LETTRE OUVERTE AU CHEF D'ETAT MAJOR DE L'ARMEE  ET AU DIRECTEUR GENERAL DE LA POLICE 

 Burundi news, le 27/12/2014

Chers Afandé

Je vous écris cette lettre ouverte pour m'exprimer à propos de votre communiqué. Pardon, de votre tract car il est difficile de savoir si le communiqué émane de vous ou d'un imposteur qui l'aurait publié sur le site du ministère de la Défense Nationale. En effet, chers hauts gradés, comment des gens qui connaissent bien l'administration, peuvent-ils publier un communiqué qui n'est pas sur un papier à en tête de l'administration ou institution représentée? Pourquoi ce document manque-t-il de cachet, ni de la police, ni de l'armée? On pourrait conclure que le communiqué  a été rédigé dans un autre ministère ou à la Présidence et il vous a été remis pour signature. Tous les communiqués du ministère de la Défense Nationale porte un cachet du ministère. Votre communiqué est un mystère. Qui dit au citoyen burundais que ce sont vos vrais signatures apposées en bas de ce tract? Je l'appelle tract car il n'est pas officiel par rapport à vos fonctions. Par ailleurs, je suis de votre avis que le document est authentique si vous l'avez signé au nom du citoyen Ndayambaje et du citoyen Niyongabo. Jusqu'à ce niveau, je ne parle  que de la forme. Comme si à l'Etat Major les officiers ne voulaient pas de ce communiqué, ils vous ont rendu un service en le publiant à l'envers et en trois pièces. Il faut du courage pour franchir tous ces obstacles avant de lire votre communiqué. Je vous rends service en le publiant correctement.

Messieurs les officiers généraux, j'ose espérer que vous avez appris la neutralité de l'armée. L'armée a ses missions et la police a les siennes. Si mon général Niyongabo, en tant que  chef d'Etat major de l'armée, vous pensez que votre première mission est de contrer les manifestations pacifiques, je m'excuse, vous n'avez rien compris. La preuve, c'est que vous êtes devenu la risée des officiers de l'Etat Major après la sortie de votre communiqué. Vous étiez un homme apprécié, non impliqué dans un soutien aveugle du parti au pouvoir. Votre communiqué laisse des séquelles.

Chers messieurs, vous en tant que chef d'Etat Major de l'armée et en tant que directeur général de la Police nationale, vous êtes des techniciens. En aucun cas la politique rentre dans vos missions. S'il s'agit des questions politiques, vous avez respectivement le ministre de la Défense nationale et le ministre de la sécurité publique qui sont responsables politiques de la sécurité devant le parlement. Vous avez endossé les costumes de vos deux ministres responsables de vos services. Une grave erreur. Vous avez outrepassé vos rôles. Vous devriez faire un autre communiqué pour demander pardon au peuple burundais.

La situation sécuritaire

Vous avez écrit dans votre communiqué tract que la situation sécuritaire est bonne sur tout le territoire et que les crimes de droit commun sont sanctionnés conformément à la loi. Monsieur le chef d'Etat Major, qu'est-ce qui vous fait dire que les crimes de droit commun sont sanctionnés conformément à la loi? Je suis sûr et certain que vous connaissez ceux qui ont commandité l'incendie du marché de Bujumbura, ceux qui ont assassiné les trois religieuses de Kamenge, les assassins des 47 personnes jetées dans le Rweru. Vous savez très bien comment plus de 25 milliards de frs bu de l'AMISOM ont été détournés. Pour vous, ces crimes ne sont pas de droit commun et ne méritent pas des sanctions. Pour vous, ces assassinats et les meurtres organisés par des imbonerakure au nom du parti au pouvoir ne rentrent pas dans le domaine de la situation sécuritaire. Du moment où ce sont des opposants qui sont tués ou ceux qui veulent apporter des témoignages sur les imbonerakure, la situation sécuritaire est bonne.

Le syndrome Burkina Faso et les leçons de l'histoire  

Chers très hauts gradés, je parie que vous n'avez pas consulté vos conseillers avant d'écrire ce communiqué. Je connais personnellement Ndayambaje, il n'aurait pas écrit ce communiqué de cette façon sans pression. Ce qui atteste ma thèse d'un communiqué rédigé ailleurs et que vous avez signé sans modifier. Ce qui est grave. Ceci dit, vous l'avez signé et vous en assumez les conséquences.

Alors, vous dites que "les corps de Défense et de Sécurité se démarquent fort de certaines personnes qui ont appelé les burundais à des manifestations...". Quelle surprise, messieurs les hauts gradés! Je ne savais pas que vous étiez solidaires d'autres personnes politiques. Personne n'a demandé aux corps de sécurité de se rapprocher ou de se démarquer de telle ou telle personnalité politique. On aimerait que vous vous démarquiez de toute la classe politique, y compris du parti au pouvoir le CNDD-FDD. Les Burundais ont besoin de votre neutralité.

