LA MONNAIE BURUNDAISE SUR UNE PENTE RAIDE

 Burundi news, le 02/03/2013

Par Gratien Rukindikiza

Le cœur de toute économie d'un pays est sa monnaie. Elle reflète la circulation du sang dans le corps; soit la circulation de la monnaie dans son économie. Les politiques macroéconomiques se réfèrent en général à l'état de cette monnaie. La monnaie influence toute l'économie. La négliger est aussi négliger l'économie. Un pays qui ne cadre pas correctement sa politique monétaire est un pays en danger économiquement et socialement. Le Burundi se trouve dans une situation trouble ces derniers jours. Sa monnaie perd de la valeur car il y a moins de production de biens et de services. La masse monétaire génère une inflation. Les prix montent, les revenus ne suivent pas. L'ajustement de l'offre et de la demande laisse sur le carreau certains burundais à revenus faibles. Les produits importés deviennent de plus en plus chers. La faute à cette dévaluation officieuse de la monnaie burundaise qui joue au yoyo.

Une monnaie malmenée sur le marché

La monnaie burundaise s'échangeait à 1700 frs bu contre un euro. Ces derniers jours, un euro s'échangeait à plus de 2 300 frs bu. La hausse spectaculaire a étonné les Burundais, ne sachant pas ce qu'il faut faire. Les uns ont attribué cette hausse à l'incendie du marché alors que la hausse avait commencé avant l'incendie.

Cette perte de la valeur de la monnaie burundaise par rapport au dollar et à l'euro a provoqué une pénurie d'essence. Les pétroliers qui avaient acheté leurs stocks avec un dollar à 1500 frs bu et qui doivent rembourser au taux de 1770 frs bu le dollar refusent de sortir leurs stocks à ce taux et au même prix de vente. Ce qui explique la pénurie du pétrole à Bujumbura. Nous y reviendrons.

Une petite brèche mais sans une politique claire de la banque centrale

La banque centrale (BRB) vient de prendre une mesure applicable lundi sur les changes pour certaines catégories. Les pétroliers auront le droit de faire leurs paiements au taux de 1559,34 frs bu contre un dollar et les importateurs des engrais chimiques au taux de 1551 frs bu le dollar. Le taux officiel actuel affiché par la BRB est de 1771,55 frs bu le dollar. Le pouvoir burundais espère au moins débloquer la situation pour le carburant et les engrais chimiques.

Cependant, la BRB reste muette quant à sa politique macroéconomique liée aux taux de change. Il manque un cap, définir les priorités et les mécanismes mis en place pour régler ce problème de change.

Ces derniers jours, les cours des devises ont chuté légèrement par un phénomène bizarre. Un monsieur s'est présenté dans les bureaux de change et a vendu une grande quantité de dollars et d'euros. Personne ne sait d'où venaient ces devises. Le Burundi en avait besoin et ce n'est pas la première fois que les yeux soient fermés.

Le fonctionnement des changes sera modifié

Actuellement, les bureaux de change s'approvisionnent officiellement dans les banques commerciales. Une banque comme la BCB vend en moyenne 3 millions de dollars par semaine aux bureaux de change et à quelques particuliers. En raison de la pénurie des devises, la BRB compte réorienter cette politique de change et les bureaux de change ne pourraient plus s'approvisionner dans des banques. Le Burundi devrait mettre en place des mécanismes pour éviter que des Burundais, inquiets de cette dévaluation de la monnaie burundaise, vendent les francs bu et gardent chez eux des dollars.

D'où viennent les devises?

Le taux de change est déterminé au Burundi par la loi de l'offre et de la demande. Un expert du FMI affecté au Burundi s'occupait de l'organisation de la politique de change et ajustait d'une façon mécanique en cas de difficulté de change. Aujourd'hui, le travail est fait par la BRB sans cet expert. Est-ce que ce changement peut expliquer l'état actuel de la monnaie burundaise? Nous ne pourrons pas y répondre.

Les devises commercialisées par les Banques burundaises viennent principalement des missions diplomatiques, des projets financés par la Banque Mondiale, des ONG et des aides, sans oublier des exportations. Comme ces aides et projets ont diminué, mécaniquement les devises qui rentrent au Burundi ont baissé aussi. Quand on analyse les courbes des taux de change, on remarque que la baisse de la valeur du dollar en franc bu correspond aux périodes de déblocage des aides, surtout après la première année d'un pouvoir. Il y a une corrélation entre les violations des droits de l'homme; la mauvaise gouvernance et la hausse des taux de change. Cela signifie que les économistes qui pensent à la macroéconomie pour relancer l'économie burundaise ont intérêt à convaincre d'abord les politiciens avant de s'arracher les cheveux pour dénicher la bonne politique macroéconomique.

La stabilité politique d'un pays et le respect des droits de l'homme ont beaucoup contribué à développer certains pays africains comme le Bostwana, le Ghana etc... Le Burundi devrait en prendre comme modèle.