INTERVIEW DE MANASSE NZOBONIMPA
Iwacu, le 19/03/2011
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Comment avez-vous accueilli votre exclusion du parti CNDD-FDD ?
(Rires…) Je considère
cela comme une diversion. Comment Pierre Nkurunziza peut réunir des gens et
proclamer que je suis rayé de la liste des militants de ce parti ? Il oublie que
c’est moi qui l’ai accueilli en 1995 quand il quittait le campus Kiriri .
C’était à Nyarurambi en commune Mpanda (Bubanza). Nous venions de passer deux
ans au maquis et notre mouvement était solide. Puisqu’il a osé le déclarer,
laissez-moi dire les choses telles qu’elles sont : de quel droit Pierre
Nkurunziza peut me destituer ? Plutôt, je lui rappelle que je suis un vrai
Mugumyabanga, d’ailleurs d’honneur. J’ai été désigné secrétaire du conseil des
sages du parti lors du congrès extraordinaire à Ngozi par 1500 militants.
Aujourd’hui, il en a réuni une centaine pour m’exclure.
Vous avez été exclu en présence du Président,
c’est un signe fort quand même…
Le Président de la République se trompe.
Qu’il le sache : je mourrai Mugumyabanga car j’ai travaillé pendant neuf ans
pour le CNDD-FDD, j’ai sacrifié ma vie, j’ai combattu pour une cause noble. Il a
perdu la tête et ne sait plus quoi faire. Au lieu de renvoyer des bandits, il
s’attaque à des militants aux mains propres. Il rame à contre courant.
Aujourd’hui, des bandits ont pris la décision de me chasser, c’est
contradictoire et étrange. Ils veulent distraire l’opinion pour qu’ils
continuent à piller le pays.
Comment interprétez-vous le choix de votre
province natale pour vous exclure ?
A Bubanza, les organisateurs s'attendaient à
un soutient de tous les militants. Pourtant, cela a été le contraire. C'est
aussi une façon de se moquer de la population de Bubanza car elle se trouve dans
une extrême pauvreté comme tous les Burundais suite à la mauvaise gestion du
pays.
Vous considérez-vous toujours comme membre du
parti CNDD-FDD?
Je le serai jusqu'à ma mort. Je ne changerai
jamais de parti. Je suis un mugumyabanga à 180%. Plus de 9000 de nos combattants
ont été tués au moment où plus de 10.000 sont portés disparus, sans parler des
milliers de Burundais tués parce qu'ils nous soutenaient. Nous avons arrêté la
guerre afin de participer aux élections suite à la demande de la population.
Pourquoi alors laisser cette dernière sombrer dans la misère à cause de la
corruption? Les vrais membres du parti sont ces petites gens et démobilisés qui
assistent impuissants à la dilapidation des biens de l’Etat. Le parti leur
appartient alors et je ne le quitterai jamais.