Au niveau de l'interprétation, le doctorat de l'interprétation vous revient. L'opposition burundaise a dit qu'elle appellera à une manifestation pour réclamer l'annulation du fichier électoral pour recommencer les enregistrements en raison des tricheries, des doubles, voire triples enregistrements. L'autre réclamation sera le départ de la CENI actuelle trop proche du pouvoir. Alors, vous, messieurs les hauts gradés, le motif de ces manifestations est "au cas où les différentes étapes du processus électoral ne se soldent pas comme ils le souhaitent". Vous faites pire que le parti au pouvoir CNDD-FDD. Vous parlez déjà des résultats des élections alors que les Burundais sont encore au stade de la constitution du fichier électoral. Si je vous comprends bien, vous mettez en garde l'opposition si elle manifeste après des tricheries électorales. Qu'est-ce que vous êtes en avance? Etes-vous au courant alors des tricheries. Il me semble que vous attribuez à l'opposition de mauvaises intentions. L'opposition burundaise est capable de féliciter le gagnant même s'il est du CNDD-FDD si les élections se passent dans la transparence.

Messieurs les hauts gradés, vous évoquez le Burkina Faso. En quoi le courage du peuple burkinabé vous dérange-t-il? Craignez-vous  la perte de vos postes? J'ai l'impression que vous ignorez ce qui se passe dans les corps de sécurité que vous dirigez. Combien de militaires et de policiers soutiennent l'opposition? Combien d'officiers opposés au 3 è mandat du Président Nkurunziza? Rappelez-vous mon général Niyongabo la lettre que vous avez signée avec d'autres généraux frondeurs. Vous êtes vous-même opposé au 3 è mandat du Président Nkurunziza. Voulez-vous devenir le colonel Zida de demain? Votre communiqué vous en écarte. La discrétion vous allait bien. Dommage, vous êtes tombé dans ce piège de communiqué. Ce n'était pas votre rôle.

Monsieur Ndayambaje, vous parlez du renversement des institutions démocratiquement élus en 1993 et des malheurs qui ont suivi. Vous dites que les corps de défense et de sécurité ne donneront aucune brèche à ceux qui veulent raviver la haine et la guerre entre Burundais. En 1993, vous étiez dans l'armée et c'est l'armée qui a renversé les institutions. Qu'est-ce que vous avez fait en ce moment? Qu'est-ce que vous avez fait lors des évènements qui ont suivi? Il me semble que vous oubliez que le peuple est le seul détenteur du pouvoir. Il est dans son rôle de le reprendre même avant la fin d'un mandat, ce qui peut être considéré comme une rupture de contrat pour motif grave.

La nouveauté, chers messieurs, c'est que les corps de la défense et de sécurité condamnent les oppositions au sein des groupes sociaux. Quels sont ces groupes sociaux? Les membres d'un parti politique, les salariés, les paysans sont des groupes sociaux. Messieurs les hauts gradés, de quoi vous mêlez-vous? Quant à condamner ceux qui intimident les institutions, il y a de quoi à rendre heureuse l'opposition burundaise. Est-elle capable d'intimider l'opposition avec les déclarations à la Télérenaissance ou sur la radio RPA? Mon Dieu, la faiblesse a gagné le pouvoir.

Vous concluez votre communiqué en rappelant que vous réaffirmez l'engagement ferme des corps de défense et de sécurité d'accomplir vos missions. Vous êtes payés pour cela et ce n'est pas un choix de faire ou de ne pas faire. Vous devez le faire.

En conclusion, je vous conseille chers Afandé de bien vouloir annuler votre communiqué par un autre et de reconnaître que ce n'était pas dans vos missions de publier ce genre de communiqué. C'est le rôle du ministre de la Défense et celui de la sécurité publique. Chacun à sa place, si non, c'est une cacophonie. Le grand conseil est de se démarquer du parti au pouvoir le CNDD-FDD et de toute force politique. Vous êtes au service du peuple. Les pouvoirs partent, d'autres reviennent mais vos corps restent. Monsieur Ndayambaje, vous avez connu cinq Présidents et vous les avez servis. Combien de fois avez-vous vu un communiqué conjoint police armée hors putsch? C'est le premier communiqué.

Chers hauts gradés, je compatis avec vous. Vous avez été induits en erreur et vous n'avez pas pu dire non. Vous n'avez ni analysé la forme du communiqué, ni le contenu. Pour vous, général Prime Niyongabo, ce communiqué a été un piège. Vous savez pourquoi vous avez été piégé et qui vous a piégé.

Clairon, fermez les bans des ambitions!