ET SI LE LIBERALISME ECONOMIQUE AVAIT ECHOUE?

Par Gratien Rukindikiza

 Burundi news, le 26/09/2008

Depuis l'industrialisation et le début de la marine marchande qui date de l'esclavage, certains théoriciens européens ont tenté d'élaborer des principes d'économie capitaliste sans se mettre d'accord. Certains ont prôné une propriété privée libre, sans intervention de l'Etat alors que d'autres prônaient un capitalisme mesuré, entouré des mesures sociales pour aider les pauvres. La naissance de la monnaie, surtout avec les goldsmith'notes qui deviendront les billets actuels, le capitalisme a fait un bond car la propriété privée pouvait se valoriser en notes. Les Burundais ont bien gardé l'originalité car note signifie billet en Kirundi.

Le libéralisme socialiste

Le libéralisme domine le monde après la chute du communisme en Union Soviétique et les pays de l'Europe de l'Est. Par ailleurs, la réalité des régimes et de certaines mesures tempère la nature du libéralisme du capitalisme actuel. Le laisser faire est une théorie qui a été mise en pratique pendant une certaine époque avant la crise économique de 1929. Aujourd'hui, la théorie a été trahie par la pratique. Quoiqu'on dise, les économies des pays occidentaux sont orientées, subventionnées, moins libérales qu'on ne le croit. L'agriculture en Europe et aux Etats Unis est plus subventionnée que celle de l'ancienne URSS. En URSS, il y avait des groupements d'agriculteurs en kolkhozes. Ils avaient des objectifs à atteindre. Les agriculteurs étaient plus au service de la société. En réalité, compte tenu de leur temps de travail, de leur production vendue à un prix bas, ces paysans subventionnaient l'Etat plus que l'Etat le faisait pour eux. Or, en France par exemple, l'agriculteur est subventionné par production de blé, par vache, par terrain mis en jachère alors qu'il a sa propriété privée. L'agriculteur européen gagne sa vie grâce aux subventions en amont et en aval. Il y a moins de deux ans, le laitier ou exportateur de produits laitiers était subventionné pour vendre du fromage en dehors de l'Union Européenne. Les règles du capitalisme de laisser faire les marchés pour se réguler sont violées. En plus, ce sont les agriculteurs africains qui y laissent les plumes. Nous y reviendrons.

Le capitalisme mal exporté en Afrique tue l'Afrique

On se rappelle les années 1980 quand le FMI et la Banque Mondiale faisaient la loi en Afrique pour imposer la gestion capitaliste, le miracle pour sortir l'Afrique du marasme économique. Le libéralisme était la bible des apprentis conseillers du FMI qui ne faisaient que répéter la théorie néo libérale. Il fallait supprimer subventions pour les soins de santé, licencier les fonctionnaires, ouvrir les frontières aux produits compétitifs etc...

Ce capitalisme libéral qu'ils ont imposé à l'Afrique n'existe nulle part. Les pays européens ont une fonction publique pléthore, les soins de santé en France sont un véritable gaspillage, subventionnés grâce aux cotisations exorbitantes des salariés, les frontières se ferment pour bloquer des produits chinois, des bananes qui viennent de l'Afrique pour protéger le marché antillais. Le capitalisme exporté en Afrique a tué des emplois, a fait reculer le développement.  A force d'appliquer cette théorie, le blé africain est moins compétitif que le blé européen subventionné. Le riz sénégalais est plus cher que le riz chinois. La notion de subvention n'existe pas en Afrique. Aucune agriculture ne s'est développée sans subventions. Le Portugal est passé en 1970 de la houe, le bœuf et la charrue aux tracteurs grâce aux subventions massives de l'Union européenne.

