LES DEUX FAUX PUTSCHISTES OUBLIES, ENCORE EN PRISON

 Burundi news, le 11 mars 2007

Par Gratien Rukindikiza

 L’histoire de la poule et de l’œuf rappelle celle de savoir si c’est la politique qui suit l’information ou si c’est l’information qui suit la politique. L’information crée l’opinion et la politique se réfère beaucoup à l’opinion. S’il y a une information qui a dominé la presse ces dernières années au Burundi, l’emprisonnement  des faux putschistes en est une. L’ancien Président Ndayizeye, l’ancien vice-Président Kadege, l’avocat Rufyiri, Mugabarabona, le colonel Ndarisigaranye, Ndayishimiye alias Maconco et d’autres ont été emprisonnés à tort. La presse l’a souligné plusieurs fois. Certains ont été libérés et le public a accueilli la nouvelle avec beaucoup de soulagement.

Mugabarabona et Ndayishimiye, toujours en prison

Aussitôt libérés, leurs coaccusés restés en prison ont été oubliés. La presse a oublié que deux individus sont toujours en prison dans cette affaire de faux putsch. L’opinion publique a aussi suivi. Il suffit de poser une question à Bujumbura pour savoir si les faux putschistes ont été libérés. Presque à l’unanimité, ils diront que oui. Pourtant, il  reste deux en prison.

Ils ont été oubliés pour plusieurs raisons. Les deux personnalités, à savoir Kadege et Ndayizeye  ont été libérées. Mugabarabone et Ndayishimiye ont été  aussi les accusateurs des faux putschistes. La cassette qui constitue un élément de preuve reprend une « discussion téléphonique » de Mugabarabona et du commandant Rudadi. Cet élément sème un doute et la presse n’aime pas les doutes et  les hésitations. En cas d’hésitation, elle préfère le silence. Aux yeux de l’opinion, ils ont induit en erreur la justice par leurs témoignages en oubliant que dans ce genre de dossier, un témoignage est étayé par des investigations poussées. En Europe, quelqu’un peut se rendre à la justice en affirmant qu’il vient de tuer une personne et sortir libre le jour même. Si l’élément matériel manque au moment où la faisabilité de l’action par la personne est quasi impossible, la justice libère celui qui s’est dénoncé sur le champ.

Ils ont été oubliés aussi parce qu’un autre sujet a dominé l’information burundaise. La destitution de Radjabu de la présidence du CNDD-FDD était comme une libération. Les rebondissements dans cette destitution ont détourné la presse des autres sujets.

Pas de putsch, pas de prisonniers putschistes

Officiellement, il n’y a plus de dossier des faux putschistes. Pourtant, Mugabarabona et Ndayishimiye sont emprisonnés pour ce dossier. Sont-ils accusés d’avoir témoigné en faveur de la volonté du pouvoir au départ ou sont-ils des boucs émissaires pour disculper du pouvoir les erreurs commises dans ce dossier mal géré ? Le dossier semble embarrassant et ceux qui accusaient la sous région sont actuellement muets.

Mugabarabona et le commandant Rudadi, deux poids deux mesures

Rudadi et Mugabarabona sont connus dans ce dossier pour avoir été les deux acteurs ou les deux interlocuteurs sur la cassette des conversations téléphoniques. Le commandant Rudadi n’a pas été inquiété et a même animé une conférence de presse à l’ISCAM ayant comme thème le putsch dont il faisait partie. La justice ne l’a pas inquiété. Il a dû lui-même aller se constituer prisonnier pour ressortir de la prison après quelques jours.

Mugabarabona qui est revenu sur ses premières déclarations en les expliquant par les chantages exercés sur lui, vrai ou faux, est resté en prison. Il avait collaboré avec les services de renseignement pour accabler les autres faux putschistes. Qu’il ait agi par intérêt financier ou par menace, Mugabarabona n’est pas plus coupable que ceux qui lui ont donné des instructions. Il est inexplicable de constater que Mugabarabona reste en prison et le commandant Rudadi en liberté. Ce dernier dispose actuellement d’une sécurité et a été muté à l’Etat major de l’Armée.

Si le montage de ce faux putsch est punissable par la loi, cette dernière a brillé par son absence. Le procureur général qui a participé dans le montage du dossier du faux putsch ne peut en aucun cas dans un Etat de droit accuser celui qui a collaboré à son œuvre. Toute collaboration avec les services de renseignement à l’intérieur d’un pays jouit d’une protection d’une manière générale. Si le dossier est embarrassant, ces services préfèrent l’élimination que de recourir à la justice. Or, Mugabarabona a bien compris le jeu quand il s’est adressé aux médias.

Si Mugabarabona est coupable, s’il doit rester en prison, il devrait être rejoint par beaucoup de responsables de la sécurité ainsi que ceux qui ont manipulé l’opinion pour faire croire que les preuves existent.

Le pouvoir a mal géré ce dossier de putsch, classer tous les dossiers y relatifs serait sage

Le coupable n’est pas seulement celui qui a répété ce qu’on lui a dicté. Il l’est moins que celui qui a tout planifié en connaissance de cause. Celui qui avait tout manipulé avait un agenda caché. Ce n’est pas Mugabarabona qui était au courant. Nous avons accusé Radjabu d’avoir été à la base de ce montage. Or, il n’était ni Président de la République, ni ministre, ni fonctionnaire de l’Etat du Burundi. Sa puissance antérieure sans étiquette officielle était une honte pour le pouvoir. Mugabarabona et Ndayishimiye sont les victimes de ce pouvoir détourné. Les maintenir en prison donne l’impression de punir ceux qui ont fait emprisonner les innocents par leurs témoignages. Or, les connaisseurs du Burundi savaient bien qu’il s’agissait d’un montage.

Si le pouvoir veut connaître la vérité, il devrait désigner une commission neutre composée par la société civile et les enquêteurs de la police pour déterminer concrètement qui a fait quoi. Le rapport permettrait de tirer des leçons et de punir les vrais commanditaires. Mugabarabona et Ndayishimiye devraient être en liberté et se soumettre à des interrogatoires de cette commission. Les mettre en liberté serait un signe de sagesse et de compréhension. Le ridicule ne tue pas. Se tromper est humain.