Burundi news, le 29/06/2011

Par Jean Marie Ngendahayo

Un grand ami du Burundi nous quitte :

Hommage à Mamadou Bah

 

En privé, beaucoup d’entre nous l’appelions « Grand Frère », S.E. l’ambassadeur Bah Représentant du Secrétaire Général de l’Union Africaine au Burundi depuis une quinzaine d’années. Il a eu droit à ce qualificatif, non pas tant à sa tête qui fut chenue avant d’être chauve ni même pour la longévité de sa mission, mais bien pour les sentiments qu’il suscitait en chacune des personnes qui ont eu à commercer avec ce grand homme. Aux autorités, il savait leur dire les vérités que personne n’eût osé dire. Mais cela était dit en des mots si mesurés, si fraternels que les pires critiques étaient reçues comme des conseils d’ami. Aux découragés, il leur décochait des blagues et tous le quittaient le sourire aux lèvres confiant en l’avenir. Aux enfants, il se mettait à leur diapason et pouvait s’entretenir de leurs menus secrets comme si, dans sa vie, il n’avait eu comme seule tâche que de partager avec eux leur univers de fantaisies et de magie.

L’Ambassadeur a accompagné la crise burundaise d’Octobre 1993 depuis les premiers jours. Si dans l’histoire de la médiation et des négociations burundaises, l’histoire retiendra le rôle joué par les dirigeants de ce monde qui sont intervenus à différents niveaux pour contribuer à la signature des accords de paix d’Arusha, peu savent le travail de bénédictin déployé dans la discrétion par Mamadou Bah. Peu savent le nombre de personnalités qui ne pouvaient s’exprimer publiquement sur le Burundi avant de l’avoir consulté. L’ambassadeur Bah conseillait, consolait, admonestait, encourageait avec une humeur égale et un amour profond pour toute âme en peine qui venait à lui.

L’ambassadeur Bah était pétri de culture africaine autant qu’il était féru de la civilisation mondiale. Il pouvait vous entretenir autant de René Casin, de RabindranãthTagore que de Amadou Hampate Ba avec la simplicité que seule une érudition peu commune donne droit. Il avait appris à aimer la culture burundaise et savait déceler, par-delà les épiphénomènes et les turpitudes présentes, ce qui fait la vraie richesse du Burundi : Ubuntu. Il me disait souvent son émotion face au sens de la mesure et du contrôle de soi dont les Barundi peuvent faire preuve dans des circonstances des plus éprouvantes pour les nerfs. « Un peuple capable d’un tel self-control, disait-il, est capable de miracles demain ».

En Burundais, en Africains nous savons que Amadou Bah reste parmi nous ; c’est pourquoi en ce moment un poème s’impose à mon esprit et j’en psalmodie quelques vers … avec tous ceux qui t’ont aimé et respecté, cher « Grand Frère » :

Ecoute plus souvent

Les Choses que les Etres

La Voix du Feu s’entend,

Entends la Voix de l’Eau.

Ecoute dans le Vent

Le Buisson en sanglots :

C’est le Souffle des ancêtres.

 

Ceux qui sont morts ne sont jamais partis :

Ils sont dans l’Ombre qui s’éclaire

Et dans l’ombre qui s’épaissit.

Les Morts ne sont pas sous la Terre :

Ils sont dans l’Arbre qui frémit,

Ils sont dans le Bois qui gémit,

Ils sont dans l’Eau qui coule,

Ils sont dans l’Eau qui dort,

Ils sont dans la Case, ils sont dans la Foule :

Les Morts ne sont pas morts.

(Extrait de « Souffle » de Birago Diop)

 

 

Jean-Marie Ngendahayo

Bujumbura, le 25 Juin 2011