LES MASSACRES DE MUYINGA VONT-ILS DESTABILISER LE BURUNDI? 

Par Gratien Rukindikiza

 Burundi news, le 21/01/2008

Un régime aux abois est comme un chien enragé. Il dévore tout ce qu'il trouve sur son passage. Tout massacre commis par un régime finit tôt ou tard par se retourner contre ce régime. Aucun régime ne reste éternellement au pouvoir. L'énergie utilisée pour se maintenir au pouvoir ou pour cacher la vérité sur des massacres commis se transforme en énergie pour précipiter la chute du régime ou pour étaler au grand public la vérité. La force physique, les menaces, les intimidations, les manipulations  et les assassinats ne peuvent rien faire. La vérité finit par éclater.

Qui a ordonné les massacres de Muyinga?

Pour que les massacres de Muyinga se fassent, il y a eu une coordination entre le commandant de la région militaire de Muyinga et du responsable de la Documentation Nationale, dépendant de la Présidence. Tout a été fait pour que les deux responsables de ces massacres ne soient pas inquiétés. Le procureur de la République de Muyinga avait arrêté le responsable de la Documentation de Muyinga et une mutation l'a rappelé à l'ordre. Ses supérieurs lui ont fait comprendre que le dossier est très compliqué et qu'il fallait fermer les yeux. Les Burundais ont l'habitude de dire que le dossier a été préparé d'en haut. Ils n'osent même pas dire la fonction comme les chrétiens qui parlent de celui d'en haut pour désigner le Dieu.

Le chef de la Documentation de Muyinga a été libéré et est aujourd'hui à son ancien poste, narguant les familles des 30 membres du Palipehutu FNL tués.

L'ordre de massacrer les 30 membres du Palipehutu-FNL est venu d'en haut. La Présidence et la Documentation Nationale ont décidé de les éliminer. La mission a été confiée au colonel Vital Bangirinama, commandant de la région militaire concernée et ancien FDD et au responsable provincial de la Documentation Nationale (SNR) à Muyinga. Le commandement de l'Armée, notamment le ministre de la Défense Nationale et le chef d'Etat Major, n'a pas été informé de l'opération.

Pourquoi le colonel Vital Bangirinama n'a-t-il pas été arrêté? 

Le dossier a pris une ampleur nationale quand les médias ont commencé à s'y intéresser et surtout quand les bailleurs de fonds ont exigé la lumière sur ces massacres avant de débloquer les aides. Le ministère de la Défense Nationale a diligenté des investigations et le colonel Vital Bangirinama a été limogé de son poste. Le dossier a abouti sur sa responsabilité. L'auditeur militaire a envoyé au chef d'Etat Major général  un mandat d'arrêt et le chef d'Etat Major général adjoint, le général major Niyombare s'y est opposé. Il a demandé à ce qu'on attende quelques jours.

Selon des sources dignes de foi, ceux qui ont fait pression pour que l'arrestation de Vital Bangirinama ne se fassent pas sont : Le Président de la République Pierre Nkurunziza, l'Administrateur Général de la Documentation, le général major Adolphe Nshimirimana, le chef d'Etat Major adjoint de l'armée, le général de brigade Niyombare Godefroid et le chef d'Etat major interarmes adjoint, le général de brigade Niyungeko Juvénal. Tous sont des anciens FDD. Cette opposition à cette arrestation n'avait qu'un seul objectif, celui de protéger  la vérité. Le colonel Vital Bangirinama ne pouvait pas accepter de subir seul les conséquences de ces massacres sans les commanditaires.

La dernière carte pour incriminer le lieutenant général Niyoyankana et le général major Gahiro a échoué

On croirait au vieux temps où le KGB commettait un assassinant et laissait les traces de la CIA pour que la piste soit faussée. Ce dossier de Muyinga devenait de plus en plus lourd et le Président ne savait pas comment s'en sortir. Avec ses généraux, ils ont trouvé l'astuce d'incriminer le ministre de la Défense Nationale Niyoyankana et le chef d'Etat Major Gahiro. La mission a été confiée à celui qui devait être arrêté. Vital Bangirinama a eu la mission d'aller dire à la RPA  qu'il a commis les massacres de Muyinga sur ordre du ministre de la Défense Nationale et du chef de l'Etat Major, tous ancien FAB. Le colonel Bangirinama s'est pointé à la RPA pour parler à la radio mais sa version manquait de cohérence. Ses propos ont été enregistrés mais non diffusés car les journalistes ont cru à un piège.

