DES SERVITEURS DE LA REPUBLIQUE ASSASSINENT A MUYINGA SOUS LA PROTECTION DU POUVOIR

Par Gratien Rukindikiza

 Burundi news, le 25 octobre 2006

Les Burundais attendaient la sécurité des nouvelles autorités. Les élections ont eu pour thème principal la sécurité. Les Burundais ont été servis négativement. Ils ont voté pour la sécurité et ils ont eu l’insécurité de l’Etat.

En général, ce sont les citoyens qui font une violence contre leurs voisins. Au Burundi, l’Etat tue, emprisonne sans motif. Certains serviteurs de l’Etat sont au service du parti CNDD-FDD et en même temps au service de la milice du parti. Certains assassinants commis par la fameuse milice restent impunis car celui qui lui donne des ordres a le pouvoir de la protéger.

Muyinga est devenu le centre de l’horreur, le sanctuaire de la barbarie humaine. Les assassinants de Muyinga ont quelque chose de particulier.

L’histoire des tueries de Muyinga commence par une circulaire mal expliquée volontairement ou pas. Les membres du FNL devaient être arrêtés, gardés jusqu’au jour de la signature des accords avec le FNL pour être conduits dans les centres de regroupement. Comme beaucoup de Burundais le savent, être arrêté par la Documentation n’est pas différent d’être tué. Les exemples ne manquent pas.

Les présumés sympathisants ou membres du FNL ont été arrêtés le 01 mai 2006 par des militaires se trouvant sur des positions dans la province de Muyinga et aussi par le responsable de la Documentation à Muyinga nommé Surwavuba. Ces personnes arrêtées ont été emprisonnées au camp Muyinga, appelé Mukoni.

Signalons au passage que le procureur de Muyinga n’a pas participé à ces arrestations. Le président du tribunal de Grande Instance de Muyinga a signé les mandats d’arrêt alors que c’était le travail du procureur.

Parmi les personnes arrêtées, deux ont beaucoup retenu l’attention des citoyens de Muyinga. Le propre fils du responsable de la Documentation à Muyinga a été arrêté sur ordre de son père. Le frère du procureur de Muyinga  a été lui aussi arrêté sans que le procureur ne sache pas la finalité de ces arrestations.

La personnalité de Surwavuba, responsable de la Documentation à Muyinga, est très étrange. Il avait tué sa femme et s’était enfui en Tanzanie. Son fils a toujours réclamé des comptes et tenait à ce que son papa soit traduit en  justice. Le papa a milité au sein du CNDD-FDD pour sauver sa tête et pouvoir faire subir à son fils le même sort que sa maman. Surwavuba a participé dans ces assassinats mais a laissé l’assassinat de son fils aux autres. Il y a lieu de se poser la question sur ce pouvoir qui confie des responsabilités à un homme qui avait tué sa femme.

Le responsable de la Documentation et d’autres personnes ont réclamé du commandant du camp Muyinga les personnes emprisonnées. Il a demandé une décharge et les a laissées partir. Le commandant de la 4 è région militaire supervisait l’opération de loin. Les personnes arrêtées ont été conduites sur les bords de la Ruvubu. Un chanceux, ancien militaire, a pu s’échapper en sautant d’une camionnette avec des menottes. C’est lui qui a lancé l’alerte. Les malchanceux ont été tués par baïonnette  et laissés dans la rivière.

Aujourd’hui, le dossier bute sur le blocage des arrestations des administrateurs  des communes  de Buhinyuza et Giteranyi et le commandant de la 4 è région militaire.

La personnalité centrale de ce dossier est le commandant de la 4 è région militaire. Il est toujours libre et se déplace avec une grande escorte. Le mandat d’arrêt se trouve à l’Etat major de l’Armée depuis quelques jours. Contrairement aux affirmations de certains responsables de l’Armée, la demande de la justice a été reçue. Il reste l’exécution. Or, le commandement de l’Armée semble hésiter pour arrêter ce colonel. La Présidence de la République affirme ne pas faire obstruction à la poursuite des fautifs dans ce dossier.

Le courage du procureur de Muyinga et celui auprès de la cour d’appel de Ngozi sont à louer. Les deux hommes ont contribué au réveil de la magistrature. Les magistrats ont leur pouvoir et il leur appartient de bien s’en servir. Pourquoi l’Armée ne pourrait-elle pas emboîter le pas de ces magistrats en arrêtant ce commandant de la 4 è région ?

Avec un mandant d’arrêt, l’Armée serait dans l’illégalité si elle refuse de porter assistance à l’action de la justice. Il serait impensable de demander aux deux procureurs d’arrêter eux-mêmes un commandant de région militaire, escorté par une garde renforcée.

Ce dossier de Muyinga a révélé aussi la vraie personnalité du gouverneur de Muyinga. Il a montré qu’il n’est pas intéressé par la sécurité de ses citoyens. Le sujet de préoccupation est ailleurs d’autant plus que le fameux coltan, minerai rare et cher, est exploité à Muyinga sur fond de magouilles.