Qui est Manassé Nzobonimpa ? Il est né le 16 février 1957 à la 3ème avenue du secteur B de la commune Gihanga (province Bubanza). Aîné d’une famille de sept enfants (cinq mourront encore jeunes), Manassé Nzobonimpa est le fils de Bukuru Jean et d’Agrippine Ntawuyankira. M. Nzobonimpa a hérité, selon lui, la bravoure de son arrière grand-père, guerrier redoutable de Kirima. D’après sa famille, Manassé Nzobonimpa indique que même son grand-père est mort sur le front dans la Kibira. En 1967, alors que son père vient de décéder, sa mère éprouve des difficultés pour élever ses deux enfants. Il part alors au Rwanda. Il n’avait que 10 ans et était en 2ème année primaire. Il sera élevé par Malachie Sempara, un Rwandais qui résidait dans la préfecture de Bugarama (il vient de mourir). En 1972, sa mère et sa petite sœur l’y rejoignent. Ils feront six ans au Rwanda et regagneront ensemble la terre natale. Il se rend alors à Bukavu (RDC) de 1974 à 1975, pour continuer ses études secondaires (11ème année). Il retourne au pays en 1978 : « Je suis rentré sans diplôme. » Il se débrouille tant mieux que mal. Il fait le tractoriste (conducteur de tracteurs) à Bururi et gagne un peu d’argent. En 1992, Manassé Nzobonimpa embrasse la carrière politique et adhère au parti Sahwanya Frodebu. Une année plus tard, il est désigné chef de zone Mitakataka( Province Bubanza). Au maquis Après l’assassinat du premier président démocratiquement élu (Octobre 1993), M. Nzobonimpa entre dans la Kibira avec 60 combattants et 20 fusils : « J’ai formé presque tous les combattants. Je connaissais chacun de mes hommes. » Manassé Nzobonimpa est chargé respectivement de la logistique (G4) et de la mobilisation politique (G5) à l’Etat major général du CNDD-FDD. Il est commandant de la région ouest (Bubanza, Cibitoke, Kayanza, Muramvya, Bujumbura rural, Mairie, Ngozi et Mwaro). Au pays Quand le mouvement CNDD-FDD devient parti et entre au gouvernement (2003- 2004), Manassé Nzobonimpa travaille à l’Etat major intégré de l’armée. Après les élections de 2005, il devient gouverneur de Bubanza, sa province natale. Il démissionnera lors de son élection comme secrétaire exécutif du Conseil des sages, en 2007 à Ngozi. Il est actuellement député à l’EALA (East Africa Legislative Assembly) Loisirs Il roule à vélo, fait de la marche et de la natation. Comme repas, il raffole de la pâte de blé, mange toute sorte de légumes et fruits. M. Manassé ne prend pas de l’alcool depuis plusieurs années. Une bavaria frais lui va très bien. |
Vous rejetez donc cette
mesure...
Ils détiennent le squelette du CNDD-FDD. Les vrais militants qui poursuivent
l’idéologie du parti ne sont pas là. Nous sommes les vrais. Ils se déchirent
eux-mêmes. En plus, ils se ridiculisent. Ils ont violé la loi en prenant une
telle mesure au cours d’un pseudo congrès. Ils doivent avoir un problème quelque
part. Pourquoi n’ont-ils pas attendu le congrès qui était prévu le 5 mars ?
Aucune ambition donc de former votre propre
parti?
Jamais. Le CNDD-FDD est un parti fort que
nous avons tant défendu. C’est ce qu’ils veulent nous imposer mais nous sommes
assez murs pour déraper. Nous allons participer aux deux combats : le combat
national et celui idéologique. Mais le premier prime sur le second. Des
richesses du pays ne peuvent pas se volatiliser. Il y a des hommes et des femmes
responsables. Le combat idéologique ne va pas nous prendre du temps parce que
nous avons des Bagumyabanga dignes qui nous aideront à chasser des bandits. Que
le porte-parole du parti CNDD-FDD se détrompe : je ne demanderai jamais pardon.
J’ai péché contre qui ? Le jour où le peuple apprendra la vérité, il les
chassera du pouvoir.
Concrètement, qui sont ces bandits ?
Je peux confirmer que ce ne sont pas les 8
millions de Burundais ou toutes les institutions du pays. C’est une petite
poignée de gens que nous voulons mettre à la connaissance du peuple burundais.
Les personnes suivantes doivent être poursuivies et répondre de leurs actes
devant le peuple burundais : Pierre Nkurunziza : je ne l’accuse pas. Cependant,
c’est lui le chef suprême qui doit défendre les intérêts du pays. S’il n’est pas
complice dans les détournements, qu’est-ce qui l’empêche de traduire devant la
justice les coupables? Comment ne pas demander des comptes à quelqu’un qui a
prêté serment devant le pays et la communauté nationale, devant Dieu tout
puissant, tenant le drapeau national ? Il a juré de respecter, protéger les
Burundais et trouver des remèdes à leurs maux. Mais ce qui se passe
aujourd’hui, est que le Président de la République, au lieu de prendre des
mesures contre des bandits connus de tous, s’acharne contre la personne de
Manassé en le qualifiant de traître. Que la population se tranquillise ! Des
bandits sont en train de s’identifier. Ils sont connus.
