Burundi news, le 18/06/2011

 

Le cauchemar dans le goulag de Mpimba

 

Pierre Claver Niyonkuru

 

Dans son article, Karibu dans la prison centrale de Mpimba, du Samedi 11 Juin 2011, le journal Iwacu nous montre des photos d’une réalité à laquelle nous pensons rarement. Je tiens à remercier sincèrement le reporter et le journal qui nous ont ouvert les portes du bagne de Mpimba. Comme d’autres internautes qui ont jeté un coup d’œil sur ces photos, immenses ont été mon indignation et mon questionnement. Ces images m’ont rappelé, ce que j’avais vu en 2001 lorsque j’étais appelé à couvrir la visite de Nelson Mandela dans cette prison. C’est la seule fois, et j’en remercie le Seigneur, que je suis entré dans cette maison de détention.

 

En effet, en 2001, c’était le 12 juin, si ma mémoire est bonne, sous le soleil de Bujumbura, Nelson Mandela, alors médiateur dans les négociations interburundaises,  atterrissait à Bujumbura et, contre toute attente, a demandé qu’on le dirige directement à la prison centrale de Mpimba. Les dirigeants d’alors ont tout fait pour éviter qu’il s’y rende, tellement les conditions carcérales sont inhumaines. Peine perdue, Mandela avait décidé d’y faire un tour pour se rendre compte de la situation des détenus. En fait, durant les négociations il avait été question  de la libération des prisonniers politiques. Les dirigeants de cette époque, comme ceux d’aujourd’hui d’ailleurs, clamaient haut et fort qu’il n’y a pas de prisonniers politiques au Burundi. On change les acteurs, mais les scenarios demeurent les mêmes.

 

La visite surprise de Nelson Mandela lui servira de leçon qu’il ne va peut être jamais oublier. La population carcérale est très élevée, difficile d’estimer le taux d’occupation. Toujours est-il que la prison est occupée à près de 500 pour cent de sa capacité d’accueil. L’eau potable y est rare, l’éclairage, que ce soit le jour ou la nuit, est un luxe.  Les toilettes et les douches sont d’une saleté inégalée. Inutile de décrire les conditions indignes d’êtres humains qui règnent dans cette prison, question d’épargner tous ces détails cauchemardesques au lecteur. Disons le simplement : comme tous les autres citoyens de ce pays, les détenus sont bien informés sur leurs obligations, mais jamais sur leurs droits.

Après sa visite à Mpimba, le sage Mandela, se demandait, en retenant ses larmes, s’il y avait au Burundi des gens qui croient en Dieu. Tellement les conditions de détention sont cruelles. Dix ans plus tard, les régimes ont changé, des présidents se sont succédés, mais les conditions carcérales tendent à s’empirer.

 

Si vous entrez à Mpimba, rares sont les prisonniers qui reconnaissent avoir commis des délits. La plupart dit être innocent. Evidemment, cela n’est pas vrai. Je crois toutefois que ces enfants qui sont en prison avec leurs mères, qu’on voit sur les photos en train de téter, sont innocents. Tous ces mineurs qui sont gardés en prison, et qui n’ont personne pour entendre leurs cris de désespoir, devraient être à l’école ou en train de jouer avec d’autres enfants. Je me demande de quelle espèce nous sommes pour emprisonner des bébés.

Deux remarques devraient nous interpeller tous : l’innocence des prisonniers et le coût infligé aux contribuables pour faire vivre tous ces prisonniers.  

En fait, au Burundi, ce n’est pas parce que vous êtes innocent que vous n’irez pas en prison. Même si vous êtes innocent, vous pouvez y séjourner, et pour longtemps. La plupart des résidants de Mpimba sont innocents et quand bien même ils ont commis des crimes, c’est toujours les petits poissons qui écopent. Les gros poissons, eux, les commanditaires des crimes, ils se la coulent douce dans les belles villas construites par l’argent des contribuables. Concrètement, ce sont les criminels qui emprisonnent les autres. Et on nous parle de la justice.

 

D’un point de vue purement économique, je ne vois pas l’opportunité de maintenir les gens en détention pour des années et des années. Ils vivent mal et le pays continue de payer alors qu’ils devraient être en train de servir leur pays. Je ne sais si nos autorités se demandent un seul instant tout le coût qu’occasionne la détention des gens qui sont accusés d’avoir volé une chèvre ou un paquet d’arachides. Tenez ! Au Burundi, si tu as faim et que tu voles une banane pour ne pas crever, on te lapide.  Les chefs, eux, ils volent  tout un avion et des milliards de francs et ça s’arrête là.  C.C.B. (C’est ça le Burundi).

 

En principe, coupable ou non coupable, la justice, je dis bien la justice, devrait se pencher sur les procès et les trancher. Or, au Burundi, beaucoup de gens peuvent passer plusieurs années en détention sans que personne ne le sache. Très chanceux sont ceux qui ont accès à un avocat. A ce propos, je félicite les organisations de défense des droits de l’homme notamment quand elles mettent tout en œuvre pour doter des avocats à ces pauvres qui, autrement, n’auraient jamais eu d’avocat.

 

Je ne me fais pas d’illusion, nos paroles ou nos écrits ne vont pas changer les conditions des détenus. En fait, l’image de la prison de Mpimba reflète vraiment la réalité du pays. C’est vraiment la photo de notre pays, ce qui signifie qu’un long chemin reste à parcourir. Et le comble est que la prison de Mpimba est susceptible d’être visitée par les organisations locales et internationales. Imaginons alors ce qui se passe dans les prisons des coins reculés du pays surtout les prisons non  officielles de la police et de la documentation…

Voilà la démocratie pour laquelle tant de filles et de fils du Burundi sont morts.