Burundi news, le 01/12/2008

MEMORANDUM   DU PARTI SAHWANYA- FRODEBU SUR LA SITUATION SOCIO-POLITIQUE QUI PREVAUT  AU BURUNDI  EN NOVEMBRE 2008

 

 

I.  INTRODUCTION

  1. Depuis sa création en 1986, le Parti Sahwanya- FRODEBU s’est engagé fermement et résolument à œuvrer pour l’instauration d’un Etat de droit, d’un Etat démocratique et d’une société juste et équitable au Burundi ;
  2. Dans ce combat, le FRODEBU s’est fixé comme ligne directrice la Vérité, la Tolérance et le Compromis, fondements d’un dialogue franc et sincère ;
  3. C’est ainsi que le FRODEBU a pu convaincre les partenaires politiques, sociaux et moraux, en particulier le Parti UPRONA à accepter l’instauration de la démocratie pluraliste au Burundi en 1992 ;
  4. Suite aux exigences du FRODEBU et avec l’appui de la communauté internationale, des élections furent organisées en Juin 1993 et des institutions élues furent mises en place ;
  5. Malheureusement en octobre 1993, le Président Melchior NDADAYE fut lâchement assassiné dans un putsch  militaire sanglant et le pays sombre dans une crise politique, institutionnelle, sécuritaire et sociale sans précédent ;
  6. Le FRODEBU, persuadé et convaincu que seuls le dialogue franc et sincère, la  recherche du compromis pourra sortir le pays  de ces impasses,  mène des négociations sur plusieurs fronts : tantôt avec les forces politiques, les forces sociales et morales ; tantôt avec les mouvements politiques armés et même avec la communauté internationale ;
  7. Ces négociations ont abouti à l’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation au Burundi qui se prolonge par la Constitution du Burundi. Ces deux instruments politique et juridique posent correctement la problématique du conflit burundais et proposent des solutions politiques, institutionnelles, sécuritaires et socio-économiques réalistes pendant et après la période de transition jusqu’à ce que le pays soit stable politiquement, économiquement et socialement ;
  8. Malheureusement, nous constatons aujourd’hui que le Pouvoir CNDD-FDD s’écarte de ces références fondamentales pourtant parrainées par la communauté internationale, les Nations Unies et la Région en particulier, pour imposer aux Burundais, par force doublée d’incompétence et de manque de vision nationaliste, une gestion anarchique et chaotique ;
  9. La négation de ces deux références fondamentales dans la conduite des affaires du pays sera de lourdes conséquences si des mesures et des actions urgentes de redressement n’étaient pas prises ;

 

II.                  CONSTATS

Dans le domaine Politique, des droits de la personne humaine et des libertés publiques

 

  1.  La violation répétitive de la constitution et des autres lois matérialisées notamment par la formation d’un Gouvernement anticonstitutionnelle au début de la législature en cours, l’exclusion de l’Assemblée Nationale de 22 Députés, le refus de promulguer certaines lois votées par le Parlement le refus du contrôle de l’action gouvernementale par le Parlement, la tentative de retour au monopartisme de fait, la préparation opaque des élections de 2010 ;
  2.  Les obstructions, les tracasseries et le harcèlement à l’endroit des partis politiques de l’opposition, de la société civile et des medias matérialisés par des arrestations arbitraires, des jugements et des emprisonnements abusifs (en violation de la constitution de la loi sur les partis politiques) , du droit international, des tueries massives de paisibles citoyens et la torture de hauts dignitaires du Gouvernement de transition en l’occurrence l’ancien Président NDAYIZEYE Domitien et l’ancien Vice- Président KADEGE Alphonse ;

Sont des épreuves irréfutables que le Burundi est retombé dans un régime militaire dictatorial ;

 

Dans le domaine de la paix et de la sécurité

 

12.   L’absence des modalités pratiques de mise en application de l’Accord signé entre le dernier mouvement politique armé, le PALIPEHUTU-FNL de Agathon RWASA ; le manque d’une ligne directrice pour le désarmement de la population civile et des milices, le réarmement et l’encadrement des ex-combattants (démobilisés) par le Parti CNDD-FDD et la recrudescence des violences constituent des menaces potentielles qui pèsent sur le Burundi et la région des grands lacs ;

 

 