Mais rien n’indique que le président est au
courant de tout cela…
En effet, le problème qui subsistait était
de savoir si le Président était au courant, impliqué ou pas. Par exemple, le
Président de la République est au courant du dossier de l’achat des armes
défectueuses. La ministre Clotilde Nizigama ainsi que d’autres hautes
personnalités sont pointés du doigt par l’Inspection générale de l’Etat. Cette
dernière a bel et bien montré comment ces détournements ont eu lieu et leurs
auteurs et a demandé qu’ils soient traduits devant la justice. Est-ce que le
Président de la République a réagi ?
Pouvez-vous citer par exemple quelques
auteurs de corruption qui vous choquent le plus et pourquoi?
- Gabriel Ntisezerana :
l’actuel président du Sénat a été 2ème vice-président pendant trois ans.
Pouvez-vous me dire que c’est son salaire qui lui a permis de construire le
gigantesque étage de Kiriri dont la valeur est estimée entre 3 et 4 milliards de
nos francs? Que le parlement, la justice et d’autres institutions fassent des
enquêtes pour nous dire où il a trouvé cet argent.
- Alain Guillaume Bunyoni, le ministre de la Sécurité
publique : il est en train de construire des villas partout. Or, si on vérifie
le salaire d’un ministre, y compris avantages et indemnités, où peut-il trouver
tant d’argent pour bâtir toutes ces maisons ? Qu’il sache que nous n’arrêterons
pas de le dénoncer.
- Alexis Barekebavuge, député élu à Cibitoke : il est en train
de construire à Sororezo et chez lui des villas. Il a aussi d’autres biens que
j’ignore. Ce pays est malheureux ; Alexis Barekebavuge prie et chante à
l’église, la Bible à la main. Un jour, quelqu’un m’a confié 10 millions à donner
à Alexis comme cotisation pour le parti. Dieu est témoin si je mentais. Il m’a
refusé un reçu comme pièce justificative. C’est un comportement indigne d’un
représentant du peuple, surtout qui se promène la Bible à la main !
- Jean Marie Rurimirije, le patron de la Mutec :
en face de la présidence de la République, il y a érigé un grand bâtiment estimé
également à des milliards. Pourtant, il vient à peine de rentrer de la Belgique.
Le Sénat l’a désavoué quand il a été proposé comme maire de la ville. C’est le
député Barekebavuge qui l’a introduit dans les services de la présidence.
Aujourd’hui, il fait le tour du monde.
- Ezéchiel Nibigira, ex-directeur des douanes : c’est moi-même
qui l’ai proposé pour occuper ce poste. Il travaillait dans une ONG locale et
était un simple citoyen. Il y a fait deux ans seulement. Pourtant, il change de
véhicules (marque Jeep) quotidiennement. Avec le salaire d’un douanier, peut-on
payer son loyer, faire d’autres dépenses et construire une villa de 500 millions
de nos francs ? Il y a des fonctionnaires de l’Etat qui ont travaillé des années
et des années mais qui sont toujours des locataires. Est-ce que M. Nibigira a
des secrets pour épargner facilement 4 milliards ? Qu’il nous les révèle.
L'institution de l'ombudsman se dit outrée par
vos déclarations contre Mohamed Rukara et va porter plainte. Qu'en dites-vous?
