Burundi news, le 10/06/2013

 

Discours du Président du parti MSD

08 juin 2013, 4e anniversaire

 

Quatre ans viennent de s’achever depuis que nous avons entamé une longue marche au service de notre pays. Une longue marche pour restaurer le Burundi et ses enfants dans leur dignité.

Aujourd’hui, nous commémorons 4 ans au moment où le monde et notre pays se trouvent sur la croisée des chemins. Le monde entier connaît des bouleversements, des crises et se cherche de nouveaux repères, une nouvelle direction et de nouveaux équilibres. Les luttes pour la liberté des peuples, la solidarité et le respect n’ont jamais été aussi intenses partout dans le monde ; cependant que les forces conservatrices et rétrogrades sont plus que jamais  résolument déterminées à résister au changement.

La situation que nous vivons dans notre pays est alarmante. Au moment où les autres avancent, le Burundi recule, il ne semble pas avoir d’issue parce que chaque jour des centaines de milliers d’enfants dorment avec la douleur du ventre affamé. Parce que chaque jour des centaines de milliers de parents sont désespérés, terrassés d’impuissance face à la faim de leurs enfants. Parce que chaque jour l’injustice et les abus envers tout le monde et en particulier envers les plus pauvres s’intensifient. Parce qu’on échoue chaque jour à exploiter le potentiel immense dont la nature a doté notre beau pays. Parce qu’on ne prépare pas nos enfants pour les défis humains et matériels de demain. Parce que les maladies qui ne tuent plus ailleurs continuent de tuer chez nous. Parce que les inégalités s’accroissent de plus en plus, qu’une petite minorité de privilégiés s’arroge tout alors que la majorité est privée de tout. Parce que beaucoup de gens pleurent abondamment des larmes invisibles car coulant vers  l’intérieur. Parce que la jeunesse est désespérée car sans emploi, sans avenir.

Dans notre pays, aujourd’hui, il ne reste que le désespoir. Mais même celui-là n’est plus autorisé car le pouvoir vient de démolir notre mur des lamentations avec la toute nouvelle loi sur la presse. D’autres lois sont en préparation, la loi sur les ASBL et la loi sur les manifestations publiques. Ces lois iniques et rétrogrades sont un véritable attentat à nos traditions les plus sacrées que nos ancêtres ont savamment et patiemment bâti à savoir la reconnaissance de la dignité de chacun par la reconnaissance de son droit à la parole. « Nta muntu bima ijambo ».

Jean Jaurès, le grand homme d’Etat français, a dit un jour « A celui qui n’a rien, la patrie est son seul bien ». Nous croyons ces propos justes. Mais en démantelant ces fondements hérités de nos philosophie et pratique politiques et sociales passées ainsi que des luttes de ces vingt dernières années, c’est à la patrie même qu’on attente. Le Burundi ne sera plus qu’une immense prison à ciel ouvert où règne la misère la plus indicible et l’arbitraire le plus absolu.

Chers amis,

Nous devons dire NON au désespoir, nous devons dire NON à la descente aux enfers. Si nous sommes aujourd’hui en crise, nous ne devons pas oublier que le peuple murundi est un grand peuple qui s’est construit au travers des siècles et qui nous laisse un bel héritage.

Notre pays s’est construit en intégrant. Dans les temps immémoriaux, il a intégré une multitude de gens venus de tous origines. Du nord, du sud, d’est et d’ouest. Tous les nouveaux arrivants étaient les bienvenus et avaient droit à une place pour peu qu’ils acceptaient de partager les références de notre nation : Imana, Intahe n’Ingoma.

Forts de ces valeurs et références, les Barundi, tous sans exception ont versé leur sang pour la nation pour la défendre comme pour agrandir ses frontières. Le Burundi fut l’une des grandes puissances de cette région et l’une des rares qui s’agrandit mais ne s’amenuisa jamais. Le Burundi triompha de tous ses adversaires mais dut se soumettre, un temps, uniquement en face d’une puissance mondiale mais non sans lui avoir arraché une concession majeure à la suite d’une bataille épique : la sauvegarde de l’intégrité et de la souveraineté du royaume.

C’est grâce à ce génie et à ce courage de nos ancêtres que le Burundi, minuscule point au cœur de l’Afrique sur une carte géographique, a gardé son intégrité et est aujourd’hui l’un des 3 Etats africains précoloniaux existant encore aujourd’hui.   