13.  Par ailleurs, l’on assiste dans le pays à plusieurs attaques armées sur des biens et des personnes sous plusieurs formes : vols à mains armées accompagnées souvent de tueries des victimes, attaques à la grenade dans les bistrots accompagnées de morts, embuscades sur les routes, etc.  Ces attaques dont plusieurs auteurs n’ont jamais été inquiétés s’observent actuellement sur l’ensemble du territoire ;

 

Dans le domaine économique

 

14. Alors qu’il était attendu du régime issu des élections de 2005 une relance de l’économie du pays par le biais de l’application des règles de Bonne gouvernance, le pays s’est retrouvé entraîné et ce, dès le départ du régime jusqu’à nos jours, dans un système de corruption, de détournements de fonds et de deniers publics, ainsi que de  malversations économiques  de toute sorte sous un couvert complice de tout l’appareil de l’Etat. Rappelons les graves  cas encore pendant : la vente illicite de l’Avion Présidentiel le Falcone 50 dont les conclusions de  la commission d’enquête parlementaire pointe du doigt le plus haut sommet de l’Etat et son entourage, le dossier Interpetrol, le marché des vivres pour la police,  le dossier du Centre national de démobilisation (DDR), et bien d’autres ;

 

15. Plusieurs dossiers de corruption et malversation croulent sous les bureaux de  la Cour anti-corruption sensée chargée de lutter contre ces crimes. Malheureusement, comme beaucoup d’autorités sont impliquées, les magistrats, le plus souvent au service de l’Exécutif, n’ont pas le courage ou la force de statuer dans le sens du droit ;

 

16. Il est manifeste que la pauvreté au lieu de diminuer continue à s’accentuer dans le pays, que ce soit en milieu urbain ou en milieu rural. Les quelques appuis venant des bailleurs de fonds arrivent timidement et à compte gouttes du fait notamment du manque de confiance des bailleurs de fonds dans un régime qui est gagné à la corruption. Les faibles performances de l’économie mondiale se répercutent sur le Burundi et ce de façon aggravante ;

 

Dans le domaine social

 

  1. Des mesures populistes ont été annoncées notamment la gratuité de l’enseignement primaire  et les soins médicaux pour les enfants de moins de cinq ans et les mères qui accouchent. Mais par manque de politique sectorielle et faute de mesures d’accompagnement bien pensées, ces mesures sont restées lettre morte et créent beaucoup de confusion et de difficultés dans les écoles, les hôpitaux, les dispensaires et les centres de santé ;

18. La population est frappée par des misères de toute sorte : famines et disettes dans certains coins du pays, manque de logement adéquat, impossibilité d’intégration de nombreux  rapatriés et des sinistrés, multiplication des viols de toute sorte, incapacité d’accéder à des soins de santé suivi de l’affaiblissement physique de la population surtout en milieu rural, incapacité d’accès à un système scolaire adéquat pour les enfants, et bien d’autres insuffisances graves qui sont décriées régulièrement par la population ;

 

Au niveau de la Communauté Internationale

 

19. La communauté internationale qui a soutenu le processus de paix et de réconciliation inter burundais semble actuellement se résigner même dans des cas graves les plus flagrants que nous avons cités ci-dessus ;

 

20. Le détournement total de l’attention de la communauté internationale pour se consacrer davantage aux  autres pays de la sous- région sous prétexte que le Burundi a plus ou moins fini de résoudre ses problèmes est une erreur gave, une vision erronée de la situation qui prévaut au Burundi , et risque d’anéantir tous les efforts louables qui avaient été consentis, avec des répercussions graves sur la région ;

 

21. Les pays de la sous- région, leaders de l’initiative de paix au Burundi semblent être actuellement dans une situation tout à fait embarrassante, ne permettant pas d’avoir une cohésion suffisante pour appuyer le Burundi dans le sens de l’Accord  d’Arusha et des divers Accords de cessez-le-feu ;

 

 

III.                CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

 

Envers le Président de la République et son  Gouvernement

 

22. Le Président de la République doit :

 

·                   jouer pleinement son rôle constitutionnel de garant du fonctionnement normal et régulier des institutions ;

·                   promulguer sans tarder  l’instrument de ratification du protocole facultatif relatif au Pacte International des droits civils et politiques des citoyens ainsi que la loi sur la privatisation des entreprises para- publiques ;