J'ai cité le nom du sénateur Mohamed Rukara
et non de l'ombudsman car ce poste n'existait pas à l'époque des cahiers. Rukara
peut nier que nous ne nous sommes pas rendus ensemble en Afrique du Sud, puis en
Tanzanie avec Saïdi Kibeya avant d'arriver en Ouganda? On peut même retrouver
les photos. Même les passeports peuvent le prouver. Mohamed Rukara peut nier
qu'il est allé voir le patron de Picfare, me laissant seul à l'hôtel en Ouganda?
Je n'accuse personne, mais je souhaite que des enquêtes soient menées à partir
de ces faits. Il serait aussi mieux d'arriver en Ouganda pour que Picfare ainsi
que les responsables de la banque centrale de l'Ouganda s'expliquent.
Mais pourquoi n’avez-vous pas dénoncé plus tôt ?
Il y a exactement huit mois. Je me suis
entretenu avec le Président de la République dans son bureau pendant deux
heures. Je lui ai fait part de toutes les questions qui minent le pays notamment
le pillage des caisses de l’Etat, la situation sécuritaire dégradante, etc.
Bref, je lui ai montré ce qui ne marchait pas, presque dans tous les secteurs.
Aucune réaction de sa part ?
Il m’a indiqué que mon inquiétude était
fondée, qu’il était déjà au courant de quelques cas de malversations et de
corruptions. Il m’a alors promis de mobiliser son gouvernement pour que les
coupables soient punis. Je suis parti soulagé croyant qu’il allait arranger la
situation.
Finalement, qu’est-ce qui vous a poussé à
tout déballer ?
Ce qui m’a poussé à parler, au péril de ma
vie, c’est ce détournement des 15 milliards de Fbu par certaines autorités sous
prétexte qu’elles avaient acheté du matériel scolaire pour les enfants. Or, lors
de mes tournées à l’intérieur du pays, j’ai constaté la misère sans nom dans
laquelle vivent des familles. Des parents souffrent pour envoyer leurs enfants à
l’école. Il y a lieu de se demander où est la contribution de l’Etat. Cela fait
pitié, ça fait même pleurer. C’est honteux pour le pays. J’ai fait ces
déclarations pour que des générations actuelle et future puissent garder dans
leurs mémoires, les moments pénibles que le pays a traversés. Ils ont détourné
des cahiers et après des armes. C’était trop.
Est-ce que vous agissez seul ?
Pas du tout. 99% de la population burundaise
est derrière moi. Les richesses, mal gérées, appartiennent aux Burundais. Je
suis le porte-parole des sans voix. Je suis mandaté par le peuple et je ne fais
rien sans leur accord.
Qu’est-ce qui le prouve ?
Allez faire des enquêtes dans les coins et
recoins du pays et interroger la population si elle est pour ou contre mes
déclarations. Vous saurez la vérité. Qui peut soutenir des voleurs de renoms ?
Ailleurs, le voleur n’a pas de place. Le Burundi est le seul pays au monde qui
tolère, respecte et protège des bandits. Ce qui est tout à fait normal car des
bandits se respectent mutuellement. Nous n’accepterons jamais qu’une minorité de
gens le détruisent. Un jour, nous les poursuivront et les chasserons du pouvoir.
Car des Burundais dignes de ce nom, de bonne foi, capables de défendre des
intérêts du pays existent.
Selon une opinion, vous envisageriez reprendre
les armes…
J’aimerais rassurer les Burundais et la
communauté internationale que nous n’avons aucunement l’intention de le faire.
Pour chasser les rats d’un grenier, on ne leur tire pas dessus. Si on prenait
les armes, sur qui tirerions-nous ? Certes sur le policier ou le militaire,
envoyé par ces voleurs. Mais ils ne sont pas coupables et sont tout aussi
démunis que la majorité des Burundais. La guerre n’est donc pas la solution,
car il ne faut pas un grand marteau pour tuer une mouche qu’on a attrapée. De
plus, prendre les armes risquerait de nous confondre avec ceux que le
gouvernement appelle bandits, fous affamés, ....
