A QUAND LES NEGOCIATIONS INTERBURUNDAISES?

Burundi news, le 17/03/2012

Par Gratien Rukindikiza

Le Burundi est dans une situation politique silencieuse mais trompeuse.  Le parti au pouvoir est occupé à gérer  ses querelles internes, l'Uprona, allié du parti au pouvoir, est plongé dans des divisions sans précédent, l'opposition regroupée au sein de l'ADC Ikibiri se cherche au niveau de ses stratégies et n'arrive pas à imposer une ligne commune et audible par le peuple burundais. Entre temps, les rébellions naissantes font la pause ou se réorganisent. L'accalmie est trompeuse car une rébellion vient d'attaquer un poste de police à la commune de Gihanga se soldant par la mort de 3 policiers.

Et l'économie !

L'économie burundaise tourne au ralenti. Les aides internationales se réduisent, les investisseurs craignent le Burundi pour son insécurité physique, juridique aussi. Les lois n'encadrent pas suffisamment le monde des affaires, l'OBR ne suit aucune règle en matière des frais de douanes. Il est difficile d'investir sans connaître le code des douanes, sans connaître les circuits officieux de décision. Le pouvoir manque de pouvoir central.

En l'absence des aides internationales, le pouvoir de Bujumbura tente tout pour remplir les caisses par le biais de l'OBR, l'office qui collecte les impôts et les droits de douane. Les prix de l'eau et de l'électricité montent sans que la Regideso, entreprise publique, fasse des investissements nécessaires pour répondre à la demande des consommateurs. Cette entreprise sera appelée demain à contribuer pour remplir les caisses vides, ce qui est une autre façon de faire payer les impôts aux citoyens. Le problème budgétaire reste inquiétant pour le pouvoir. Les aides ne seront débloquées qu'après une entente politique avec l'opposition pour asseoir la paix. Un Français à qui je demandais à ce que son organisme finance un projet au Burundi m'a dit qu'il faudra revenir quand les Burundais auront terminé de détruire. Ce jour là, ils nous aideront à reconstruire.

Qui a dit que les négociations se préparent?

Ce n'est qu'un secret de Polichinelle que des émissaires sillonnent le monde pour tâter le pouls de cette préparation de négociation. Le pouvoir a déjà envoyé des émissaires. Certaines personnalités internationales ont sans aucun doute cherché à sonder les dirigeants de l'opposition en vue de ces négociations. Saint Egidio a déjà reçu des émissaires burundais. De l'ADC Ikibiri ou de l'Etat ou des deux? Nous le saurons. Et s'ils négociaient dans un autre pays!

En réalité, les négociations sont secrètes pour garantir les résultats. En général, une des parties ou même les deux cherchent avant tout à cacher dans son camp que les négociations ont déjà commencé. L'ancien Président Buyoya a négocié au moment où il disait à son armée qu'il ne négociera jamais avec les rebelles.

Le Burundi a besoin de sauver son peuple, son économie. Tout cela passe par la paix. La paix se négocie, la stabilité est pour tous ou pour personne.

Qui a intérêt à négocier?

Le Burundi est un pays spécial. Les négociations se passent sans un rapport de force entre les deux parties. Cependant, ce n'est pas le plus fort qui est dans une situation confortable. Le Président Nkurunziza subit la pression de la communauté internationale pour négocier. Il est sous les feux de son camp pour ne pas entrer dans cette phase  de négociations. Il reste qu'à jouer avec les termes entre négociations, dialogue et échange. Le fond du problème est de savoir où se passe ces négociations et entre qui et qui.

L'opposition ADC Ikibiri est dans une position de faiblesse. Personne ne sait qu'elle sera en position de force demain. Négocier aujourd'hui est un couteau à double tranchant. Négocier quoi? Que faire en cas de blocage des négociations? Cette opposition est tellement affaiblie qu'elle prend moins d'initiatives par rapport à la société civile. Cette dernière est devenue la hantise du pouvoir. La société civile fait son possible pour combler le vide laissé par l'opposition matraquée par le pouvoir. Les militants de l'opposition ont été réduits au silence par le biais des assassinats et des arrestations.

Les seuls absents de ces  négociations risquent d'être ceux qui devaient négocier. Ce sont les rébellions qui sont déjà connues à savoir une branche  qui se réclame officieusement du FNL, du Fronabu et du FRD. Ces mouvements risquent de relancer la guerre s'ils sont exclus des possibles négociations. Ils peuvent aussi relancer la guerre pour mettre la pression sur le gouvernement afin d'accélérer les démarches en vue des négociations. 

Les élections de 2015 et les négociations

Il reste trois ans avant les élections au Burundi. Si la situation politique reste ainsi, ces élections seront menacées en raison de l'insécurité, de l'absence de financement et de crédibilité. Le Président Nkurunziza a intérêt à régler au moins un des problèmes de ces élections à savoir l'accalmie politique. Il aura beaucoup de problèmes à gérer au sein de son camp. Il est surtout le premier à gagner avec ces négociations.