IL FALLAIT OSER ORGANISER LES ETATS GENERAUX DE LA JUSTICE
Burundi news, le 03/09/2013
Par Gratien Rukindikiza
Le ministre de la justice a organisé au mois d’août 2013 des Etats généraux de la justice. C’était une première. Oser organiser une telle rencontre entre le ministère de la justice, la société civile, les avocats est un exploit et aussi une très grande avancée en soi.
Au moment où les Burundais s’interrogent sur la qualité de la justice, la meilleure façon est de donner la parole, quelques soient les résultats. Il va de soi qu’un consensus est difficile à trouver dans un contexte actuel où le pouvoir est tenté d’utiliser la justice pour museler l’opposition.
Quelque soit l’état de la justice en soi, le ministre de la justice Pascal Barandagiye a marqué un point au niveau de l’ouverture, du dialogue aussi. Tous les tabous ont été dits. Certains l’accusent d’avoir osé parler d’équilibre ethnique au sein de la justice. A quoi ça sert d’en parler dans les salons et ne pas en débattre en public ? Le ministre de la justice ne s’est pas trompé en touchant ce point car demain, le déséquilibre peut être là on ne s’y attendait pas. En 2005, la police était majoritairement composée de tutsi. Aujourd’hui, les tutsi sont minoritaires. Si les débats s’engagent, réclamer un équilibre selon les accords d’Arusha ne serait pas un crime.
Le ministre de la justice dans le collimateur
Depuis quelques mois, le ministre de la justice n’a pas fait que des amis. Certains ténors du pouvoir se sentent menacés ou non protégés par le ministre de la justice car des dossiers de corruption sont traités par la justice. Certains l’en veulent. L’angle d’attaque contre le ministre fut de la calomnie visant surtout des mensonges sur sa vie privée. Le dossier de l'alcool en sachets démantelé dans tout le pays par les procureurs de la République n'est pas étranger à ce regain d'animosité à son égard. Certains du pouvoir y tiraient des revenus pour une supposée protection.
Nous avons voulu bien comprendre les enjeux et vérifier certaines affirmations.
Aujourd’hui, c’est carrément une volonté de l’opposer au Président de la République. Un article publié sur un site internet que je ne nommerai pas et qui est connu pour ce genre d’attaques et utilisé par certains ténors du pouvoir tombe dans une bassesse ethnisante, méprisante. Le but visé est de faire tomber le ministre. Celui qui est derrière espère une nomination d’un ministre plus clément pour ses dossiers.
Revenons sur les affirmations du fameux site. Pour ceux qui connaissent la famille du ministre de la justice, son père est bel et bien hutu et cela ne doit poser aucun problème. Sauf qu'en raison de son ethnie, comme plusieurs hutu, il a dû interrompre ses études en 94 contrairement à ce qui est écrit.
Lors des Etats généraux de la justice, c'est une commission qui a proposé un équilibre ethnique au sein de la magistrature de l'ordre de 40 % pour les tutsi et 60 % pour les hutu. Le ministre de la justice a soutenu cette idée et nulle part il a été question de 12 % et 88 %. Cependant, est-ce que le ministre n'aurait-il pas confondu l'équilibre ethnique au niveau du gouvernement de 40 % et 60 % pour les souhaiter au niveau de la justice? Ces chiffres sont dans les accords d'Arusha mais au niveau de l'armée et de la police de l'ordre de 50 %. Faut-il les appliquer à la magistrature en tant que pouvoir judiciaire? La question est posée. Le ministre est dans son droit de le proposer.
Quant à l’incompétence du ministre de la justice, il est clair qu’il n’est pas novice dans ce ministère où il a évolué. Il est malhonnête de lui attribuer la révolte au sein de la prison de Mpimba où la politique domine plus que la justice. Mpimba est devenu plus fort que la justice. N'y a-t-il pas des prisonniers qui ont été arrêtés, interrogés et jetés en prison par la Documentation? Or, la Documentation dépend de la Présidence et non du ministre de la justice.
Il est aussi difficile de changer tout un système. La justice est à l’image du pays. Le pays est malade, la justice l’est aussi. Le premier pas de celui qui veut la guérison est d’en parler. Le ministre de la justice Pascal Barandagiye l’a fait à travers les Etats généraux de la justice. Attendons pour voir comment il mettra en pratique les conclusions de ces Etats généraux. Entre temps, que ces ténors du pouvoir laissent la justice suivre son cours même s’ils sont concernés au lieu de salir un homme à partir des mensonges.