi-kazi. Monsieur Kananura, lorsque vous dites : « abakoze ubwo bwicyanyi muri za 72 na  93 badashyaka no gucyirigwa imanza ngirango bashobora kuba bashyaka kumugusha muri uwo mutego ugasanga aribo bashatse kwongera kugarura ibyo bintu bitwaza ibindi byose bya za manda(mandats) ga ahubwo kuba atarawuguyemo akaba aribyo byatumye bamuha agashimwe no kugirango ako gashimwe agahereho kugirango yenda atazagwa muri uwo mutego ». La méchanceté vous étouffe et la vérité vous fuit. Vous décorez votre ami qui massacre ses compatriotes et vous l’y encourages. Au lieu de compatir avec les opprimés, vous justifiez l’extrême entêtement d’un sanguinaire et lui donnez raison. Quel cynisme ! «…Ibindi ntabwo tubizi kuko ntabwoo…ntabwo dushyinzwe iby’Uburundi ». Si vous aviez pris au moins quelques minutes de réfléchir ou regarder les images des manifestants contre le 3ème mandat illégal de Nkurunziza Pierre avant votre intervention radiodiffusée ou télévisée, vous auriez vu que plus de 96% d’entre eux n’étaient pas encore nés en 72. Il y en a parmi eux qui sont nés après 93 mais qui voulaient un pays régi par la loi. Parmi ces manifestants, combien ont-ils été au pouvoir et cherchent à le reprendre? Le ridicule ne tue pas ; vous n’auriez pas enfoncé le clou en reprenant les mêmes réponses sur le plateau de TV 5.

                Monsieur Kananura,

Le réseau, pardon l’institut dont vous vous dites président mérite d’être suivi par tout Africain digne qui se sent avoir été moralement meurtri par un acte aussi honteux de profaner le nom et la mémoire du respectable et respecté : Nelson Mandela. Une chose que vous devriez connaître : par votre acte d’attribuer un prix à un criminel à visage découvert, vous avez sous-entendu pas mal de choses qui méritent d’être décodées :

 1.Nkurunziza s’est vu attribué un «Prix du courage politique » pour services rendus : amour fou par un soutien matériel qu’il ne cesse de témoigner aux génocidaires rwandais en leur fournissant des armes et médicaments  pour se préparer à attaquer le Rwanda en passant par le Burundi (Référence déjà signalée ci-haut). Ces mêmes chiens de guerre constituent la garde rapprochée de votre protégé ou protecteur,

2. sa soif de s’autoproclamer roi des bahutu de la région des grands lacs africains. Connaissant le passé et le présent des interahamwe  errant dans les forêts kongolaises depuis 1994 et que quelques-uns se la coulent douce au Burundi depuis 2015, leurs partisans doivent récompenser toute âme complice qui abrite ces maudits.

         Cher Kananura, « umuntu ni undi » ; dit-on en votre langue maternelle!

Avant de vous souhaiter bonne lecture, je vous rappelle d’autres courageux qui auraient reçu le même Prix aux côtés de Nkurunziza si vous ne prévoyez pas le faire durant ces jours de Pâques:

1. Félicien Kabuga : le grand financeur des génocidaires rwandais et de la radio de haine, Radio -Télévision Mille Collines,

2.Théoneste Bagosora: bras droit du Président Habyalima. Bagosora a eu un courage fou de demander qu’on lui emmène des personnes qu’il a tuées pendant le génocide au Rwanda,

3. commissaire Alain-Guillaume Bunyoni. Il a eu le courage de refuser l’introduction du test ADN au Burundi  afin que les agents des courageux continuent à « lessiver » des innocents sans laisser de traces,

4. Albert Shingiro, représentant de Nkurunziza aux Nations-Unies. Négationniste de haut niveau, Shingiro a osé nier en pleine assemblée de l’ONU le génocide commis contre les tutsi au Rwanda, 

5.Elodia Ndombasi du Kongo, l’ancien Directeur de cabinet de Laurent Désiré Kabila, pour ces actes courageux menés à l’égard de la communauté banyamulenge,

6. Esdras Butare, le rwando-hollandais, fournisseur d’armes sophistiquées aux génocidaires Burundais et Rwandais. La liste est longue ; à vous de désigner par qui commencer !

                              Le moment d’attribuer le  « Prix de la peur » est venu.

Nkurunziza, tigre en papier décoré pendant les jours approchant la Noël arrive à Pâques, mouillé de la tête aux pieds par la peur. Il a peur de tout jusqu’à perdre le courage de tenir des réunions avec des personnes ayant des stylos en mains, téléphones portables en poche, montre au bras ou colliers  autour du coup. Pourquoi une telle peur ? Il voit une caméra cachée en tout et partout pour ne pas être enregistré. Il voit une balle pouvant le tuer cachée dans tout ce qui ressemble à un stylo. Un courageux qui devient peureux à ce point marche tout droit vers une crise cardiaque. Le comportement actuel de Nkurunziza Pierre est la réalité de la comédie l’Avare de Molière : le monologue d’Harpagon.  Comme Harpagon crie au voleur pour rien ou suite à un moindre bruit, la sonnerie d’un téléphone portable dans la salle de réunion tenue par Nkurunziza est comme l’explosion d’une bombe sur sa tête. Décoré pour son courage à l’approche de Noël, ce serait injuste de ne pas lui attribuer le Prix de la peur à Pâques.