MALAISE A LA POLICE NATIONALE DU BURUNDI

 Par Gratien Rukindikiza

Burundi news, le 27 novembre 2005

Depuis l’indépendance, le Burundi avait deux corps de sécurité intérieure à savoir la gendarmerie et la police. La gendarmerie avait  un statut de l’armée. Elle a été dirigée par  le ministère de la défense nationale et a servi dans des guerres civiles en tant que unités militaires. Les accords de paix entre burundais sous la supervision des anglophones ont conclu à une nouvelle réorganisation des deux corps de sécurité. La gendarmerie devenait une police en fusionnant avec la police existante.

Il y a un an, la gendarmerie a quitté l’armée pour se mettre sous la direction du ministère de l’intérieur. Elle a fusionné avec la police nationale. Cette réorganisation a été mal préparée et est devenue un vrai problème national. Cette fusion a coïncidé avec l’intégration des combattants du CNDD-FDD sortis fraîchement des maquis.

Des problèmes n’ont pas manqué à la nouvelle Police Nationale Burundaise. Les compétences ont fait défaut à plusieurs postes de responsabilité. Contrairement à l’armée où il y a eu des formations dans des unités mixtes, les combattants du CNDD-FDD devenus des policiers  de la nouvelle police n’ont pas bénéficié de cette formation. Certains occupent des responsabilités   qui nécessitent une certaine compétence. La nouvelle police est composée par les anciens gendarmes, mutés à partir de l’armée   ( Il n’y avait pas  de recrutement dans la gendarmerie, les gendarmes étaient des militaires de carrière), la police et les anciens combattants FDD. Il va de soi que les compétences diffèrent. A chaque niveau de responsabilité correspond une certaine compétence. Les anciens gendarmes ont fait une formation d’un an de gendarmerie et ont bénéficié des formations internes. Les anciens policiers ont fait des formations spécialisées en fonction de leurs domaines. Les anciens FDD ont une formation sur le terrain de combattants, donc  de guérilla.

Sans aucune formation, l’ancien FDD n’a aucune compétence pour faire le maintien de l’ordre appelé communément MROP (Maintien et rétablissement de l’ordre public). Un ancien de la police judiciaire ne connaît pas non plus le MROP. En cas de manifestation violente, un ancien FDD aura tendance à tirer à balles réelles. De même, un gendarme du bataillon d’intervention est incapable de faire un travail d’OPJ. Des officiers occupent aujourd’hui des postes pour lesquels ils n’ont pas de compétences. La logique serait de passer par des formations accélérées pour que l’homme ou la femme soit à la place qu’il mérite. Des cas sont fréquents de bavures et des actes irresponsables. Certains policiers font des procès verbaux dans les quartiers en notant dans de petits carnets qui ne sont pas transmis à la justice. Des amendes sont payées suite à des procès faits en dehors de la justice. Ces manquements sont les conséquences du manque de formation. Des interrogatoires sont faites en violation de la loi parce certains ne connaissent pas la loi. La loi s’apprend, elle ne se devine pas. Les règles de la guérilla sont très différentes de la loi burundaise.

Au-delà des complexes, qu’on soit colonel ou commandant, la formation est indispensable pour l’exercice de son métier et surtout celui de policier. Il ne sert à rien de se montrer chef sans avoir les compétences nécessaires. La formation est surtout indispensable pour les anciens FDD.

Au sein de la nouvelle police, une certaine méfiance s’observe entre les anciens gendarmes et les anciens policiers. Les premiers se lamentent d’avoir perdu le terrain au profit de la police. Les uns et les autres défendent leurs « places » par le biais de leurs « représentants ». Le directeur de cabinet du ministre de l’intérieur, ancien policier, roulerait pour les anciens policiers et le directeur général adjoint de la gendarmerie au profit des anciens gendarmes ou presque. L’harmonisation du commandement de la nouvelle police, surtout au niveau des mutations, pose un vrai problème. Certaines nominations sont décidées à partir du ministère alors que d’autres se font à partir de la direction générale de la police. La police se retrouve entre deux styles de fonctionnement à savoir celui de l’armée et celui du civil. Cette police manque de moyens en raison de son statut non encore défini.

La nouvelle police des mœurs et des mineurs dirigée par le colonel Générose Ngendanganya, une ancienne FDD se fait parler d’elle à Bujumbura. Cette police n’a pas de cadre précis et se livre à des violations flagrantes des droits de l’homme, si non des femmes. La police est en effet dirigée contre les filles et les femmes d’autant plus qu’elle contrôle les tenues des filles et femmes ainsi la prostitution. En quoi une jupe courte est-elle différente d’une chemise non boutonnée d’un homme? A partir de quelle hauteur de genou la jupe est-elle courte ? Qui a le droit de déterminer si telle fille porte un habillement qui choque ou pas ? En quoi le « mukondo out » (nombril en l’air) viole-t-il une loi ? Cette police rappelle celle de Kanyoni du temps du régime de Micombero. Comme d’habitude, elle est machiste et sévit contre le sexe discriminé. L’hypocrisie aidant, les hommes politiques veulent endormir le peuple par des leçons de morale mal placée en s’attaquant à une soi-disante mauvaise comportement des femmes. L’homme est toujours «irréprochable ». Son habillement, son look ne choquent pas. Pourtant, une femme qui change de couleur de ses cheveux pour se rendre belle se fait ridiculiser par cette police. La femme burundaise est mal protégée par la loi. Elle devient l’objet de la répression par une machine inventée contre elle.

A tout seigneur tout honneur, la Documentation Nationale, appelée communément la police présidentielle, est en passe de devenir le champion de la violation de la loi. Elle est accusée par les ligues des droits de l’homme et par les citoyens de tortures et d’arrestations arbitraires. En général, cette police a la mission de renseigner le pouvoir de tout danger intérieur et extérieur visant le peuple burundais, les intérêts du pays et le pouvoir. Elle n’a pas le droit de se substituer à la justice. Si elle se comporte comme une police judiciaire avec des pouvoirs d’arrestations, elle est tenue de respecter la loi et se soumettre au contrôle d’un procureur. Or, elle agit comme un Etat dans l’Etat. Nous avons vu dans le passé qu’elle pouvait même arrêter pour le compte personnel du Président. Dans un Etat démocratique, la Documentation n’arrête que dans des cas rares concernant la menace de la sécurité du pays.

La police est à l’image du pouvoir. Si elle respecte les droits de l’homme, le pouvoir en récolte les dividendes. Par ailleurs, si elle viole les droits de l’homme, que le pouvoir soit élu ou imposé, il est sans aucun doute dictatorial. A un moment donné, le peuple jugera si le pouvoir ne contrôle pas ou laisse  sa police violer les droits de l’homme.