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Elyse Ngabire (Service Politique) lors de l'interview avec le député Manassé Nzobonimpa... |
A propos, que dites-vous de ces appellations ?
Je ne peux pas accepter un discours
mensonger. Si 20 individus armés attaquent une position d’une dizaine de
policiers, sont-ils des voleurs qui vont y chercher de l’argent ? Si ce sont de
bandits armés, pourquoi n’attaquent-ils pas une banque ou un commerçant ? Quelle
richesse iraient-ils chercher sur une position de policiers ? C’est pourquoi je
ne peux pas les qualifier de bandits armés. Nous mêmes, quand nous avons
commencé la lutte armée, nous ne nous sommes pas directement déclaré. Nous
l’avons fait plus tard. Je suis parmi les précurseurs de la rébellion. Nous
étions qualifiés de TTG (Tribalo Terroristes Génocidaires), avec des queues et
des oreilles qui pendaient jusqu’aux pieds.
Vos déclarations ne peuvent-elles pas être
interprétées comme une sorte de vengeance parce que vous n’avez pas eu votre
part du gâteau ?
(Rires) Dans ce cas,
je ne serai pas en train de dénoncer. Ils le savent et me connaissent pour avoir
vécu ensemble. J’estime qu’il me serait difficile de rejoindre ce groupe de
« mangeurs ». Ce n’est pas mon objectif, j’ai un petit lopin de terre que je
cultive et qui fait vivre ma famille sans détourner de l’argent ou demander des
pots-de-vin et je mourrai sans être corrompu. Quand j’étais gouverneur de
Bubanza, on me proposait des millions pour me corrompre mais je n’ai jamais
accepté.
Excusez-nous d’insister, mais on se demande
toujours pourquoi ce constat tardif ?
Il y a plusieurs années que je prodigue des
conseils aux autorités. Depuis la victoire de notre parti (CNDD-FDD), je n’étais
pas très loin des institutions. J’ai les ai rencontrées à maintes reprises pour
dénoncer ce qui n’allait pas. Il n’y avait pas de secrets entre nous. J’ai
toujours exprimé mes inquiétudes quant à la mauvaise gestion des biens publics.
Mais on ne vous a pas entendu lors de la
démission d’Alice Nzomukunda, de la destitution des 22 députés, sur le limogeage
et l’emprisonnement d’Hussein Radjabu, etc.
A l’époque, le pouvoir accusait ces
personnalités de constituer un blocage au bon fonctionnement des institutions.
Hussein Radjabu était cité comme le cerveau de ces manœuvres. Je trouvais donc
tout à fait normal qu’il soit chassé du parti. Nous étions au début de notre
premier mandat et craignait de mal commencer croyant que la catastrophe allait
tomber sur notre pays. Toutefois, plus les jours passaient, plus je constatais
que M. Radjabu n’y était pour rien. C’est après sa destitution que les cas de
malversation et de corruption se sont révélés. Il fallait chercher le problème
ailleurs.
Le contentieux électoral ne serait pas à placer dans ces problèmes ?
J'aimerais porter à la connaissance de la communauté nationale et
internationale qu'il n'y a pas eu fraude lors des élections de 2010. Je le
répéterai jusqu'à ma mort. J'ai suivi le déroulement du scrutin à partir de 6
heures du matin jusqu'à sa fin. J'ai fait le tour de plus de dix bureaux de
vote. Aucune irrégularité. Si le CNDD-FDD avait opté pour truquer les
élections, il l'aurait fait dans toutes les provinces. Vous n'avez pas vu que
nous avons perdu dans Bujumbura-rural, même dans certaines communes de la Mairie
de Bujumbura et Bururi? Pourquoi alors les truquer dans certaines provinces
seulement? Je ne soutiendrai jamais celui qui affirme qu'il y a eu fraude
électorale.
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... ou encore Dieudonné Hakizimana (Service Enquêtes) |
Pourquoi alors, selon vous, ces hommes politiques disent que les élections ont été truquées?
