DES MAISONS PREFABRIQUEES OU DES MAISONS PRECORRUPTIONS?

 Burundi news, le 10 octobre 2006

Par Gratien Rukindikiza

Le Burundi, comme tous les pays du monde entier, a un problème de logement de ses citoyens. La relance des constructions de logements est synonyme de relance économique aussi. Quand le bâtiment va, tout va bien. L’ancien Président Bagaza avait construit des locations vente pour les fonctionnaires. Ces logements ont permis d’améliorer sensiblement le bien-être des fonctionnaires et de relancer l’économie burundaise. Les autres régimes n’ont pas eu de politiques claires de logement et les constructions ont été faites dans un certain désordre notamment l’occupation des sols et la viabilisation des sites.

Aujourd’hui, le problème de logement se pose d’autant plus que des anciens maquisards sont dans les villes, au pouvoir et cherchent des logements adaptés à leurs nouvelles situations.

Dans le cadre de la politique du logement, le pouvoir burundais n’est pas communicatif. Cependant, les informations filtrent. Radjabu, président du parti CNDD-FDD et l’homme d’affaires Rurimirije ont effectué un voyage au cours du mois de septembre 2006 en Turquie pour un marché de maisons préfabriquées. Des échantillons sont déjà exposés à Bujumbura.

La recherche d’une solution au problème de logements est une bonne chose en soi. Toutefois, la démarche comporte quelques interrogations.

Le Burundi est représenté par le gouvernement et non d’un parti. Un chef de parti au pouvoir ou pas, ne peux pas négocier à la place du gouvernement avec des pouvoirs illimités. Radjabu n’est ni ministre, ni vice-Président. Théoriquement, il n’a aucune qualité pour représenter le Burundi. Les Burundais se rappellent de sa déclaration au stade de Bujumbura en affirmant que le Président l’avait mandaté pour négocier avec la Banque Mondiale. Résultat des courses, la Banque Mondiale bloque les fonds et la vérité est qu’il n’a jamais été  à Washington, au siège de la Banque Mondiale.

Le gouvernement burundais n’a pas fait un appel d’offre pour des maisons préfabriquées afin de faire participer plusieurs sociétés. Ce marché est devenu un marché de gré à gré ou tout simplement de corruption à corruption. Le fait d’éviter un marché ouvert est une technique connue pour négocier des dessous de tables. Après les deux milliards de francs retirés de la vente de l’avion présidentiel, il y aura d’autres milliards de francs des maisons préfabriquées. Ceux qui vont payer ces milliards sont les pauvres fonctionnaires qui vont ajouter 20%, même plus pour alimenter les comptes des irréductibles en corruption.

La Turquie n’a pas ratifié la convention contre l’amiante. De gros bateaux remplis d’amiante sont démontés en Turquie et le fer est transformé dans d’autres équipements comme des maisons préfabriquées. Il est fort probable que ces maisons préfabriquées soient remplies d’amiante. Les malheureux acquéreurs n’auront même pas le temps de rembourser les prêts en bonne santé. Les soi -disants experts Burundais ont peur de dire la vérité. Comme on le dit à Bujumbura, le premier qui dit la vérité est mort. La milice de Radjabu fait peur. Nous en reviendrons.

Le coût de ces maisons est excessif pour une maison préfabriquée. Avec 30 millions, on construit une belle maison à Bujumbura. Or, ces maisons  préfabriquées sont au même prix, qualité inférieure. Selon le grand banquier Prime Nyamoya, patron de la BCB, il y a très peu de fonctionnaires capables de se payer une  maison de 40 millions de francs Bu. Les prêts sont octroyés sur une durée de 7 ans selon les règles bancaires burundaises actuelles. Les maisons préfabriquées devront être financées avec des prêts remboursables sur une durée de 7 ans. Sans compter les intérêts, le remboursement du capital est de 357 143 francs par mois sur 7 ans pour un prêt de 30  millions. Pour un financement à long terme, le Burundi devra trouver un bailleur de fonds qui acceptent de prêter l’argent à long terme et  sans intérêt car le risque de change sera plus important que les intérêts à payer. Or, le Burundi n’a pas la bonne côte. Aucun financier international ne pourrait se risquer à une telle opération compte tenu du climat politique actuel et de la mauvaise gouvernance.

Les maisons préfabriquées sont une catastrophe pour l’économie burundaise. Des milliards de francs seraient dépensés sans profiter à la relance de l’économie tant attendue. Les ouvriers, les maçons, les commerçants seront tenus à l’écart de ces transactions car il n’y aura pas de valeur ajoutée dans l’économie burundaise. Or, si des maisons étaient construites avec le maximum de matériaux burundais, avec des maçons locaux, la circulation monétaire issue de ces constructions donnerait du poids aussi à la monnaie et aux rentrées d’argent dans les caisses de l’Etat.

Faudra-t-il saboter l’économie burundaise pour remplir les poches de quelques individus ? Wait and see. L’avenir nous réserve des surprises.