QUI ASSECHE LES LIQUIDITES MONETAIRES DES BANQUES BURUNDAISES?

Par Gratien Rukindikiza

 Burundi news, le 10/06/2012

Le Président français Hollande disait dans son discours de Bourget que son ennemi principal est le monde des finances. Le monde dont parlait le Chef de l’Etat français, c’est la finance internationale, celle-là même qui est dirigée à partir de New York « Wall Street ». En déclarant ainsi, Hollande veut protéger ses compatriotes contre ces créanciers véreux.

Nkurunziza Pierre se soucie peu du sort des Burundais. Il préfère plutôt user des banques pour s’enrichir grâce à son beau frère Gaspard Sindayigaya confortablement installé à la tête de la banque centrale du Burundi, sous l’œil complaisant du ministre des finances.

Le Burundi n'est pas la France. L'ennemi principal des banques est le Président Nkurunziza. Ces banques burundaises manquent de liquidités. La masse monétaire burundaise aurait pris un autre chemin. Mystère! Le Burundi n'est pas l'Espagne. Les banques n'ont pas spéculé sur l'immobilier qui n'a pas trouvé d'acheteurs. Paradoxalement, les banques burundaises ont été de bons élèves, à part les taux d'intérêts qui bloquent l'activité commerciale.

L'Etat en mauvaise gouvernance puni par la communauté internationale

La dictature burundaise n'est pas appréciée par la communauté internationale. Plus il y a violation de droits de l'homme, plus il y a une oppression de l'opposition, plus le pays est boycotté par les bailleurs de fonds qui ont d'autres chats à fouetter. L'Afrique n'est plus au centre des préoccupations. Le Mali vient de l'apprendre à ses dépens pour avoir refusé de signer un accord controversé avec la France du temps du Président Sarkozy sur l'immigration. En conséquence, le pays est divisé en deux  faute de moyens matériels et financiers et les islamistes de l'AQMI occupent la moitié Nord du pays sans que la communauté internationale lève son petit doigt.

Le Burundi a un budget dont plus de la moitié est payée par la communauté internationale et la planche à billets. La communauté internationale refuse de signer son chèque tant qu'il y a violation des droits de l'homme. Il reste la planche à billets. Le pouvoir burundais a la chance car il n'y a pas encore la monnaie unique de l'East Africa. Il dispose toujours du droit régalien, celui de battre sa monnaie.

Les Bons de Trésor

Alors que le monde entier s’embourbe dans une crise financière sans précédent causée par la cupidité et les défaillances des marchés financiers occidentaux,  le Burundi de Nkurunziza Pierre a choisi de mettre en place un marché financier d’un genre particulier. La BRB émet des « Bons de Trésor » et les vend aux banques privées, aux sociétés parastatales et aux particuliers. Un Bon de Trésor n’est rien d’autre qu’un bout de papier qui reconnaît la dette avec promesse de percevoir des intérêts. Ainsi, tout ce monde avance leurs fonds en contrepartie d’une reconnaissance de la dette. Ce système existe sous d’autres cieux.

Normalement, ces Bons de Trésor doivent être revendus avec intérêt supérieur si le marché s’y prête, ou alors être remboursés à date échue. La banque centrale devrait placer ces sommes pour gagner de l’argent. Or, au Burundi, la banque centrale s’empresse de mettre ces fonds à la disposition du ministère des finances pour le fonctionnement de l’Etat, ce qui signifie que l’Etat s’endette auprès de la Banque Centrale. Ces sommes se retrouvent manipulées par les innombrables corrupteurs au risque de disparaître dans leurs poches. La question qui se pose est de savoir comment ces fonds reviendront à la banque centrale comme l'Etat n'arrive pas à financer sans emprunt au moins 50% de son budget.

Il semble que les banques privées ont des problèmes de liquidité, ce qui est peu surprenant avec ce système.