L'économie africaine a besoin d'une protection. Il sera difficile pour un pays africain de créer des modèles de vélo tant qu'on peut les importer de la Chine à bas prix. Or, le bas prix saigne aussi au niveau des devises. C'est un véritable coût caché que les pouvoirs africains devraient revoir. L'Afrique doit inventer son capitalisme, le façonner. Elle est exclue du marché boursier mondial. Elle se retrouve en dehors des grands circuits financiers mondiaux. Où est alors le capitalisme pour l'Afrique? Ce libéralisme économique n'est plus appliqué en Europe depuis le départ de Mme Thatcher de son poste de premier ministre  de la Grande Bretagne. C'est le même libéralisme que les Africains imitent comme celui qui se met à crier en disant qu'il vient d'inventer un vélo alors que les autres parlent de trains à grande vitesse.

La crise économique actuelle  qui tue le libéralisme

Inimaginable, impensable, personne n'aurait cru que les néo conservateurs américains songeraient à financer les banques qui ont perdu l'argent pour avoir fait des fautes de gestion. Le modèle américain vient de subir un camouflet et se révèle un mythe. Comme un château de cartes, une banque tombe, les autres suivent. Aujourd'hui, certains théoriciens commencent à se poser des question sur le laisser faire de l'économie. Le marché n'est plus intelligent et ne l'a jamais été. La croissance économique pouvait passer d'un pays à un autre et entrainer des transferts de fonds aussi. Aujourd'hui, les banques se sont passé des actifs vides, empoisonnés et se retrouvent en faillite. L'économie régulée de la Chine qui est passée du communisme à un capitalisme contrôlé se retrouve en grande solidité. Elle est appelée au secours du système financier mondial.

Cette crise a donné une leçon aux puissances; désormais, le contrôle du marché financier sera la règle. Personne ne peut dire que le pire est passé. Les banques ont l'art de cultiver le secret. Elles sortiront progressivement les actifs vides par des provisions pour que le citoyen ne s'en rende pas compte pour éviter la panique. Elles vont se racheter entr'elles et les Etats les aideront d'une façon d'une autre. Or, c'est cette situation qui s'impose aux Etats qui est indésirable. Les gouvernements ont horreur de telle situation car elles font tomber plus d'un. Plutôt que de les affronter, ils réguleront à l'avenir les économies pour éviter une crise comme celle de 1929 car personne ne sait ce qu'elle pourra laisser comme séquelles.

Il fut des années le libéralisme économique était à la mode. Les libéraux étaient des grands penseurs, apporteurs d'idées nouvelles, d'innovation pour notre économie. Aujourd'hui, ils se disent socio-libéraux pour ne pas subir les critiques qui découlent de la faille de ce capitalisme à l'Américaine.

Et le capitalisme ......burundais?

Le Burundi n'est pas le Rwanda d'aujourd'hui sur le plan économique. Même le développement économique du Rwanda aura des problèmes à l'avenir car le modèle anglo saxon qui le guide est en échec. Le Burundi a son capitalisme de pillage de l'économie par  certains dignitaires du pouvoir. La propriété privée ne peut se développer dans un pays où le banditisme d'Etat fait rage, un pays où il est difficile de faire des affaires sans avoir des soutiens du pouvoir.

Qu'il s'appelle capitalisme ou autre, le Burundi a besoin de sortir d'abord le paysan de sa situation économique catastrophique. Il est le moteur du développement. La pauvreté du paysan tirera l'économie vers le bas. Il est le consommateur qui ne consomme pas faute d'argent. La houe, quelle misère, quelle honte pour le pouvoir! Tant que cette houe sera l'outil de travail principal, le paysan aura du mal à dégager une plus value. Pourquoi ne pas subventionner l'achat des motoculteurs? Certains diront qu'il manque de l'argent. L'argent, il y en a mais la répartition est très inégale. Plus de quinze millions de dollars provenant du pétrole nigérian par an suffiront à faire une vraie révolution agraire si la volonté du pouvoir suit.

Le capitalisme burundais manque des hommes d'affaires. Ceux qui pillent les caisses de l'Etat ou les aides construisent leurs maisons d'habitation ou les placent à la banque.  Les jours à venir, l'économie burundaise ne sera plus des Burundais. Ces derniers seront des subalternes. Les hommes d'affaires des pays de l'East Africa sont déjà en avance et pourront s'imposer sur le marché burundais.