LETTRE OUVERTE A MONSIEUR LEONCE NGENDAKUMANA, PRESIDENT  DU FRODEBU

Par Gratien Rukindikiza

Le 20 octobre 2008

Objet : Procès des assassins du Président Ndadaye

Monsieur,

J'ai écouté avec un grand étonnement votre conférence de presse de  ce lundi 20 octobre 2008. Je croyais rêver ou écouter quelqu'un qui sort du coma et qui remarque que le monde est resté figé. Vous venez de vous rendre compte que les assassins du Président Ndadaye n'ont pas été jugés, que les caporaux ont été libérés, que la qualification du dossier est trop légère.

Que la politique est belle! S'il faut se rappeler de ce que nous avons critiqué plusieurs fois sans que le Frodebu lève son petit doigt pour exiger la vérité, je pense que votre façon de faire la politique est très différente de la volonté des militants du Frodebu.

Monsieur, en 2003, j'avais écrit un article pour critiquer l'attitude du Frodebu en cette matière. Rien n'a été changé. Il me semble que vous oubliez qu'un Président membre du Frodebu a dirigé le Burundi pendant deux ans sans parler de la période de Ntibantunganya très mouvementée. Au lieu de faire la politique politicienne, posez la question à l'ancien Président Ndayizeye qui est candidat à la Présidentielle ce qu'il a fait de ce dossier sur les assassins du Président Nadadaye. N'a-t-il pas cohabité avec les putschistes?

J'aimerais savoir ce qui a poussé le Frodebu à porter plainte contre les assassins du Président Ndadaye alors que c'est le major Buyoya qui était Président de la République. Vous êtes sans ignorer même si vous n'êtes pas juriste que le principe de l'autorité de la chose jugée est un piège pour ce genre de procès. Ceux qui ont été innocentés par la justice ne reviendront pas devant les juges.

Monsieur, vous accusez le pouvoir actuel de ne pas poursuivre le procès. Je ne vole pas au secours du Président Nkurunziza mais la vérité reste une et indivisible. Le Président Nkurunziza est arrivé au pouvoir après deux ans du pouvoir Frodebu. Quel dossier lui avez-vous laissé? Les caporaux, exécutants? S'il vous plaît, le minimum de jugement. Voulez-vous que le Président Nkurunziza aille chercher les gros poissons que vous avez épargnés dans le cadre de la mangeaille commune car le pouvoir Ndayizeye a collaboré avec certains assassins de Ndadaye mais en se contentant de s'enrichir. J'ai déjà compris que ce dossier des assassins de Ndadaye est secondaire par rapport aux intérêts privés, égoïstes de certains cadres du Frodebu. Je ne vous accuse pas vous personnellement. Mais regardez autour de vous, vous comprendrez.

Monsieur, vous accusez le Président Nkurunziza de ne pas entretenir l'ancien palais du Président Ndadaye. Les Burundais de Paris sont témoins quand j'ai posé la question au Président Ndayizeye et qui a été obligé de demander pardon pour ce manquement. Si Nkurunziza est fautif, vous l'êtes doublement. Je vous demande si, au niveau du Parlement, au niveau du gouvernement auquel vous participez, vous avez manifesté pour protester contre le mauvais état de la tombe du Président Ndadaye ou pour la réouverture du dossier des assassins du Président Ndadaye. Je crois que non. Pourquoi versez-vous des larmes de crocodiles la veille du 15 è anniversaire du Président Ndadaye?

Monsieur, je vais vous poser une question qui va vous gêner. Pourquoi les cadres du Frodebu ont-ils refusé le contact avec moi au moment où vous dites que vous cherchez la vérité sur l'assassinat du Président Ndadaye? Un ami à qui j'avais parlé de ce refus m'a confié que vous craigniez que je vous parle justement de ce dossier qui me tient à cœur.

Au niveau du parti, avez-vous émis le souhait d'entretenir la tombe du Président Ndadaye? Qu'avez-vous fait pour vous rappeler du Président Ndadaye, à part cette sortie politico-médiatique à l'anniversaire de sa mort? Cette sortie sert à vous dédouaner pour apparaître le lendemain devant des milliers des Burundais qui vous observent au moment du dépôt de la gerbe de fleur sur la tombe du Président Ndadaye.

Sincèrement, du fond de mon cœur, je pense que le Frodebu a trahi le Président Ndadaye. Je vous conseillerais même de changer de nom et de ne plus faire référence au nom de Ndadaye sans parler de faux Nyakuri qui a fait de Ndadaye, le fond de commerce pour son hôtel.

Je ne terminerais pas cette lettre sans vous demander de bien réfléchir, de discuter dans les instances dirigeantes, pour évaluer les torts que vous avez causés à la mémoire du Président Ndadaye. Sachez que Ndadaye appartient à la nation entière.

Je vous prie d'agréer, Monsieur, l'expression de ma considération distinguée.

Gratien Rukindikiza