Les taux d'intérêts sont en général plus élevés que ceux servis par les banques aux épargnants. La différence est tellement attractive que les institutions riches en trésorerie comme l'INSS, les assurances, achètent ces bons de trésor en grande quantité. De ce fait, ce sont des liquidités placées dans les banques commerciales qui se retrouvent à la BRB pour financer le budget de l'Etat. On se retrouve dans un cas d'école où l'Etat concurrence les banques sur le marché monétaire.

Dès que la campagne café commence, la banque centrale, ne pouvant rembourser les fonds aux détenteurs de Bons de Trésor qui avaient besoin de liquidités, recourt à la  formule « planche à billets ». Méthode qui a fait ses preuves dans la fabrication de l’inflation. Et on s’étonne que les prix grimpent au Burundi.

 Le manque de liquidités monétaires n'est pas imputable en totalité à ces problèmes budgétaire de l'Etat. D'autres causes plus surprenantes entrent en  jeu.

La corruption d'une clique  sans vision lointaine

Les quelques six à sept personnes devenus maîtres de la corruption au Burundi ont une vision de l'économie très courte. L'argent détourné est converti pour certains, surtout, le grand corrompu, en devises. Ces devises sont achetées dans les banques avec la complicité de la banque centrale avec des complices du marché noir des devises et sont déposées dans des banques au Kenya, à l'Ile Maurice, au Luxembourg et en Turquie. Ce sont des devises qui manquent à l'économie burundaise et qui ne sont pas officiellement sorties du Burundi. Elles deviennent des devises fantômes au Burundi et réelles dans les pays destinataires. Le pays manque de devises. Ces sorties illégales de devises, révélées aussi par la police belge dans cette affaire concernant le porteur de valises de devises en la personne de Mohammed Rukara, privent le pays du peu qui restait à l'économie.

Les autres corrompus n'ont même pas d'idées pour faire fructifier cet argent volé. Ils construisent des villas, des étages pour une seule famille, un vrai gaspillage. Ils entretiennent leurs maîtresses. Cet argent servira à acheter des biens importés de consommation ou de construction. Il ne servira pas à créer des richesses en production de biens ou de services.

L'argent de la corruption sort des circuits des banques. C'est de l'argent qui devait circuler dans les banques, financer l'économie. C'est aussi une autre façon d'assécher les banques.

L'OBR aussi responsable

L'OBR est aussi responsable de l'assèchement des banques. En effet, la politique douanière est très floue et s'applique à la tête du client d'une façon individuelle. Le monde des affaires n'aime pas les surprises désagréables. Les hommes d'affaires attendent avant de mettre sur le marché  leurs marchandises. Une grande quantité de marchandises est stockée car les coûts de revient des marchandises sont plus élevés que les prix du marché. Les stocks attendent la pénurie. C'est de l'argent dormant dans ces stocks de marchandises qui auraient dû être à la banque. La vitesse de la circulation monétaire est aussi un facteur de rareté des liquidités quand elle est très basse. Un billet de mille francs qui sort et revient à la banque deux fois par jour n'est pas comme celui qui fait le circuit une fois par semaine. La vitesse de rotation augmente les liquidités par cette illusion de la circulation monétaire. Plus la vitesse de rotation de ce billet est rapide, plus l'économie se porte bien. Cela nécessite que les sociétés échangent les biens et services, les vendent aux particuliers et achètent aussi. Or, la politique de l'OBR est un frein  à cette rotation déjà affaiblie par la mauvaise gestion de l'Etat burundais.

Comment s'en sortir?

La clé de la solution se trouve dans les mains de celui qui détruit l'économie burundaise actuellement, à savoir le Président Nkurunziza. La banque centrale BRB devait être dirigée par un technicien neutre politiquement et assez solide pour résister aux sollicitations du pouvoir. L'Etat mettrait fin au recours de la planche à billets et modérer l'usage des Bons de Trésor qui seront demain les subprimes burundais. Le pouvoir burundais devrait installer un climat sain pour les affaires passant par la paix, l'entente politique, le respect des droits de l'homme,  la liberté d'entreprendre, la fin des monopoles dans les affaires de quelques nantis ainsi qu'une politique claire de l'OBR. La diplomatie et un accord entre l'opposition et le pouvoir permettraient le retour des aides de la communauté internationale.