Plus près dans le temps, à la fin du siècle dernier, nous avons après d’âpres, longues et épuisantes négociations à Arusha en Tanzanie, tenté de nous en sortir par la voie démocratique. En réalité, Arusha accoucha de l’espoir, l’espoir d’une nation renouvelée, réconciliée avec son Histoire et sa grandeur. Parce que  fut Arusha sinon le renouement avec la tradition politique et sociale héritée de nos ancêtres de reconnaissance de la dignité de chacun et de dialogue ? Qu’était-ce sinon reconnaître que chacun mérite une place sur la table, que les douleurs, les griefs, les espoirs et les aspirations de chacun sont légitimes, que nous ne sommes pas condamnés à nous haïr et à nous entretuer indéfiniment et que nous pouvons reconstituer une nation.   

Toute cette Histoire magnifique est notre legs. Elle est notre inspiration pour l’avenir.

Aujourd’hui, 4 ans après la création de notre mouvement, la marche est encore longue mais nous sommes plus que jamais déterminés à lutter pour avancer.

Il nous faut lutter individuellement d’abord. Albert Camus, une grandeur de la littérature française du 20e siècle, dans son manifeste à la liberté de la presse censuré à l’époque à l’aube de la deuxième guerre mondiale, dit « Que trouver de plaisant dans ce monde enflammé ? Mais la vertu de l'homme est de se maintenir en face de tout ce qui le nie. Personne ne veut recommencer dans vingt-cinq ans la double expérience de 1914 et de 1939 (chez nous, nous pourrions dire, 1993 et 2010). Il faut donc essayer une méthode encore toute nouvelle qui serait la justice et la générosité. Mais celles-ci ne s'expriment que dans des cœurs déjà libres et dans les esprits encore clairvoyants. Former ces cœurs et ces esprits, les réveiller plutôt, c'est la tâche à la fois modeste et ambitieuse qui revient à l'homme indépendant. Il faut s'y tenir sans voir plus avant. L'histoire tiendra ou ne tiendra pas compte de ces efforts. Mais ils auront été faits. ».

Il nous faut donc devenir des Hommes indépendants, épris de justice et de générosité.

Ensuite, la bataille sera collective et sera gagnée collectivement ou ne sera pas. Nous devons développer des valeurs et des pratiques positives qui nous permettront de gagner. La solidarité. Au Burundi, la solidarité veut dire dépasser nos clivages ethniques, politiques, religieux et sociaux pour faire face ensembles aux défis terribles qui menacent de couler notre bateau commun et nous tendre la main. Cette solidarité n’est possible que si nous acceptons de faire preuve de sacrifice et de courage. Sacrifice parce que nous devons accepter sortir de notre zone de confort et accepter de perdre un peu pour que tout le monde ait. Courage parce que aller vers l’autre et accueillir l’autre est difficile et nécessite de prendre un risque, un pari. Nous devons également délivrer  la créativité enfermée en nos compatriotes. Les solutions clés en main, les concepts singés d’ailleurs, tout comme la tutelle de l’Etat sur les gens ne nous ont rien apportés. Nous devons lâcher notre capacité de rêver, d’imaginer et d’inventer. Nous avons une jeunesse entreprenante, une nouvelle génération créative qui ne demande qu’un espace et un appui pour créer. Cette créativité se nourrira de l’acharnement au travail, au travail bien fait.

Nous devons également cultiver de nouveau dans notre société les idéaux et valeurs d’honnêteté et de respect. Notre société s’était construite sur l’idéal de l’honnête homme, umushingantahe, pilier de la société et aspiration la plus élevée pour le Murundi. Elle s’était également construite sur le respect, le respect de tous quels qu’ils soient, grands et petits, riches et pauvres, bahutu-batutsi-batwa (et aujourd’hui d’autres encore), puissants et faibles. 

C’est à cette condition que nous donnerons à la politique son sens premier, son sens noble : celui de la construction de l’espoir et du bonheur. C’est cela notre credo et notre force au MSD. Car le MSD croit avec la foi des saints en l’avenir du Burundi. Le MSD a l’assurance profonde que nous pouvons inventer un avenir meilleur. Le MSD porte cette confiance inébranlable que demain nous atteindrons la reconnaissance de la dignité humaine, de la justice et de la liberté. La république que le MSD veut bâtir est une république du respect, de solidarité, une république qui protège et qui rassure. Une république où tout le monde est libre et prospère.

