L'organe d'information du parti Sahwanya Frodebu a publié un
article dans lequel il affirme que des témoins gênants dans l'assassinat
d'Ernest Manirumva sont en train d'être assassinés. Iwacu a vérifié une à une
les affirmations de l'Aube de la Démocratie dont un des rédacteurs, Pancrace
Cimpaye, a dû prendre la fuite.
1. L'Aube de la démocratie a écrit qu'Ezéchiel Icoyishakiye était un
agent de transmission du colonel David Nikiza. Il était emprisonné au BSR
(Bureau Spécial de Recherche) pour avoir trempé dans l'assassinat d'Ernest
Manirumva. Il a été transféré au centre neuro psychiatrique de Kamenge
(communément appelé chez le gentil) mais malgré les assurances du commissaire
adjoint de la BSR c'est homme dans la nature. Vrai ou faux
Vrai. D'après les enquêtes menées par Iwacu, Ezéchiel Icoyishakiye, était
effectivement un AT (Agent de Transmission) du colonel David Nikiza. Selon les
informations recueillies auprès de ce centre qui s'occupe des malades mentaux,
trois policiers ont amené Ezéchiel Icoyishakiye, menotté, chez le gentil. Ce
policier a été admis à l'hôpital le 8 février de cette année: "La police nous
a indiqué qu'Ezéchiel Icoyishakiye agressait d'autres détenus et cassait tout
objet", affirme un des responsables de l'hôpital. Cette source indique aussi
que ce policier a été mis en observation à partir du 9 février mais
curieusement, il ne manifestait aucun signe d'un malade mental: "C'était
peut-être une façon de le faire sortir de la prison", pense une infirmière de
cet hôpital. Elle ajoute qu'Ezéchiel Icoyishakiye a eu droit à une sortie
autorisée mais suivie le 10 février: "Il n'est plus sorti depuis ce jour parce
que visiblement personne ne le gardait."
Des gardes-malades retrouvés chez Le Gentil affirment que deux agents qui
devaient garder Ezéchiel Icoyishakiye sont partis. Des sources proches de la
direction du centre neuro-psychiatrique de Kamenge précisent que l'hôpital a
averti la police du départ de ces deux gardes-malades mais celle-ci n'a pas
envoyé d'autres policiers pour continuer la garde. Ezéchiel Icoyishakiye a
profité du moment où l'on refaisait des installations électriques le 4 mars dans
hôpital pour s'enfuir . Il serait actuellement en cachette dans la province de
Bubanza.
2. L'Aube a écrit que Nzisabira qui était aussi agent de transmission
de David Nikiza est porté disparu. Vrai ou faux
Vrai. Différentes personnes qui le connaissent interrogées par Iwacu
indiquent qu'elles ne l'ont pas vu depuis six mois.
3. L'Aube de la démocratie a écrit que la troisième victime qui a
échappé à cette campagne d'élimination est Sylvestre Niyoyankunze chauffeur du
général de brigade Gervais Ndirakobuca, alias "Ndakugarika" (Je vais
t'éliminer). Il a reçu des balles à la poitrine à Bwiza à la 1ère avenue.
Vrai ou faux
Vrai. Sylvestre Niyoyankunze, est effectivement un agent de la police et
chauffeur de Gervais Ndirakobuca, directeur général adjoint de la police
nationale. Il est allé prendre un verre dans la nuit du 13 au 14 mars de cette
année dans un bistrot situé à la 1ère avenue dans la commune urbaine de Bwiza.
La version de la police est que des bandits ont fait irruption dans ce cabaret
pour s'emparer des téléphones et des sommes d' argent des clients. Ce policier
est intervenu pour arrêter ces bandits et lui ont tiré dessus. Néanmoins, ceux
qui étaient sur les lieux ce jour-là indiquent le contraire. D'après M. G,
serveur dans ce bistrot, des hommes non identifiés sont venus ce soir dans ce
cabaret: "Ils ne sont pas entrés à l'intérieur mais ils ont envoyé quelqu'un
pour chercher Sylvestre Niyoyankunze." A sa sortie, témoignent les clients qui
ont assisté à toute la scène, il a immédiatement reçu des balles et ces hommes
armés sont partis sans être inquiétées. Interrogé à ce sujet, Pierre Channel
Ntarabaganyi, porte-parole de la police a signifié à Iwacu que le mieux serait
de chercher nous même "le policier afin de nous entretenir avec lui." Iwacu a
essayé de le contacter, une fois il a décroché le téléphone mais n'a pas voulu
nous rencontrer. Des sources dignes de foi indiquent que Sylvestre Niyoyankunze
a est terrorisé parce que ceux qui savent qu'il détient la vérité sur
l'assassinat d'Ernest Manirumva le cherchent pour l'éliminer. Il vit caché.
