MASSACRES A GATUMBA, BEAUCOUP DE NON DITS

Burundi news, le 19/09/2011

Par Gratien Rukindikiza

Les bonnes nouvelles du Burundi sont rares. Ce sont surtout des tragédies qui endeuillent la nation. Depuis les fameuses élections truquées de l'année dernière, l'insécurité règne dans le pays. Des tueries se succèdent et sont souvent l'oeuvre du parti au pouvoir à travers sa milice spécialisée en tueurs aidée par la police et les services de renseignement. Bujumbura rural est devenu une région hantée par la terreur, la haine, les assassinats, les vengeances etc...

39 morts et plusieurs dizaines de blessés du carnage de Gatumba

Le soir de ce dimanche 18 septembre 2011, des personnes habillées en tenue de policiers ont attaqué un bar de Gatumba et ont tiré sur les personnes présentes pendant plus de 25 minutes. 39 morts et  plusieurs blessés. Ce carnage a jeté le froid à Bujumbura, la peur se lit sur les visages et elle gagne tous les camps. Personne n'est épargnée. Quand la foudre frappe, elle n'emporte pas que les ennemis, les Burundais l'ont dit.

Ce carnage a mobilisé tout le pouvoir. Le Président Nkurunziza a annulé son voyage à New York et vient de décréter un deuil national de 3 jours. Une enquête est lancée pour identifier les auteurs de ces assassinats.

Deux poids, deux mesures

Ce massacre intervient au moment où la population de Bujumbura rural implorait le Président d'intervenir pour stopper ces violences. Cette population s'est heurtée à un mur. Un silence devant l'ampleur des massacres orchestrés par ses services de renseignement et la police. Des milliers de gens  ont été déjà massacrés dans Bujumbura rural pour le seul tort d'être des militants du FNL de Rwasa. Ce sont des massacres organisés par le pouvoir; un véritable génocide. Le Président Nkurunziza devait revoir la définition de génocide. Le carnage de Gatumba n'est pas un génocide. Le Burundi vient de perdre mais aussi le Burundi perd ses filles et fils depuis ces fameuses élections. Le Président ne fait que lancer des menaces aux gens de Bujumbura rural au lieu de comprendre leur douleur.

A Gatumba, le déplacement du pouvoir, trois jours de deuil et une enquête lancée montrent bel et bien que les morts ne se valent pas. A Muyinga, le colonel Vital Bangirinama a tué autant et il a été exfiltré par le Président et se retrouve à l'étranger. Ces morts n'ont même pas eu droit à un cercueil. Le Président ne s'est pas déplacé. Les cadavres qui chavirent dans les rivières laissent indifférents le pouvoir.

Qui sont les auteurs de ce carnage?

Sans connaître ces auteurs, notons que ce sont des assassins, ennemis du peuple, comme le sont les jeunes Imbonerakure du pouvoir. C'est un crime abominable.

Il convient de savoir d'abord qui étaient visés dans ce carnage. Le bar appartenait à un membre du CNDD-FDD. Il recevait ce soir une équipe de football de la jeunesse du CNDD-FDD, nommés Imbonerakure. D'emblée, le coupable idéal devient le FNL de Rwasa car ses militants sont tués par ces jeunes Imbonerakure. Une simple vengeance, diront certains. Les conclusions hâtives ne sont pas souvent les plus proches de la réalité.

L'attaque a duré 25 minutes à Gatumba, pas loin d'un poste de policiers et même d'un camp militaire. Une question qui se pose, pourquoi 25 minutes sans une intervention. Les forces de l'ordre sont arrivées après le repli des assassins. Quelle coordination? Laisser faire pendant 30 minutes si on inclut le temps de repli et arriver après le forfait. Colombo en ferait une très bonne enquête.

Est-ce que le FNL de Rwasa aurait bénéficié d'une telle complicité?  Est-ce que les combattants du FNL de Rwasa portent tous des tenues de policiers en règle? Il y a beaucoup de zones d'ombre.

Et si le pouvoir avait organisé ces massacres pour arrêter les opposants?

En politique, tout est possible. La facilité de cette attaque et l'absence de la police pendant 25 minutes de tir sont des éléments qui peuvent conduire vers un acte délibéré de vrais policiers, pour un coup monté à mettre sur le dos du FNL de Rwasa, sans oublier de jeter en prison Léonce Ngendakumana du Frodebu.

La volonté du pouvoir est de casser l'opposition et la société civile. Si pour y arriver, il faut des coups montés, ce ne sont pas les services de renseignement du Général Adolphe Nshimirimana qui vont hésiter. Si Rwasa disposait d'une telle force, il aurait déjà attaqué un poste de police pour récupérer au moins des armes.

Le Président Nkurunziza a décidé de mettre en place une commission d'enquête. On connaît trois commissions d'enquête sur l'assassinat de Manirumva mais les assassins continuent d'endeuiller le Burundi. Il est fort possible que cette commission ponde un rapport d'enquête avant de commencer puisque les coupables idéals sont connus. Est-ce que la police dira pourquoi elle n'est pas intervenue à temps?