Ils ont commis une lourde faute lors de la
campagne électorale: une fois les élections remportées, les partis de
l'opposition disaient que tout le programme du CNDD-FFD ne serait plus appliqué
et que Pierre Nkurunziza serait le premier à être arrêté. Or, la population
avait confiance absolue en lui à cette période. Les femmes ont alors compris
qu'elles n’allaient plus accoucher gratuitement, qu'elles allaient payer les
frais pour les enfants de moins de cinq ans qui tombent malade et ceux des
écoliers. Et comme vous le savez, les femmes sont nombreuses au Burundi. C'est
pour cela que les partis de l'opposition ont perdu. Ils ont commis une erreur
politique. Que les Burundais apprennent à dire la vérité!
Et ces leaders de l’opposition se sont
retrouvés en cavale...
Il faut savoir que je ne partage pas l'avis
de ceux qui ont fui le pays. Toutefois, chacun a droit de fuir quand il se sent
menacé. Cela est dû à la faute commise par le ministre de l'Intérieur de diviser
en deux le parti FNL qui a passé plusieurs années au maquis. Prenons le cas d'Agathon
Rwasa. Il a été chassé de son parti. Sûrement qu'il avait ceux qui le
soutenaient. Sans toutefois confirmer que les bandits armés sont ses éléments,
ne pensez-vous pas qu'ils peuvent être emportés par un violent mécontentement
accompagné d'agressivité et faire du mal suite à ce qui est arrivé à leur
patron?
Pour dire que le même cas peut arriver parce
que vous venez d'être rayé de la liste du parti?
Absolument. Si l’on ose me rayer de la liste
du parti ou me tuer et qu'il y ait des gens qui se soulèvent, vous allez dire
que ce sont des bandits? La vraie question réside à ce niveau. Des réactions ne
peuvent pas manquer si on se permet de jeter quelqu'un dans la rue sans savoir
les gens qui sont derrière lui. Rappelez-vous de ce qui est arrivé après la mort
de Melchior Ndadaye. Nos dirigeants veulent que la même situation se reproduise?
Un responsable ou un leader ne peut pas manquer de gens qui le soutiennent. On
ne peut en aucun cas l'exclure du parti comme on veut et penser que ses fidèles
ne puissent se lever pour dire non. Seul Edouard Nduwimana, ministre de
l'Intérieur sera responsable du sang des Burundais qui sera versé parce que
c'est lui qui facilite l'exclusion illégale des membres dans les partis. Aux
yeux des profanes en politique, ils pensent qu'il fait du bien alors qu'il est
en train de déstabiliser le parti CNDD-FDD afin que ceux qui l'ont mandaté
disent que ce parti n'est plus capable d'assurer les affaires du pays.
Manassé Nzobonimpa réclame la lumière sur la gestion des
fonds destinés aux démobilisés. S’il est aujourd’hui traqué, explique t-il,
c’est parce qu’il sait tout.
L’ancien membre du Conseil des sages du parti CNDD-FDD déclare qu‘il est au
courant de tout, notamment pour l’argent destiné aux démobilisés. « Ils sont
responsables de la disparition de ce que devait avoir chaque démobilisé. » Le
député précise: « Ce sont plus de 18 millions de dollars américains. Nous savons
aussi que cet argent a été débloqué. » Manassé Nzobonimpa explique encore: « Ils
savent bien que le démobilisé que je suis réclame aussi au nom de ses frères cet
argent. Maintenant ils ne savent plus quoi faire. Ils n’ignorent pas que je suis
au courant de tout ce qui se passe au sein du CNDD-FDD, que je suis au courant
des secrets de ce parti. »
Demande aux Burundais de pousser loin la réflexion, il s'interroge: « Ceux qui
dénoncent ces malversations sont nombreux (l’Olucome, la société civile, le 2ème
vice-président de la République), pourquoi s’en prendre à moi seul ? »