Note de la rédaction : Nous publions un article repris sur le site Arib car il est d'un intérêt historique. L'ancien Président Ndayizeye a volé le peuple burundais d'après cet article. On comprend aisément pourquoi il s'est absenté aux obsèques de feu Nyandwi, ancien ministre de l'intérieur. Il cherchait où placer l'argent volé.

@rib News, 01/09/05 - POLITIQUE / ANALYSE

AFFAIRE LUBELSKY : Premier  test pour Nkurunziza et son Gouvernement.

Par Emmanuel Bamenyekanye, Pharmacien.

BAMENYEKANYE

Cette affaire qui fait trembler les hautes autorités burundaises a commencé fin des années '60 quand Lubelsky, un homme d’affaire belge signe avec le Burundi un contrat d’exportation d’or et de diamant. Deux semaines après, le gouvernement burundais annule unilatéralement le contrat et se voit condamner par la Cour Arbitrale de Paris à une amende de 800.000 $ avec 5 % par an. Plus de 30 ans après et suite à l’intervention d’un certain Sahabo Privat, un autre opérateur économique burundais, le gouvernement de Bujumbura accepte, avec des irrégularités sur le fond et la forme, d’exécuter la sentence de 1968. Et c’est sur ces irrégularités que les différents complices dans la malversation ne semblent pas accorder leur violon.

Dossier Lubelsky, un test pour le Gouvernement de Nkurunziza

Le dossier Lubelsky sera un test fondamental pour Nkurunziza, qui s'est présenté comme le « Monsieur  propre » en insistant sur la lutte contre les malversations financières. Les Burundais l'attendent  avec espoir sur ce dossier  facile à boucler finalement : les principaux acteurs se trouvent au pays, Domitien Ndayizeye, ancien Président de la République,  Alphonse Kadege, son Vice-Président,  Salvator Toyi, Gouverneur de la Banque Nationale, Gahungu Athanase, Ministre des Finances et un témoin clé de l'affaire qui ne demande qu'à parler, Sahabo Privat. On ne baigne pas dans la spéculation et le flou  mais dans le concret : les documents, les transferts  d'argent. Le transfert de cette somme vertigineuse (3 milliards de Fbu) n'a  pas été fait vers une République bananière africaine, mais vers un pays connu pour son administration méticuleuse, informatisée, vers une banque  sise dans la capitale de l'Europe. Dans cette affaire on ne pourra pas dire comme on le dit trop souvent et trop facilement qu'un « dossier s'est égaré ». Ici, pour paraphraser Baudelaire, tout est luxe, calme et classement. Tout est là. Une petite enquête et les Burundais vont enfin savoir qui a fait quoi, comment, preuves à l'appui.

Les cerveaux du montage et les parrains

Dans cette affaire, très simple,  il s'agissait  pour le Burundi d'indemniser un homme, Lubelsky, pour contrat non honoré.  L'affaire datait de 1968. Un Burundais du nom de Privat Sahabo a été mandaté par la famille Lubelsky de négocier le dédommagement. Le Burundais s'est exécuté mais deux vautours ont flairé qu'il y'avait là « matière à bouffer »: le Ministre des Finances Gahungu et  Salvator Toyi, qui , sous ses airs de  grand séminariste timide est un redoutable rapace. Les deux hommes, jouant sur la force de leurs postes officiels ont alors contourné  Privat Sahabo qui travaillait en indépendant. Ce dernier  s’est vu doubler dans un contrat privé par abus de pouvoir par Gahungu Athanase (Ministre des Finances) et TOYI Salvator (Gouverneur de la BRB). Pourtant il avait fait pas moins de 10 voyages Bujumbura-Bruxelles  pour pouvoir décrocher le contrat sous ses frais en tant qu'indépendant. Gahungu et Toyi eux voyagaient (en 1ère classe) aux frais de l'Etat qu'ils étaient entrain de plumer ! Gahungu et Toyi ont donc organisé un montage très simple avec la complicité d'un employé de la Belgolaise, Monsieur Lemaire : ils vont payer mais beaucoup plus et se partager le surplus. Domitien Ndayizeye qui, à l'occasion, avait rangé son tournevis bénit l'opération. Gahungu signa l'ordre et Toyi exécuta le virement. Avec la complicité de Monsieur Lemaire de la Belgolaise, la banque de transaction. Le partage  du gâteau s’est fait dans un hôtel de Bruxelles au mois de Juillet 2004 où les grands bénéficiaires étaient tous présents (sauf Kadege). Le Président de la République aurait bénéficié selon une source digne de foi d’une « modique » somme de 500.000 $, Salvator Toyi et Athanase Gahungu,  300.000 $ chacun. Tout est bien qui finit bien ? Non, car entre-temps le dossier a filtré.