4. L'organe d'information du FRODEBU a écrit que la dernière victime
est le capitaine Pacifique Ndikuriyo. L'Aube a précisé que cet officier
subalterne avait refusé la mission d'exécuter Ernest Manirumva parce que c'est
un converti, "born again". Vrai ou faux
Vrai. Sa veuve confirme effectivement que son mari était un "sauvé" qui
ne pouvait pas accepter de commettre un crime. Il a été assassiné par des hommes
en armes le 30 avril même si l'Aube avance la date du 20 avril. Iwacu a retrouvé
la veuve de Pacifique Ndikuriyo mais celle-ci n'a pas voulu faire de
commentaires. Elle demande seulement que les assassins de son mari soient
identifiés et traduits en justice. Néanmoins, des témoins qui ont requis
l'anonymat affirment que ce capitaine a été abattu parce qu'il en savait trop:
"Une circulation inhabituelle des véhicules de la police le soir de son
assassinat à son domicile situé à la 11ème avenue du quartier Mutakura dans la
commune urbaine de Cibitoke. Un des agents du capitaine Pacifique Ndikuriye, un
surnommé "Mwarabu" avait déserté son poste le soir de l'assassinat.
5. L'Aube de la démocratie a écrit que le directeur de la prison de
Rutana a transféré le prévenu Joseph Ntirampeba alias Birara à Bujumbura. Ce
démobilisé avait été arrêté par la commission d'enquête. La commission avait
interdit ce transfert. Vrai ou faux
Vrai. Une source proche de cette commission confirme l'information.
D'après les enquêtes menées par Iwacu, Joseph Birara est un démobilisé qui
habitait le quartier Muyinga de la commune urbaine de Kinama avant de se
réfugier dans la province Rutana. Il a été engagé dans une société d'énergie
appelée SAMANKOR où un haut cadre du service national des renseignements l'a
recommandé. Il a été arrêté et emprisonné à Rutana par la 3ème commission
d'enquête. Cependant, le directeur de cette maison de détention l'a transféré à
Mpimba à l'insu de la commission. Cette dernière a arrêté ce directeur de la
prison Rutana. Il est incarcéré à la prison centrale. Nous avons essayé de
rencontrer à Mpimba ce directeur de la prison Rutana pour qu'il nous dise celui
qui lui a intimé l'ordre de transférer Joseph Ntirampeba sans succès.
6. Le journal du parti Sahwanya FRODEBU a écrit que la camionnette
ainsi que l'agent de transmission du directeur des douanes étaient dans la nuit
du 8 avril au domicile et au bureau d'Ernest Manirumva. Vrai ou faux
Vrai. Le directeur des douanes a déclaré devant la commission que sa
camionnette avait été réquisitionnée par la police présidentielle. Mais au sujet
de l'agent de transmission arrêtée Iwacu a constaté que c'est plutôt un certain
Albert Sibomana un démobilisé qui gardait le chantier d'Ezéchiel Nibigira,
directeur des douanes. La troisième commission l'a arrêté, il est emprisonné à
Mpimba.
Il vit dans la clandestinité depuis le début de cette année. C'est un
policier qui dit avoir participé à l'assassinat d'Ernest Manirumva sans le
savoir. S.J. a livré son témoignage à Iwacu parce qu'il estime que sa vie est en
danger.
Selon lui, cinq réunions de préparation de cette tuerie se sont déroulées chez
certains officiers supérieurs de la police et de l'armée deux mois avant le
passage à l'acte : "Nous sommes allés chez un officier de la police à Kibenga
trois fois, au quartier Kigobe chez un officier supérieur de l'armée deux fois."
Il se souvient surtout de la date du 8 avril 2009, la veille de l'assassinat
d'Ernest Manirumva.
S.J. témoigne que l'opération a commencé vers 22 heures ce jour-là: "Nous
sommes allés à Mutanga Sud. Arrivés sur les lieux, on nous a dit de sécuriser
les axes, car une haute personnalité allait voyager tard dans la nuit. Nous nous
sommes exécutés."
Ce policier indique qu'une voiture est arrivée tout de suite sur les lieux.
"J'ai vu l'officier qui habite à Kibenga et deux agents de transmission dont les
noms sont connus en sortir. Puis deux autres voitures sont arrivées : celles de
l'officier de Kigobe et celle d'un autre officier de la police qui avait
participé aux cinq réunions."
