L'ASSASSINAT D'ERNEST MANIRUMVA, EPEE DE DAMOCLES AU DESSUS DE LA TETE DE NKURUNZIZA

Burundi news, le 09/04/2012

Par Gratien Rukindikiza

Jamais un mort assassiné n'avait hanté autant un pouvoir. Ceux qui ont l'habitude d'assassiner prennent le plaisir d'écarter les personnes gênantes en les tuant. Dans un pays où la société civile est très active, surtout en matière de lutte contre la corruption, le pouvoir corrompu ne fait que trembler.

Ernest Manirumva, militant infatigable de la lutte contre la corruption, a fait les frais de ce pouvoir corrompu.

Ce lundi 9 Avril 2012, c’est le troisième anniversaire de l’assassinat d’Ernest Manirumva. La justice burundaise peine à traduire en justice les véritables assassins de cet activiste de la société civile. En revanche, des innocents croupissent à la prison centrale de Mpimba , Rwasa Salvator est contraint de vivre le calvaire de l’exil et des témoins oculaires de la police et de l’armée sont systématiquement liquidés. Rappelons que l’ancien porte parole du FRODEBU, Monsieur Pancrace Cimpaye a pris le chemin de l’exil en avril 2010 pour avoir cité publiquement pour la première fois, l’identité des assassins de Manirumva.

Pourquoi Manirumva a -t-il été assassiné ?

Ayant reçu des informations liées à un trafic des armes, Manirumva a mené une enquête sur un commerce illicite d’armes effectué au nom du gouvernement burundais. Ces armes sont vendues au Soudan qui est sous embargo, une autre partie qui est échangée contre l’or de la R.DC est acheminée chez les différents groupes rebelles qui sont à l’Est de la R.D.C. Une information non encore vérifiée fait état du même commerce avec les el shabab de la Somalie !

Manirumva apprend d’une source gouvernementale que le Burundi vient d’acquérir une importante cargaison d’armes. Mais ces armes ne se retrouvent dans aucun stock de la police et de l’armée. Où sont passées ces armes ? Telle est la question à la quelle Manirumva doit trouver une réponse. Il mène ses investigations. Courageux et audacieux, il pose la question à la police. Le général  Bunyoni est alerté ! Il fait rapport au réseau ! Manirumva doit mourir. En outre, il faut mettre  la main sur le fichier de cette enquête et détruire toute trace y relative!

Ernest Manirumva était sur le dossier et avait déjà récolté beaucoup d'informations. Le dossier était suivi par certains diplomates en poste à Bujumbura. Ce dossier aurait été une bombe, plus que Falcon ou les cahiers ougandais.

Qui sont les hommes du réseau ?

Pour bien constituer le réseau de cette contrebande, le laboratoire décide d’initier une loi au parlement qui donne les prérogatives d’achat des armes au Ministre de la Sécurité Publique, le Commissaire de police Alain Guillaume Bunyoni. Désormais l’achat de toutes les armes du Burundi initialement entre les mains du Ministère de la défense revient exclusivement au Ministère de la Sécurité Publique ! La loi a été adoptée. Le parlement n’y a vu que du feu ! Seul le sénateur Rugira Jean Marie perplexe, a soulevé que ces prérogatives pour le seul Alain Guillaume Bunyoni sont lourdes.

Le deuxième noyau du réseau est apparu quand un avion pirate a atterri à l’aéroport international de Bujumbura en pleine journée. Cet avion qui devait atterrir la nuit a fortement compromis le secret du réseau. Ainsi tous les agents de l’aéroport se souviennent qu’ils ont tous été chassés et que l’avion a été déchargé par des hommes de la Présidence de la République et des services de renseignement d’Adolphe Nshimirimana. Les burundais se souviennent que le tout puissant porte parole du Président Pierre NKURUNZIZA, Monsieur Léonidas Hatungimana a déclaré à la presse que le déchargement a été effectué par la Présidence parce que l’avion contenait des ordinateurs de la Présidence de la République. Pourtant une source digne de foi de la garde du Président Nkurunziza nous apprenait que le produit du déchargement de ce genre d’avion rentrait tout droit au palais présidentiel. La même source précise que les habitués du palais présidentiel auront à un certain moment vu des containers entreposés au sein du palais. Il semblerait que la première dame n’aurait pas apprécié cet entreposage et aurait exigé que ces containers soient transférés ailleurs. Ce qui fut fait.

