INCENDIE CRIMINEL AU MARCHE DE BUJUMBURA

 Burundi news, le 27/01/2013

Par Gratien Rukindikiza

Le marché de Bujumbura brûle depuis ce matin. Les Burundais de Bujumbura qui observent ce spectacle désolant et insoutenable se posent beaucoup de questions. Où était passé le camion citerne des pompiers qui devait stationner à côté du marché avec des policiers commandés par un officier? Pourquoi y a -t-il eu un retard dans l'intervention de cette protection civile? Pourquoi  certains étaient-ils au courant d'un prochain incendie du marché de Bujumbura depuis jeudi? Et le dossier Sogemac de 2,5 milliards de francs bu?

Les faits

Dès le petit matin de ce 27 janvier 2013, un incendie s'est déclaré dans le marché de Bujumbura. Les secours ont fait défaut et le feu s'est propagé au niveau de tout le marché central de Bujumbura, le grenier de la ville de Bujumbura. Les responsables de la police chargés de la sécurité civile ont été à un certain moment introuvables pour gérer la crise. Le camion citerne des pompiers qui devait stationner en permanence aux abords du marché n'y était pas depuis quelques semaines. Cela n'avait attiré l'attention de personne. La réglementation de la sécurité du marché avait été complètement mise de côté. Pire, la ville de Bujumbura était et est sans une protection en cas d'incendie malgré qu'elle dispose de 6 camions de pompiers. L'incompétence des services étatiques burundaises étant ce qu'elle est,  ces camions  manquaient des pièces de rechange et les dossiers de commande dormaient dans les bureaux das administrations depuis un mois, immobilisant ainsi les camions indispensables pour secourir la population. Certains soulignent la lenteur administrative, d'autres le manque de budget.

Le ridicule ne tue pas. Les services de la police ont été obligés de demander aux camions des pompiers de Gitega et Kayanza de descendre pour éteindre l'incendie au marché de Bujumbura. Le temps de parcours est au minimum 2 heures. Inimaginable! Une capitale d'un pays, incapable d'éteindre un début d'incendie!

Le Burundi a dû faire appel aux autorités rwandaises pour mettre à leur disposition trois hélicoptères spécialisés dans la lutte contre les incendies. Ces hélicoptères sont en action au moment où nous rédigeons cet article.

Incompétence et  insouciance

Le commandement de la police devait se poser la question d'une telle incompétence. Il est impensable que de telles erreurs se commettent au détriment des intérêts de la population, du pays aussi. Les consignes de la protection du marché n'ont pas été appliquées depuis ces derniers jours et on voit les résultats. Pour mémoire, le commandant de la protection civile est le commissaire Ndayishimiye qui a pris ces fonctions après avoir perdu la direction générale de la police où il a laissé un bilan catastrophique que ce soit au niveau de la gestion du personnel, du commandement, du respect des droits de l'homme par les policiers etc...

Un tel incendie résulte d'une faute grave d'incompétence. Chacun doit en tirer les conséquences. S'ils étaient conséquents avec eux-mêmes, le directeur général de la police, le commandant de la protection civile et le ministre de la sécurité publique devaient démissionner dès lundi matin pour éviter d'être limogés. Ils devraient comprendre que le peuple les paye pour exécuter correctement leur mission.

Un incendie criminel sans aucune hésitation

Quelques pistes mènent vers un incendie criminel. Quelques commerçants avisés avaient déjà retiré leurs marchandises du marché de Bujumbura depuis jeudi vendredi comme s'ils s'attendaient à une action certaine sur le marché. Les enquêtes devraient bien vérifier cette piste.

La Sogemac chargée de la gestion du marché de Bujumbura, dont les bureaux se trouvaient au marché central de Bujumbura, avait un manquant dans les caisses et comptes bancaires de 2,5 milliards de francs bu. Certaines sources bien informées disent que l'ancien  maire Giswaswa était inquiété par la justice en raison de ce détournement de 2, 5 milliards. Est-ce un incendie pour effacer les traces d'autant plus que tous les documents de cette société ont brûlé dans l'incendie? Est-ce une piste qui peut se révéler crédible? Aux enquêteurs  de bien travailler sans pression. Si l'argent a été détourné pour et par le système au pouvoir, les enquêtes n'aboutiront jamais.

Une autre piste à ne pas négliger est celle des gens qui commençaient à parler d'un incendie du marché central de Bujumbura dès vendredi. Est-ce que l'incendie était programmé pour vendredi et reporté à ce dimanche? Fallait faire coïncider le jour de l'incendie du marché et le départ du Président Nkurunziza au sommet de l'Union africaine? Les Burundais n'ont pas la mémoire courte. Les massacres de Gatumba ont été commis la veille du départ du Président Nkurunziza à l'Assemblée générale des Nations unies. Ces massacres se sont révélé être un pure montage des services de renseignement du pouvoir.

Au Togo, au cours de cette semaine même, le marché central a été ravagé par un incendie. Le pouvoir a fait un montage et le lendemain, l'opposition était accusée d'avoir commis le forfait. Espérons que le pouvoir ne fasse pas comme le Togo en accusant l'opposition.

Les assurances

Paradoxalement, les marchandises du marché central n'étaient pas assurées. Seuls les commerçants ayant assuré leurs crédits pour faire du commerce au marché central pourraient être remboursés. Il s'agit d'un remboursement direct à la banque du solde du crédit restant à payer. Les marchandises ne sont pas concernées et ces commerçants vont perdre une grande partie de leur capital. Cela montre la fragilité des affaires au Burundi et aussi le manque d'accompagnement des pouvoirs publics. Ils auraient dû imposer aux commerçants d'assurer leurs marchandises pour leurs protections. Cet incendie est un drame incalculable pour les commerçants qui viennent de tout perdre. Une perte financière qui s'accompagne d'un état psychologique fragilisé. L'Etat devrait prévoir un fonds pour accompagner ces commerçants; une façon de palier à ses manquements.