Selon toujours ce témoin, un groupe de deux éléments de la police filait Ernest
Manirumva : "Quand il est arrivé chez lui, l'officier de l'armée a donné un
masque à l'un des agents de transmission. L'autre officier qui habite Kibenga
les a suivis. Ils sont entrés chez Ernest Manirumva. Ils sont ressortis après
plus ou moins dix minutes, transportant quelqu'un. J'ai pensé que c'est une
personne qu'on vient d'arrêter. Ils l'ont fait monter dans une camionnette."
Le témoin affirme qu'il ne connaissait pas Ernest. Manirumva.
"Notre rôle était de sécuriser les axes routiers"
Par après, S.J et ces autres agents de transmission ont reçu l'ordre de partir:
"Il y avait trois véhicules. Nous sommes passés par le boulevard du 28
novembre, passés devant l'hôpital Roi Khaled", se rappelle-t-il. Arrivés à
la gare du nord, les trois véhicules se sont dirigés vers le centre ville:
"Nous sommes passés près du mess des officiers du côté de la cathédrale Régina
Mundi et nous avons longé la route qui mène vers l'hôpital clinique Prince Louis
Rwagasore. Nous nous sommes garés près du bureau de la Commission de
Désarmement. L'officier de Kibenga a sorti la personne de la camionnette et l'a
conduite dans un bâtiment situé près des locaux de la commission de désarmement",
signale-t-il.
Ce policier se rappelle qu'ils ont, encore une fois, reçu l'ordre de sécuriser
les axes routiers. L'officier de Kigobe nous a dit qu'un minibus de marque Hiace
allait arriver et qu'il faudra qu'on le laisse passer. Ce minibus est arrivé à
peu près vingt minutes plus tard. Deux personnes qu'il n'a pas pu identifier
sont sorties et entrées dans un bâtiment proche de la Commission de Désarmement.
Au bout d'un moment, les deux officiers de la police dont celui de Kibenga et
les autres sont ressortis. Nous sommes repartis à Mutanga Sud et nous nous
sommes déployé de la même façon pour sécuriser les axes routiers, raconte-t-il.
"Le minibus s'est garé près de l'entrée du domicile d'Ernest Manirumva. Deux
personnes et un chauffeur étaient à bord. Les deux personnes ont transporté
quelque chose vers la maison puis sont revenues. Nous sommes tous remontés dans
les véhicules."
S.J. indique qu'après l'opération, on l'a déposé à la position policière se
trouvant près de l'ambassade des États-Unis d'Amérique à côté de la société
d'assurance Socabu : "C'est là où j'ai passé la nuit. C'est seulement le
lendemain qu'en apprenant à la radio qu'une personne à été retrouvée morte à
Mutanga Sud que j'ai compris ce qui s'était réellement passé cette nuit-là."
"Je ne perçois plus mon salaire"
Quelques mois après, l'officier de la police ci-haut cité lui demande de charger
Hilaire Ndayizamba comme étant le commanditaire de cet assassinat: "J'ai
travaillé chez l'homme d'affaires Hilaire Ndayizamba. Je faisais partie de sa
garde à une certaine période et comme nous sommes ressortissants de la même
province, cet officier était sûr que j'arriverai à convaincre les enquêteurs,
mais j'ai refusé."
Après quelques jours, indique S.J, le même officier l'a convoqué, mais par peur
il ne s'est pas présenté à son bureau : "Des amis m'ont dit qu'il s'est lui
même déplacé jusque-là où je travaillais pour, disait-il, s'entretenir avec moi.
Il a même ordonné à mon chef direct de m'arrêter. Ce jour-là, je l'ai vu de mes
propres yeux et je suis retourné dans ma cachette." D'après S.J, cet
officier a alors récupéré son fusil. Fin janvier, notre source constate que son
salaire n' a pas été versé:"J'ai compris le message et suis parti."
Selon des organisations de la société civile, elles ont demandé à la troisième
commission d'enquête sur l'assassinat d'Ernest Manirumva d'écouter S.J.
moyennant une garantie de protection des témoins. Celle-ci a accepté de
l'écouter, mais n'a pas donné de garantie de protection, arguant qu'elle n'avait
pas la possibilité de le faire.
Pour ces organisations de la société civile, cela est inacceptable, car elles
pensent que la commission envisageait d'emprisonner S.J. Ces organisations
estiment que la vie de ce policier serait en danger parce qu'il serait plus
exposé en prison qu'ailleurs.
