LES MILITAIRES BURUNDAIS EN SOMALIE, QUITTERONT OU NE QUITTERONT PAS?

Par Gratien Rukindikiza

Burundi news, le 06/01/2009

La Somalie est une véritable corne de l'Afrique. Elle est tellement aiguisée qu'elle fait peur comme un bœuf méchant qui cogne sur tout ce qu'il croise. Aujourd'hui, la Somalie est le pays qui fait trembler l'économie mondiale après la crise des Subprimes. Il suffit de se rendre compte du nombre des navires de guerre qui croisent dans le Golfe d'Aden. Presque tous les pays européens possédant une marine de guerre importante y sont représentés. La Chine a aussi ses navires. Ces machines de guerre sont là pour protéger la route du pétrole et des cargos de marchandises contre les pirates somaliens; un véritable casse tête chinois. Ces Somaliens sont tellement motivés qu'ils n'hésitent plus à se lancer à plus de 100 km des côtes pour attaquer des bateaux.

Une intervention militaire en Somalie est aussi dangereuse que celle en Irak. Pour les Américains, la Somalie est plus dangereuse que l'Irak. Le pays est divisé en deux et seule une partie est aux mains du pouvoir reconnu par la communauté internationale. Ce pouvoir a besoin d'une protection internationale. Il est aussi fragile que le pays lui-même. Seuls le Burundi et l'Ouganda ont répondu à l'appel de ce pouvoir. Les Burundais et les Ougandais n'auraient pas mis les pieds dans ce pays dominé par des forces islamistes avec une connotation clanique des Hawiye, clan dominant du pays, si les Ethiopiens n'étaient pas présents avec leur armée très bien équipée.

Faux départ des militaires éthiopiens

Cette présence de l'armée éthiopienne rassure les militaires burundais et ougandais mal équipés face aux insurgés qui maîtrisent le terrain. Le discours du Premier ministre éthiopien a semé la panique chez les Ougandais et Burundais. En annonçant le retrait des forces africaines composées de Burundais et Ougandais avant la fin du retrait éthiopien, Mr Zenawi a poussé ces pays à éclaircir leurs positions. Pouvaient-ils rester seuls dans ce bourbier? Des tractations ont eu lieu pour convaincre les Ethiopiens de rester.

Le Premier ministre éthiopien avait annoncé le retrait de ses forces pour répondre aux interrogations croissantes des députés inquiets de la famine qui sévit dans le pays au moment où des sommes colossales entretiennent les forces éthiopiennes en Somalie. Le Premier ministre ne voulait pas retirer en réalité ses troupes mais il avait besoin d'un financement pour consacrer le budget alloué à ses forces en Somalie à la lutte contre la famine. L'Ethiopie vient de recevoir l'accord de financement de l'Union africaine pour maintenir les forces en Somalie. Ce financement donne une porte de sortie de crise aux Burundais et Ougandais qui auraient dû préparer un repli sous la protection des Ethiopiens. En aucun cas, ces deux forces n'auraient pu rentrer sans bénéficier d'une force de protection. Une force qui s'installe sous la protection d'une autre a toujours besoin d'une autre force pour protéger son désengagement.

Comment sortir de ce bourbier?

Les forces burundaises ne peuvent pas rester longtemps en Somalie. Depuis plus de 20 ans que ce pays est en morceaux, ce n'est pas cette arrivée de ces forces qui va l'aider à se souder d'autant plus qu'il n' y a aucune conquête programmée des territoires sous le contrôle des islamistes. Les financeurs peuvent aussi se lasser de cette Somalie et les forces de protection du pouvoir centrale de Mogadiscio seront poussées à quitter la Somalie.

Aujourd'hui, le Président somalien a démissionné après avoir limogé son Premier ministre. Le pouvoir que protègent les trois pays est inexistant. C'est une véritable absence de pouvoir. Il est très étonnant que la communauté internationale finance un maintien de forces dans un pays sans pouvoir. Si la Somalie était le Congo, il y aurait eu beaucoup de forces suffisantes pour conquérir le pays et l'unifier afin de se servir au passage sous la forme de butin de guerre. Or, la Somalie n'intéresse pas beaucoup de pays, à part l'Ethiopie qui veut éviter de se retrouver sous l'étau entre l'Erythrée, frère ennemi, la Somalie qui peut rebasculer en régime islamiste et le Soudan.

Le Burundi doit se préparer à se retirer de ce bourbier d'une manière ou d'une autre mais en gardant la tête haute. Si un jour, le Parlement éthiopien force la main du Premier ministre  pour retirer ses forces, le Burundi et l'Ouganda seraient dans une position de retrait qui prouverait qu'ils étaient là parce que les Ethiopiens y étaient. Comme toute guerre, il faut savoir la terminer. Or, les belligérants de ce conflit n'ont pas trouvé la recette de la fin de guerre. On s'imagine mal les Burundais assister les Somaliens sans déterminer la date de fin. Si les Somaliens et la communauté internationale sont incapables de terminer cette guerre, il appartiendra au Burundi et à l'Ouganda de la terminer de leur façon en se retirant honorablement, et j'insiste sur honorablement. Les jours à venir, le Burundi aura besoin de ces forces pour le maintien de la paix au Burundi en période électorale.

Qui sait que le Congo ne peut pas s'embraser et pousser les pays voisins à y retourner? Est-ce que le Burundi pourra laisser le Rwanda intervenir au Congo sur les hauteur du lac Tanganyika? En ce cas, les forces en Somalie seront d'une utilité car elles sont les premières à être homogènes et avec une expérience sur le terrain en dehors du Burundi.