Le président américain John F. Kennedy a un jour dit à ses compatriotes : « Ne demandez pas ce que l’Etat peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour l’Etat ». Aujourd’hui, notre pays a besoin de nous. Nous ne pouvons que lui demander de ne pas lui demander, mais de nous laisser lui donner. C’est cela le sacrifice de notre génération. Et nous sommes prêts à l’assumer.

Au MSD, nous considérons que la démocratie ne prospérera pas si nous n’avons que des élections une fois les 5 ans, des libertés garanties par la constitution et les traités internationaux, et des processus politiques inclusifs. Elle ne prospérera que si, à cela, nous ajoutons d’autres défis communs à la nation et qui doivent revêtir un caractère aussi urgent et vital à savoir l’élimination de la misère et de la pauvreté, la création des opportunités économiques dans notre société, l’accès pour tous aux biens culturels. En cela, nous sommes d’accord avec le 32e président des Etats-Unis d’Amérique, Franklin Delano Roosevelt, qui a tenté peu avant sa mort en fonctions d’inscrire une nouvelle charte des droits économiques dans les textes de son pays. Dans cette charte, il dit « Nous en sommes venus à la réalisation du fait qu’une véritable liberté individuelle ne peut pas exister sans une sécurité économique et une indépendance. Les hommes nécessiteux ne sont pas des hommes libres. Les gens qui ont faim et n’ont pas d’emploi sont le socle à partir duquel les dictatures sont formées. »

Pour sortir les Barundi de la misère et de la pauvreté et leur assurer une liberté économique. Par le droit, la fiscalité, la politique budgétaire et monétaire, Nous pouvons et devons déclarer la misère et la pauvreté hors-la-loi. Plus concrètement, nous proposons comme pistes prioritaires l’agriculture car « Un pays qui a perdu son agriculture est un pays qui a perdu son âme », la création d’emplois pour les jeunes dans les campagnes et en ville et les infrastructures.

Durant ces 4 dernières années, le MSD a longuement travaillé sur tous ces sujets ainsi que tous les autres domaines de la vie nationale. Nos propositions sont contenues dans notre programme politique. Nous sommes donc prêts au débat et nous invitons particulièrement les médias à consacrer davantage de temps à ces questions et à nous appeler.

Notre pays se trouve en Afrique, grand continent dont il est le cœur. L’Afrique était il y a encore quelques années la proie au pessimisme, au mépris et à tous les qualificatifs les plus dégradants. Et sans doute n’était-ce pas immérité. Mais aujourd’hui, tout le monde s’accorde à dire que l’Afrique a entamé sa renaissance. L’Afrique sera le géant de demain, l’Afrique est la nouvelle frontière de l’humanité. Elle est l’enjeu de demain et elle est une chance pour le monde. L’Afrique présente des opportunités fabuleuses que nous Africains connaissons depuis longtemps et que les autres commencent à voir également. L’Afrique qui commence à s’intégrer intérieurement et à s’insérer dans le circuit mondial des investissements et des échanges ne sera pas celle des matières premières uniquement comme par le passé. Elle sera celle de la production des biens et services. Dans cette Afrique montante, nous devons assurer les fonctions du cœur car si ce n’est pas nous qui le faisons, d’autres viendront jouer ce rôle car personne ne peut accepter que le cœur cesse de fonctionner. Il est temps que notre génération se lève.  

Un jour, l’on demanda à Thomas Sankara ce qu’il pensait après que l’équipe nationale du Burkina Faso se soit fait écraser par l’équipe d’un autre pays. Il répondit « Si aujourd’hui notre équipe est faible, nous ne pouvons que le déplorer mais il ne s’agit pas de notre faute. Mais si par contre, notre équipe demain se fait battre, ce sera de notre faute car nous n’aurons rien fait pour la rendre forte ».

Il n’y a aucune fatalité et nous avons la capacité de nous en sortir. Le prince Louis Rwagasore a un jour dit que la différence entre le possible et l’impossible résidait dans le degré de la volonté des hommes.

Je vous remercie !