QUE VONT FAIRE LES  MILITAIRES BURUNDAIS DANS LE BOURBIER SOMALIEN?

 Burundi news, le 05 mars 2007

Par Gratien Rukindikiza

La géostratégie mondiale est une vraie néo-colonisation qui ne dit pas son mot. Ce mot a un sens quand il s’agit des intérêts des superpuissances. Il est difficilement concevable pour des pays africains de définir leur géostratégie sans être à la solde des puissances. Les intérêts vitaux des puissances dépassent souvent leurs frontières et se retrouvent même dans les pays en voie de développement. Les pays du tiers monde car il faut les appeler ainsi servent souvent les intérêts des puissances qui les rémunèrent sous forme d’aides.

Toute géostratégie est liée à une puissance militaire. Un pays sans armée combattante comme la Suisse ne peut pas définir sa géostratégie mondiale. Les armées des grandes puissances patrouillent dans les océans, près de l’Afrique, prés de l’Asie et ont des bases militaires d’intervention rapide dans les quatre coins de la terre. Les bombardiers américains décollent facilement de l’Ile de Diego ou des porte avions dans l’océan indien pour atteindre l’Afrique en quelques minutes. Les chasseurs français et les mirages décollent de Djibouti, de Libreville, du Tchad pour atteindre n’importe quel coin de l’Afrique en une heure. Ces bases autour de l’Afrique ne servent pas les intérêts des Africains. Elles servent surtout  leurs intérêts qui passent par le maintien des dictateurs au pouvoir en Afrique.

Le pétrole, les puissances et la Somalie

Le monde a besoin du pétrole. Les grandes puissances comme les Etats-Unis d’Amérique, la Grande Bretagne, la France etc.… consomment énormément du pétrole et sont liées à ce monde arabe, producteur de pétrole. L’approvisionnement par bateau du pétrole est un enjeu mondial. Il fait partie de la géostratégie de ces puissances. Les Français et les Anglais n’ont pas hésité de sauter sur l’Egypte du temps de Nasser qui avait nationalisé le canal de Suez. Une véritable agression au nom de l’ouverture de la route du pétrole. Israël constitue aussi un élément clé de cette géostratégie de protection de la route du pétrole qui passe par la mer rouge, le canal de Suez et la Méditerranée. 

Dans ces jours, Al Quaida constitue une menace pour le monde et surtout pour les puissances chrétiennes. La protection de la route du pétrole constitue un cauchemar pour les stratèges de l’Otan. Après quelques attaques contre les bateaux dans la mer rouge,  le mouvement islamiste mondial a pris position en Somalie. Les proches d’Al Quaida ont pris le pouvoir après plusieurs échecs de réunir les seigneurs de guerre pour pacifier le pays.

La corne de l’Afrique est stratégique. La Somalie constitue une position dominante pour toute protection de cette route de pétrole. Si la route du pétrole change, elle passera par le Cap en Afrique du Sud. Ce contournement change la donne au niveau mondial car le pétrole sera cher compte tenu de l’augmentation des coûts de transport. Si le prix du pétrole augmente, le transport des  matières premières et des produits finis augmente aussi. Par effet d’entraînement, les prix augmentent au niveau mondial, ce qu’on peut appeler une inflation mondiale. Cette inflation entraînera aussi la décroissance, la stagflation pour les économistes. C’est une situation redoutable par les pouvoirs politiques en occident car elle est une cause de la deuxième guerre mondiale. Elle peut provoquer une crise économique.

La Somalie, cauchemar des Américains

Les Américains ont vite compris que la Somalie est un Vietnam trop explosif. Le débarquement  américain a tourné au pire. Leurs militaires ont été traînés dans les rues de Mogadiscio sous les caméras de CNN. Le retrait a été plus rapide que le débarquement et moins médiatisé. Ils ont juré de ne plus y retourner. Pourtant, ils ont besoin de chasser les islamistes de la Somalie. Les Ethiopiens ont fait le travail car ils ont chassé les Islamistes au pouvoir à Mogadiscio avec leurs chars et MIG moyennant financement des Américains.

Très rapidement, les Ethiopiens ont compris que la Somalie n’est pas leur tasse de thé et ont préféré se retirer. Le pays est un véritable bourbier. En moyenne, chaque habitant a un kalachnikov et les islamistes sont restés dans la capitale.

Les Burundais au secours de la géostratégie mondiale !

La Somalie a cherché des troupes pour venir en aide au gouvernement de transition. La communauté internationale a mis sa garantie et surtout son argent pour les pays disposés à envoyer leurs troupes. Le Rwanda a été sollicité en premier, en raison de son armée aguerrie et disciplinée, et a refusé compte tenu de la complexité et des dangers en Somalie. Le Burundi ne s’est pas fait prier et a accepté d’envoyer 1 800 militaires, une brigade militaire. Les Burundais ont répondu à la volonté de la géostratégie des puissances et sont devenus ainsi des alliés sans le savoir.

L’argent, vaut-il plus les militaires Burundais ?

Le commandant adjoint de la région militaire américaine en Europe vient de séjourner au Burundi. Il a sans doute promis une aide militaire et financière au Burundi.

Le Burundi a des problèmes budgétaires. Les aides attendues, budgétisées, ne sont pas au rendez-vous. Il faut chercher l’argent partout. Ne pouvant pas exporter autre chose, le Burundi qui vient de sortir de la guerre a des militaires disponibles, presque car le FNL n’est pas encore intégré. Le Burundi vient de signer une convention avec l’Afrique du Sud pour que ce pays envoie 2 000 militaires au Burundi.

Le Burundi et l’Ouganda envoient le gros du contingent. L’Ouganda sait bien qu’il envoie ses hommes dans un terrain miné mais sa position par rapport aux Américains l’oblige à répondre à l’appel. Le Rwanda est très calculateur. Il a besoin de préserver l’image de son armée. Sa défaite en Somalie pourrait saper son moral.

Le Burundi qui veut envoyer des troupes a des militaires dont la formation n’est pas homogène. Ils ne sont pas aptes à se comporter de la même façon dans un contexte délicat. L’Armée burundaise manque de formation et les officiers ne sont plus formés comme ils l’étaient avant la guerre. Envoyer des bataillons dans ce bourbier somalien est très risqué. Il risque d’y avoir beaucoup de cadavres. Ce n’est pas ce qui inquiète les militaires. Ils disent qu’ils ont fait la guerre au Congo sans avoir en contre partie de l’argent. Or, en Somalie, il y aura beaucoup de dollars. Paradoxalement, ils se bousculent pour y aller. Certains demandent même qu’ils soient pistonnés pour être sur la liste. Les chanceux reviendront avec de bonnes économies mais les malchanceux ne reverront plus le Burundi.

Le budget espère aussi récolter les fruits de cette participation. Ainsi, sur 100 dollars prévus par jour par militaire, il y aura une bonne partie qui rentrera directement dans les recettes de l’Etat. Quant aux cadavres, il n’y aura que les familles pour pleurent leurs morts. L’Armée ne fera que sonner le clairon aux morts.

En démocratie, la décision d’envoyer des troupes à l’étranger doit être approuvée par l’Assemblée Nationale. Or, la décision a été prise par le gouvernement sans discussion. En cas de problème, il devra assumer seul l’échec. La mission n’est pas clairement définie et les militaires ne sauront pas si ils font du maintien de la paix ou de la guerre. L’attitude à adopter sera difficile sur le terrain.

Entre les dollars et les cadavres, que récoltera le Burundi en Somalie ?