Le troisième noyau est composé par monsieur Mohamed Rukara. Les transactions avec Khartoum sont entre les mains de cet homme devenu Ombudsman au grand dame de l’ancien Président Ntibantunganya qui était initialement pressenti pour ce poste. A ces voix du CNDD-FDD ou de l’opposition qui s’indignaient de la nomination de l’inculte Rukara à un poste aussi prestigieux, sachez que Rukara est bien qualifié en arabe, langue de transaction de cette contrebande. Mohamed Rukara est l’homme qui convoyait les cargaisons de ces armes vers Khartoum et ramenait la mallette pleine de billets verts.

La nuit fatidique du 9 avril 2009 : les assassins.

Le réseau susmentionné démontre que le président Nkurunziza Pierre, commandant suprême, magistrat suprême, est au cœur du trafic. C’est ainsi que le soin de mettre la main sur le fichier des investigations de Manirumva et son assassinat est confié aux services de sécurité de l’Etat : le Général Major Adolphe Nshimirimana , Administrateur Général du Service National de Renseignement, le Général de brigade Gervais Ndirakobuca, Directeur Général Adjoint de la police national, le véritable Directeur Général, le colonel David Nikiza, chargé de la région ouest au sein de la police, l’officier Désiré Uwamahoro et le tortionnaire des ex Forces Armées Rwandaises nommé Népomoscène marié au Général de brigade Ngendanganya Générose.

Les réunions de planification de son assassinat ont été organisées chez Adolphe Nshimirimana en présence des deux bourreaux policiers de la capitale à savoir Ndakugarika, le directeur adjoint de la police et Nikiza David, ancien  commissaire régional Ouest de la police. A chaque réunion, les trois anciens rebelles des FDD étaient présents d'après le rapport d'enquête.

 Ces hommes ont organisé la filature de Manirumva.  Les trois ont été chez Manirumva pour l'arrêter et l'ont conduit dans son bureau. Notons que son bureau se trouvait dans le ministère de l'agriculture. Pour y accéder, il fallait passer devant les policiers qui gardaient l'entrée du ministère.

 C'est au cours d'une interrogatoire musclée qu'ils l'ont tué volontairement. Adolphe Nshimirimana est sorti tard la nuit après la mort d'Ernest Manirumva. Il a envoyé un véhicule Hiace de la Documentation pour ramener le cadavre d'Ernest Manirumva chez lui devant sa maison.

Le corps de Manirumva portait des trous dans son crâne d'une baïonnette enfoncée plusieurs fois dans deux endroits différents de la tête; une véritable sauvagerie. 

Les ADN et la protection des preuves

Les policiers américains ont demandé les ADN de plusieurs chefs de la police, y compris Adolphe Nshimirimana. Le pouvoir burundais refuse de les prélever. Certaines sources disent que ces policiers auraient déjà les ADN mais qu'ils cherchaient la voie officielle de l'obtention. S'ils ont demandé ces ADN, c'est qu'ils ont déjà comparé celles trouvées sur le corps de Manirumva et celles de ces policiers. Les preuves sont là, tôt ou tard, la justice pourra agir.

Les appels de Manirumva passés de 19 heures jusqu'à l'heure de son arrestation ont été effacés. La compagnie de téléphonie n'aurait pas fourni ces communications à la commission d'enquête ou cette commission aurait sciemment refusé ces données.

Le capitaine Pacifique Ndikuriyo a été assassiné le 30 avril 2009 parce qu'il avait refusé d'organiser l'assassinat d'Ernest Manirumva. Il était devenu un élément gênant même s'il faisait partie de la sécurité présidentielle. D'autres policiers ayant participé à cet assassinat ont été tués et d'autres ont déjà fui le pays. Ils ne fuient pas la justice mais les services de renseignement qui les ont utilisés dans cet assassinat. 

Un crime d’Etat.

Au regard de l’identité des figures du réseau, l’identité des acteurs impliqués dans l’assassinat, Ernest Manirumva a été tué par l’Etat burundais. Ceci explique pourquoi la justice préfère sacrifier des innocents plutôt que de convoquer les véritables responsables de l’acte ignoble. Voilà la raison pour la quelle les hommes impliqués dans ce dossier sont des intouchables. Ils ont le droit de vie et de mort au Burundi. Et Nkurunziza lié n’a pas le droit de les toucher sinon il risque d’y avoir un grand déballage qui ne l’épargnerait pas.

Plusieurs députés belges ont manifesté devant l'ambassade du Burundi en Belgique et ont remis une lettre au Président Nkurunziza. Le dossier Manirumva n'épargnera pas le pouvoir. Nkurunziza est devant un dilemme, sacrifier Adolphe Nshimirimana pour se sauver ou baisser la tête en attendant que la tempête passe. A moins qu'elle dure et devienne un ouragan.