M23, LE BURUNDI ET LE RWANDA

 

Par Gratien Rukindikiza

 Burundi news, le 02/09/2012

Le Congo après Mobutu est resté une terre de convoitise, d'instabilité et de non dit. Ce pays regorge de ressources à envier et aiguisent l'appétit de plus d'un. Le père Kabila est arrivé au pouvoir avec l'armée rwandaise ainsi que des soutiens de l'armée burundaise et l'armée ougandaise. Après son assassinat inexpliqué jusqu'aujourd'hui, le fils Kabila peine à mettre de l'ordre dans le vaste Congo. Une idée a germé chez certains géo stratèges internationaux. Il est presque impossible de diriger le Congo sans un fédéralisme fort. Le pouvoir de Kinshasa contrôle moins les régions éloignées que ses voisins dans les mêmes régions du Congo. A Kivu, la langue kinyarwanda est parlée, les téléphones sont plus tournés vers Kigali que Kinshasa, la marchandise passe par Kigali que l'Ouest du Congo. Ne parlons pas des minerais qui trouvent le chemin par là où l'ordre règne et facilite les affaires d'exportation à savoir le Rwanda.

Ainsi est né le M23

L'intégration des anciens combattants du CNDP de Nkunda a été un fiasco. Ces anciens rebelles ont refusé de quitter le Kivu dans le but d'assurer la protection de Banyamulenge. Ils soulèvent aussi le problème des grades militaires et des salaires. Les tentatives d'arrêter le général Ntaganda, recherché par la CPI et la volonté d'arrêter Makenga, un militaire congolais, ancien rebelle, ont mis le feu aux poudres. Des désertions ont créé un nouveau phénomène d'adhésion de plusieurs centaines de militaires, anciens du CNDP. Selon certaines informations, de la défensive, les rebelles sont passés à l'offensive et auraient voulu créer un Etat nommé Congo oriental plus tourné vers le Rwanda que Kinshasa. Les succès de cette offensive rapide ont poussé plusieurs observateurs à se poser des questions. Ces rebelles, sont-ils capables de tels exploits sans une aide étrangère? Un rapport d'un expert des Nations Unies accuse le Rwanda.

Les enjeux économiques de la nouvelle guerre du Kivu

Le Kivu possède des minerais très appréciés. Il rassemble plus de 80 % du coltan, un minerai très recherché et utilisé pour fabriquer les téléphones tactiles et autres high tech. La région a beaucoup de mines d'or. C'est une région volcanique, très fertile et d'élevage. Posséder le Kivu est une garantie pour son budget pour les deux voisins du Congo, à savoir le Burundi et le Rwanda. La grande équation est de savoir si les deux pays ont la même vision économique de cette guerre.

Les minerais du Kivu peuvent entretenir une armée d'occupation ou une rébellion. C'est un fait rare de trouver une zone aussi riche, aussi mal dirigée par un pouvoir central et se trouvant à la frontière avec des voisins très regardants.

Que font les Burundais  dans la rébellion du M23?

Ce n'est qu'un secret de Polichinelle, la rébellion du M23 est composée par des anciens du CNDP, de quelques éléments des rébellions naissantes dans la Kivu, des Rwandais et des Burundais. Dans le CNDP et même parmi les militaires intégrés dans l'armée congolaise, il y avait beaucoup de Burundais. Aujourd'hui, cette rébellion du M23 a plusieurs combattants et commandants burundais. Ceci explique pourquoi le Burundi et le Rwanda ne pourront pas fournir de militaires pour la force d'interposition. Le Congo est opposé à cette participation.

Les Burundais sont entrés dans cette rébellion congolaise depuis le CNDP à la suite de l'arrivée au pouvoir du CNDD-FDD. Ce parti qui est au pouvoir au Burundi est devenu plus un mouvement paramilitaire que politique. Le pouvoir est exercé par certains généraux au sein même de ce parti. Sur le terrain, l'encadrement de la jeunesse de ce parti se fait plus par les services de renseignement et par certains éléments de la police que par le parti en soi. Ainsi, dans les collines, les intimidations ne manquent pas à l'égard des autres Burundais n'adhérant pas au parti au pouvoir. Les anciens militaires de certaines régions ne sont pas rassurés au niveau de leur sécurité quand ils voient des jeunes paysans se promener avec des armes à feu et constatent qu'ils font des entraînements paramilitaires. Certains de ces anciens militaires ont choisi de fuir le Burundi et de se mettre au service des rébellions congolaises. C'est ainsi que certains caporaux sont devenus des officiers de l'armée congolaise et sont aujourd'hui des commandants du M23.

La création et le maintien  des milices imbonerakure finiraient par se retourner contre le pouvoir en place.

Et si le Burundi ratait la géostratégie des Grands Lacs

Pendant la première guerre du Congo, l'armée burundaise, sans l'accord du Président Ntibantunganya, a occupé la partie congolaise proche de sa frontière. Elle a pu coordonner les actions proches de la frontière avec une coopération avec l'armée rwandaise. Cette armée burundaise avait anticipé les évènements.

Aujourd'hui, le M23,  soutenu par le Rwanda selon un rapport d'un expert des Nations Unies et d'autres spécialistes, occupe une bonne partie de Kivu Nord. Ce mouvement a la facilité de mouvement et de feu et donc la possibilité de pousser vers le Sud. Au Sud, il y a la frontière avec le Burundi. Au Nord, l'Ouganda a déjà pris les devants et contrôle l'au- delà de sa frontière. Stratégiquement, ça serait une erreur militaire de laisser une rébellion soutenue par un pays voisin occuper les hauteurs du lac Tanganyika dans un pays aussi instable. Il reste à savoir si le Burundi a les moyens d'assurer les contrôles des hauteurs du lac Tanganyika avec ou sans la complicité du Congo même. Cependant, les relations du Burundi et le Rwanda sont inégalitaires. Le pouvoir du Burundi est dans une position d'infériorité morale par rapport à la position du pouvoir de Kigali qui montre sa détermination et aussi une certaine confiance en soi.

Le Burundi se trouve à la croisée des chemins. Son allié le Rwanda serait un soutien du M23. Ses anciens militaires ont fui les milices du pouvoir et sont devenus des commandants dans cette rébellion. Le Congo soupçonne le Burundi d'être allié avec le Rwanda dans cette aventure. Le pouvoir de Bujumbura maintient le flou pour ne pas fâcher son voisin du Nord le Rwanda et préfère les soupçons du voisin de l'Ouest le Congo.

La progression du M23 sur le terrain est un casse tête pour le pouvoir de Bujumbura.