Lettre de la députée Pascaline Kampayano aux sages internationaux
Le 28 novembre 2008
Chers Sages : Madame Graca Machel, Président Jimmy Carter, Président Benjamin Mkapa, Président Joachim Chisano, Président Olesegun Obasango, Monseigneur Desmond Tutu
Président Olesegun Obasango, Monseigneur Desmond Tutu
L'honneur m'est offert afin que je puisse vous décrire la situation qui prévaut dans mon Pays le Burundi tant sur le plan sécuritaire que politique.
En effet je fais partie des 22 députés que l'Assemblée Nationale a radié illégalement par violation de la constitution, loi et règlement par le canal de la Cour Constitutionnelle qui est sous la houlette du parti au pouvoir CNDD FDD. En commettant cet acte les articles 149, 150 et 156 de la constitution, l'article 132 de la loi électorale et l'article 15 du règlement intérieur de cette institution ont été violés.
La justification qu'ils ont donné pour justifier cet état de violation, était qu'il fallait permettre le bon déroulement des travaux du parlement qui était bloqué par ces mêmes parlementaires. Bien sûr, c'est totalement faux car 22 députés sur 118 qui forment l'Assemblée Nationale ne constituent pas une majorité de blocage car pour délibérer et voter une loi, il est requis un quorum de 79 députés et je ne vois en quoi les 22 peuvent entraver les travaux de cette institution qui possède déjà 96 députés restant sans les 22 députés.
Le problème réside au fait que les 22 députés ont refusé de servir de caisse de résonance à l'exécutif ainsi qu'au parti au pouvoir et qu’ils se sont inscrits dans l’esprit total du respect de la loi. La plupart d’entre étaient membres du parti au pouvoir qu’ils ont dû quitter dès que ce dernier a commencé la dérive que nous connaissons actuellement. Comme nous ne jouissions plus de notre immunité parlementaire, notre calvaire a commencé dès le lendemain de notre soi- disante radiation : rafle de nos véhicules, confiscation des passeports, fermeture des comptes bancaires, fouilles dans nos domiciles aux heures qui leur conviennent, intimidations et humiliations de tout genre.
C’est à ce moment en plus de 2 députés qui étaient déjà sous les verrous sans motif réel et en violation toujours de la loi Hon El Hadj Hussein RADJABU et Térence MINANI, trois autres députés ont été incarcérés toujours sous des motifs fabriqués de pièces d’outrage au Président de la République , il s’agit des Hon Pasteur MPAWENAYO, Gérard NKURUNZIZA et Théophile MINYURANO. L’Honorable Pasteur MPAWENAYO a été fait l’objet d’un transfert la nuit menotté vers une province ne possédant pas de Cour Suprême, juridiction devant laquelle il doit comparaître. Ayant remarqué leur supercherie, les autorités du régime ont dû le ramener à Bujumbura pour y comparaître.
Il est à signaler que l’Honorable El Hadj Hussein RADJABU est en prison depuis 27 Avril 2007 et que son procès qui était public et bien médiatisé s’est vu condamné à une peine de 13 ans pendant que toute la population burundaise témoin du procès, avait cru à sa relaxation immédiate. Il a du faire appel mais jusqu’à ce jour aucune volonté de le faire comparaître n’est visible. Il y a eu dernière un sursaut d’humanité au sein du régime car Hon Térence MINANI et Théophile MINYURANO ont été libérés.
Mais ce qui nous a beaucoup choqué est la réaction de la Communauté Internationale à travers leurs représentations diplomatiques qui est muette par complaisance ou complicité face à une violation frappante de la constitution, situation qu’ils ne peuvent accepter dans leur pays sous peine de voir la démission immédiate du garant de la constitution qu’est le Président de la République. Nous avons également écrit et transmis beaucoup de courriers dénonçant cette situation à la Communauté Internationale déposés dans les Ambassades respectives aux Burundi, mais nous doutons fort de leur acheminement à destination vu aucune suite ni réaction n’a était réservée en retour.
L’Union Interparlementaire qui était venu servir de médiation dans la bonne marche de cette institution, a été surprise de constater la manière truquée dont les autorités du régime se sont servies pour trouver une solution contestée par toute la population burundaise complète par médias. Elle a même rendue public sa résolution concernant la radiation de ces 22 députés. Sans se fatiguer, l’Union parlementaire est revenue pour essayer de ramener le régime à la raison, mais le Président du Parti au Pouvoir a fait une conférence de presse précisant que les députés radiés ne reviendront jamais au parlement même si Jésus Christ revenait car les arrêts de la Cour Constitutionnelle sont sans recours. Nous savons qu’ils ont intimé l’ordre à cette cour en connaissance de cette rubrique.
Toute cette réaction est la peur des échéances électorales futures de 2010, l’Hon EL Hadj Hussein RADJABU et ses collègues sont emprisonnés parce que le régime trouve ingénieux d’écarter tous les éventuels opposants ou concurrents politiques. Dans le pays, nous connaissons beaucoup d’emprisonnements de politiciens, des agents de la société civile (journaliste et syndicaliste), des assassinats sélectifs par armes à feu, pas de politique réelle de désarmement pour un pays sortant de 12 ans de guerre civile, des viols des femmes et enfants, des détournements des deniers publics et corruptions, des tueries en masse, intimidations multiples des membres des partis d’opposition, manque de volonté d’application des accords signés entre le gouvernement et le dernier mouvement armé encore en activité le FNL PALIPEHUTU, refus de dialogue avec les autres acteurs de la vie sociale et politique du pays… enfin c’est là tout l’ingrédient réunissant une mauvaise gouvernance basée sur de l’amateurisme qui n’accepte pas sa faiblesse de capacité.
Quand, on s’indigne de tous ces maux surtout en ce qui concerne les emprisonnements et les autres violations de la personne humaine, la réponse est toujours la même : LAISSER LA JUSTICE FAIRE SON TRAVAIL. J’en pleure car la justice au Burundi est un instrument du régime qui en dicte les manières de faire taire les opposants au même titre que la police ainsi que les services des renseignements.
Je reconnais que tout le monde est tolérant envers le Burundi car c’est un pays où les élections se sont bien déroulées, mais cela ne lui donne droit à pratiquer une dictature démocratique. Au nom de quoi, le régime en place peut bafouer la volonté populaire en radiant illégalement les députés élus par son peuple ? Est-ce un dédain manifeste envers un peuple vers qui les autorités iront réclamer leurs voix ?
Je me suis adressée à vous les sages du monde afin que vous veniez au secours du peuple Burundi victime de ceux qu’ils ont élus et mis au pouvoir, qui n’ont aucune honte de violer la constitution. Nous avons suivi votre intervention dans la crise du Kenya et le succès des pourparlers et maintenant vous volez au chevet du Zimbabwe, sans oublier le Burundi qui est au milieu d’une sous région en ébullition.
Hon Pascaline Kampayano
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