LETTRE OUVERTE AU PREMIER VICE PRESIDENT BURUNDAIS THERENCE SINUNGURUZA

Par Gratien Rukindikiza

Excellence Monsieur le 1 er Vice- Président de la République,

Vous avez accédé au poste très convoité par certains de vos collègues de votre parti UPRONA depuis la fin de la mascarade des élections truquées au Burundi. Le Président Nkurunziza a fait un choix parmi la liste des 3 propositions de l'Uprona. Il vous a choisi parce qu'il avait confiance en vous. Une confiance se mérite. Elle dépend aussi de la personnalité de celui qui fait confiance. Celui qui se trompe en disant qu'il croit plus que les autres en Dieu aura tendance à avoir confiance en celui qui a les mêmes problèmes de croyance. Le Président Nkurunziza qui vous a fait confiance se dit délivré du mal (gukizwa), vous aussi, vous dites que vous avez été délivré du mal. Or, le mal ronge les Burundais. Ce mal vient du pouvoir incarné par celui qui vous a nommé et aussi de votre silence devant la désolation du peuple.

Monsieur le vice-Président, le pouvoir a institué le plan Safisha. En tant que vice- Président chargé des questions politiques, sécuritaires, judiciaires et autres, vous avez été informé de ce plan probablement. Il s'agit de tuer les militants du FNL de Rwasa et aussi du MSD. Des cadavres se retrouvent tous les matins. Des pleurs, des malheurs s'abattent sur les Burundais. C'est le silence absolu de votre part. Est-ce une contemplation joyeuse de votre part? Un bonheur au moment où le peuple meurt?

Un carnage vient de frapper à Gatumba. Les policiers du ministère dépendant de votre vice-Présidence ont massacré 39 personnes. Votre pouvoir a joué une comédie devant les pleurs des familles. Votre pouvoir a promis justice mais dès que vous avez compris que la vérité a éclaté, la justice est devenue l'abonnée absente.

Demain, la CPI (Cour Pénale Internationale) pourra mettre en accusation certains ténors de ce pouvoir en raison de ces violences contre le peuple. Il se passe au Burundi des crimes contre l'humanité. C'est le Président qui l'a dit. Je dirai même un génocide. Monsieur le Vice-Président, ne croyez pas que vous serez  épargné par cette justice. La justice burundaise aura aussi la mission de vous juger tôt ou tard. Soit vous êtes  parmi les commanditaires de ces crimes contre l'humanité; soit vous êtes complice par votre silence et complaisance.

Monsieur le Vice-Président, je pense que vous avez atteint le point culminant, ce que les Burundais appellent "Isimbo y'inuma". Votre police a assassiné un militant du MSD nommé Léandre Bukuru à Gitega. Sa tête a été coupée, son corps sans la tête enterré à Giheta. Votre pouvoir refuse non seulement les enquêtes mais aussi le corps du défunt à la famille. Vous avez jugé bon d'accorder à sa famille le droit d'enterrer que la tête repêchée des toilettes. Vous êtes parmi les décideurs de ce pays. J'aimerais vous poser ces questions : Est-ce que vous dormez bien avec ce mal infligé à cette famille? Est-ce que vous n'avez pas honte quand vous vous regardez dans votre miroir le matin? Souhaiteriez-vous que le même malheur se passe de cette façon dans votre famille? Si vous ne voulez pas ce malheur à votre famille, pourquoi vous ne réagissez pas quand il s'agit d'une autre famille? Pourquoi ce silence? Pour garder ces miettes du pouvoir?

Monsieur le vice-Président, est -ce que la richesse vaut plus que l'honneur? Si vous n'êtes pas d'accord avec ce qui se passe, pourquoi vous ne démissionnez pas? Voulez-vous prendre les leçons chez le professeur Alice Nzomukunda? Vous êtes au pouvoir avec les assassins. Le diable est dans votre camp. Dieu est du côté du peuple, des victimes et non des bourreaux. Vous avez à choisir si vous êtes réellement croyant entre le diable qui est avec les bourreaux du peuple et le Dieu qui est avec le peuple.

Monsieur le vice- Président, le moment est venu de choisir. La démission après avoir dénoncé cette vague de violence est une nécessité si vous estimez être avec le peuple. Si vous choisissez de continuer le chemin avec ces bourreaux qui se préparent à commettre un génocide ethnique après un génocide politique, vous ne pourrez pas éviter alors la justice quand le peuple reprendra les rênes du pouvoir.

Je pense avoir interpellé votre conscience. C'est un cri du peuple à entendre ou à ignorer.

Je vous prie d'agréer, Excellence Monsieur le Vice-Président, l'expression des pleurs les plus attristés de ce peuple meurtri.

Gratien Rukindikiza