·                    libérer la justice afin qu’elle puisse fonctionner réellement de manière indépendante ;

·                   mettre un terme à la campagne électorale prématurée en utilisant les moyens de l’Etat et l’aide publique de la communauté internationale ;

·                   libérer sans conditions tous les prisonniers politiques et d’opinion ;

·                   faire fonctionner le gouvernement qui reste jusqu’ici paralysé par une structure qui n’est pas réglementée ;

·                   préparer de manière transparente les élections de 2010 notamment d’engager le débat sur la révision de la constitution, du code électorale de la loi  communale et d’autres règlements régissant les élections au Burundi;

·                   créer un environnement favorable à l’application de l’accord signé entre Lui et le Mouvement PALIPEHUTU – FNL.

 

Envers le Parlement

 

23. D’exercer pleinement et souverainement son rôle de contrôle de l’action Gouvernementale et cesser d’être une caisse de résonance de l’Exécutif ;

 

24. D’exiger du Gouvernement la présentation de ses priorités pour l’année 2009 avant le vote du budget, exercice 2009 particulièrement les questions relatives à la sécurité et aux élections de 2010 ;

 

 

25.  De rendre public le rapport de la commission d’enquête Parlementaire sur la vente illicite de l’avion Falcon 50 pour que les responsables de cette vente illicite soient traduits en justice ;

 

26. D’exiger la promulgation  des lois votées par le Parlement ;

 

27. De réengager le débat en son sein sur la mise en place d’une commission chargée de suivre le respect et l’application de l’Accord de cessez-le-feu signé entre le Gouvernement et le PALIPEHUTU- FNL d’Agathon RWASA ;

 

Envers les Partis Politiques, les forces sociales et morales

 

28. De constituer un vaste rassemblement pour le changement de cette situation en 2010 ;

 

Envers l’initiative régionale de Paix sur le Burundi et la Communauté Internationale 

  1. De renoncer à la confusion entretenue  sur le cas du Burundi par rapport aux autres pays de la sous - région et de garantir l’application et  le strict respect  des principes démocratiques et de bonne gouvernance qui ont été acquis dans l’Accord d’Arusha et qui ont guidé la transition par le régime en place, sans quoi tout l’édifice politique et social ne va pas tarder à s’écrouler ;

30. De s’impliquer davantage dans les préparatifs des élections de 2010, en disposant les outils et moyens humains et matériels nécessaires  pour ces opérations et user de toute son influence pour dissuader tous les acteurs politiques de s’engager sur le terrain de la confrontation violente ;

  1. D’user de son influence pour amener le gouvernement burundais à respecter les droits et libertés individuelles et publiques, notamment en exigeant la réhabilitation dans leurs droits les 22 députés chassés illégalement de l’Assemblée Nationale, ainsi que la libération sans conditions de nombreux prisonniers politiques et d’opinion ;
  2. D’apporter un appui économique plus substantiel au Burundi, notamment en accélérant le processus de remise de la dette, tout en améliorant les mécanismes de suivi et de contrôle de la gestion de l’aide accordée au Burundi en vue de réduire au maximum les risques de mauvaise gestion et de corruption ;
  3. De ne pas continuer à cautionner les cadres de dialogue « dits nationaux » dans lesquels le Pouvoir en place ne croit pas du tout. En effet, la participation du Gouvernement dans ces cadres de dialogue n’est pas manifeste ;
  4. D’exiger du Président de la République et de son Gouvernement la mise en place des mécanismes de consultation et de concertation entre le divers partenaires pour la préparation et l’organisation des élections démocratiques, libres et transparentes ainsi que la sécurisation de ces dernières et de la population avant, pendant et après les élections.

 

Le Parti Sahwanya-FRODEBU reste engagé et déterminé à poursuivre la lutte qu’il a engagée jusqu’à l’instauration d’un Etat de droit, d’un Etat démocratique et d’une société juste et équitable. Il reste également disposé à tout dialogue franc et sincère visant à trouver des compromis aux questions encore en suspens.

 

 

 

                                                                             Fait  à Bujumbura, le 26/11/2008

 

               Pour le Parti Sahwanya-FRODEBU

 

                                                        Honorable Léonce NGENDAKUNANA

 

                        Président.