Bangirinama n'a pas compris que lui aussi était piégé. En le faisant parler à la radio, ceux qui l'avaient envoyé devait l'éliminer après pour que le piège se referme sur Niyoyankana et Gahiro. Le pouvoir aurait fait comprendre que ce sont les deux patrons de l 'armée qui l'auraient éliminé pour éviter d'autres révélations. Même si  la vérité est connue, les deux officiers généraux auraient eu du mal à se défendre face à ce piège.

Constatant que son interview n'avait pas passé et que la ligue Iteka avait banalisé ses déclarations qu'il avait faites chez eux, le colonel Vital Bangirinama a pris la fuite par le lac Tanganyika vers la Tanzanie grâce à une complicité du  général de brigade Niyombare, chef d'Etat major général adjoint de l'armée, ancien FDD.

Après la fuite de Vital Bangirinama, le pouvoir a trouvé un autre émissaire qui a été à l'ambassade des Etats Unis, prétendant qu'il a des preuves d'implication du lieutenant général Niyoyankana. Il n'a pas été pris au sérieux. Ils ont tenté certains sites internet pour qu'ils publient ces déclarations mensongères mais nos confrères n'ont pas accepté de tomber dans le piège.

"A défaut de casser la chaîne de commandement de l'armée, nous allons verser du sang"

C'est une phrase qui m'a été difficile de reproduire mais il le fallait pour mettre à nu la barbarie du pouvoir actuel. L'armée nationale n'inquiète personne car l'esprit de corps semble bien s'y installer contrairement à la police nationale. Grâce à l'action du lieutenant général Niyoyankana, elle est vraiment républicaine. C'est justement pour cela que le pouvoir lui en veut. Il ose dire la vérité quand il le faut. C'est lui qui avait calmé les ardeurs d'Adolphe Nshimirimana quand il voulait arrêter 30 officiers de l'armée dans ce faux putsch. Il a bien dit que s'ils veulent chercher des putschistes, qu'ils aillent les chercher ailleurs et non dans l'armée. Le montage du faux putsch tombait dans l'eau car on s'imagine mal un putsch sans militaires.

En voulant impliquer le lieutenant général Niyoyankana et le général major Gahiro, le pouvoir voulait déstabiliser l'armée et créer un sentiment de peur chez les anciens FAB. Ils s'imaginaient qu'ils pouvaient créer des Kadege et Ndayizeye bis.

La haine est tellement grande qu'un officier supérieur, ancien FDD, répétant ce qu'on lui a dit, a déclaré qu' à défaut de casser la chaîne de commandement de cette armée, ils vont verser du sang. Or, on ne sait jamais si le sang versé sera celui des autres et le sien.

Le chemin pris par ce pouvoir est inquiétant. Les signaux sont au rouge. La tentation d'ethniser les problèmes du pays cache mal la médiocrité et la méchanceté du pouvoir. Si cette armée est déstabilisée, le pouvoir ne sera pas à l'abri. Aujourd'hui, les Burundais sont fatigués et il y aura très peu de gens pour les suivre dans leur aventure dangereuse.

Nous reproduisons les extraits d'une interview de l'ancien Président Ndayizeye du 16 janvier 2008 au journal Net Press. Il parlait du pouvoir actuel. 

"Un pouvoir, quel qu’il soit, qui s’engage sur la voie de la violation des droits de l’homme se
décrédibilise et prépare sa propre disparition »

 « Il peut se retrouver demain ou après demain déchu de ses pouvoirs et se retrouver à la barre, tant la communauté internationale est devenue peu tolérante vis-à-vis de ces actes ignominieux perpétrés contre des citoyens innocents »

. « L’on ne peut pas en même temps prôner la bonne foi en tenant d’une main la bible pour ses prières et d’une autre, l’épée contre son peuple, ce serait défier le Tout-Puissant »