Kadege, Glecer et Lemaire  veulent et doivent parler et témoigner devant la cour

Alphonse Kadege répète à qui veut l'entendre qu'il a été tenu hors de ce dossier. Il accuse nommément Gahungu et Toyi et leur demande de s'expliquer publiquement. Il brandit des rapports de ses services le disculpant. Avec le scandale qui commence à filtrer en Belgique  l'employé de la Belgolaise  sur le grill joue sa carrière. De source bien informée, il dit qu'il est prêt à parler pour limiter les dégâts. Pareil pour Glecer, l’héritier de Lubelsky, attaqué par Sahabo Privat pour n’avoir pas honoré tous les contrats signés. Il est attendu au tribunal d’Anvers dans moins de 48 heures (le 02 Septembre 2005). La Belgolaise pour sauver son image notamment n'attend qu'une demande officielle  pour porter à la connaissance du gouvernement burundais tous les documents relatifs à cette affaire et tous les transferts opérés vers les comptes de Ndayizeye, Gahungu et Toyi. Des pressions très importantes ont été faites sur la Belgolaise afin qu'elle se montre « clean » dans cette affaire de vol  et de blanchiment envers un pauvre petit pays africain qui sort à peine de douze ans de guerre.

Tout est fin prêt pour confondre les voleurs et les explications maladroites du  Ministre des Finances ne changent rien. Il ment par exemple quand  il affirme que le créancier, Monsieur Glecer, menacer la saisie forcée des comptes du Burundi à l'étranger ! Monsieur Glecer n’avait rien investi au Burundi. En plus il n’était qu’un héritier des avoirs de Lubelsky. Selon des sources bien informés « Il pouvait se contenter du minimum que le Burundi aurait pu lui accorder surtout après 30 ans de silence ». Gahungu et Toyi, en dignes Burundais  travaillant pour le bien du trésor public aurait dû négocier dur pour que le Burundi paie le minimum raisonnable. Ils auraient engagé de bons avocats pour que le Burundi s'en tire à meilleur compte. Mais, au lieu de cela, ils ont  tout fait pour « indemniser » au maximum Glecer. Ils lui ont versé plus de 3 millions de dollars américains à condition d’en récupérer la moitié (500 pour le Chef, 500 pour le Sous-Chef et 300 pour chaque technicien auteur du montage).

Centre de santé Lubelsky.

Selon un spécialiste des opérations financières illicites, le gouvernement peut recouvrer son dû. « c'est une petite affaire de tracing des mouvements des comptes de Ndayizeye, Gahungu et Toyi, la loi l'autorise, souvenez-vous des avoirs de Mobutu, Ferdinand Marcos et Pinochet dernièrement. En 24 heures on peut dire qui a reçu combien et où ». Des sources concordantes  affirment que les  institutions internationales sont de plus en plus fermes envers ces pratiques. « Le gouvernement a le droit de demander le tracing de ces sommes, c'est une affaire simple en définitive »a résumé le spécialiste des détournements. Privat Sahabo devrait être correctement indemnisé. Quant au peuple burundais, lui aussi volé, nous demandons que le surplus que l'Etat doit récupérer soit affecté à la construction d'un « centre de santé Lubelsky ». Ce sera un symbole fort et visible du tort que les pilleurs de l'Etat font au peuple mais aussi un message que les biens volés peuvent être retournés et que  personne (y compris les hauts dignitaires de l’Etat) n'est au dessus de la loi. A côté de l’enseignement gratuit, le recouvrement du dû pour en faire un centre de santé, symbole de la lutte contre la corruption, sera aussi un autre cadeau que les autorités actuelles auront offert à ces mal soignés qui meurent chaque jour au Burundi par manque de centre d’accueil décent.