LE NICKEL CHIMERIQUE DES BURUNDAIS

 

Burundi news, le 02/06/2012

Par Gratien Rukindikiza

La génération des Burundais de moins de 50 ans est née avec cet espoir du Burundi de demain lié à ses ressources minières sans commune mesure. La principale ressource souvent citée est le nickel. Depuis le régime de Micombero, le nickel a été à l'honneur. L'avion du Président s'appelait Musongati, lieu de découverte de ce nickel burundais. Le Président Micombera a cru qu'il avait une manne du ciel pour développer le pays. Il a été renversé par le colonel Bagaza en 1976 sans que le nickel soit extrait. Le Président Bagaza sera renversé par le major Buyoya sans pouvoir arriver à extraire ce fameux nickel. Nous sommes en 2012, le nickel dort toujours dans le sous sol burundais. Pourtant, ce n'est pas la volonté qui a manqué. Pour bien maîtriser l'importance du nickel, retraçons quelques éléments.

Nickel ou le cuivre du démon

Le nickel est un des métaux les plus prisés dans le monde. Ce qui est rare est cher. Il y a 5 pays qui le produisent dans le monde : Russie : 23.40 %, Australie : 17 %, Canada : 12.70 %, France/Nouvelle  Calédonie : 8, 7 % et Indonésie : 8%.

La France possède 25 % des réserves mondiales. Le nickel est un minerai qui résiste à l'oxydation. Il est très apprécié dans les alliages. C'est une ressource non renouvelable d'après les spécialistes. Ces derniers estiment que les réserves mondiales pourront tenir 40 ans. Espérons que les réserves burundaises seront exploitées avant les 40 ans.

Nickel, tendon d'Achille au Burundi

Tous les pouvoirs ont fait espérer. Le nickel serait exploité bientôt. Malheureusement, les Burundais n'ont pas vu la couleur de ce nickel. Il y a eu plutôt un procès sur un nickel dormant. En 2007, la société Andover a intenté un procès à Paris pour rupture abusive du contrat contre l'Etat burundais. Elle avait obtenu l'exploitation en 1999. Les cours mondiaux montaient et cette société ne voulait pas exploiter ou ne pouvait pas selon plusieurs spécialistes. Aucune clause n'avait défini le délai maximum de démarrage de l'exploitation.

Les réserves burundaises sont estimées entre 200 à 230 millions de tonnes de nickel.

Le cas Burundi Mining Metallurgy (BMM)

La société BMM n'est pas connue des Burundais. Et pourtant, ils devraient s'y intéresser. Le pouvoir de Nkurunziza vient d'attribuer l'exploitation du nickel à SAMANCOR, futur BMM dans des conditions étranges.

Le dénouement est passé par une visite dans laquelle l'opposition avait placé un espoir, celle du Président Jacob Zuma. L'année 2011, la visite de Jacob Zuma était perçue par les milieux de l'opposition comme un signe du début de négociations avec le pouvoir. Le Président Sud-Africain venait en réalité au Burundi pour faire ses emplettes. La société SAMANCOR, de droit Sud-africain, ne pouvait pas gagner le marché d'exploitation du nickel du Burundi. Le Président Zuma a convaincu le Président Nkurunziza d'attribuer ce marché à la société qui était la dernière sur la liste des prétendants. Zuma, aurait-il promis de fermer les yeux sur les violations des droits de l'homme ou de bouder les opposants en contrepartie? L'avenir le dira. La suite, On la connaît. Le médiateur burundais a pris la casquette du pouvoir CNDD-FDD. Les opposants n'auront qu'à frapper aux autres portes.

Cette société BMM est née d'un changement de nom de SAMANCOR qui a gagné le marché. Ce changement de nom intrigue les spécialistes.

Cette société est dirigée par un Croate avec un passé judiciaire. Il y a des associés sud africains, des Nigérians dont un mari de la sœur du ministre de la Défense rwandaise.

Nickel inexploitable

Jusque quand le nickel restera inexploitable? C'est la grande question. Tout d'abord, les capacités de pouvoir exploiter ce nickel sont même soulevées au conseil des ministres. Selon certains connaisseurs, cette société n'aurait ni la capacité financière, ni la capacité technique pour exploiter le nickel de Musongati. Un deuxième procès pour le Burundi?

Cette société a demandé une licence pour exploiter le nickel car elle était à la phase d'exploration. Le conseil des ministres hésite. En plus, même avec cette licence, la société ne pourra pas exploiter ce nickel.

Il y a toujours deux problèmes qui se posent : Le transport du nickel et l'énergie pour l'exploiter.

Le chemin de fer ne verra pas le jour dans moins de 5 ans. Il est à la phase de démarrage d'étude et non de construction. Il faudra passer par la phase des relevés topographiques pour déterminer l'emplacement exact des chemins, exproprier les paysans, les procès liés aux indemnisations, recrutement de la main d'œuvre etc....

L'exploitation du nickel a un besoin de 200 MW. Le Burundi dispose aujourd'hui de 36 MW et les villes subissent des coupures quotidiennes. Il manque encore 36 MW pour satisfaire aux demandes des Burundais sans parler du nickel. Une production de 200 MW passe nécessairement par des barrages. Construire des barrages de 200 MW prendra au minimum dix ans. Qui va financer? La Banque mondiale a refusé de financer un barrage de moins de 20 MW. Elle ne financera pas 200 MW.

Outre le problème de financement, le Burundi n'a pas les pleins pouvoirs pour construire des barrages sur ses rivières. Il y a déjà le grand barrage de Kagera qui ne plaît pas aux Egyptiens en raison des accords sur la gestion des eaux du Nil. Le Burundi aura besoin alors des autorisations. Le lac Victoria de l'Ouganda a besoin aussi de se remplir. L'Ouganda n'est pas prêt à tolérer un tel nombre impressionnant de barrages car il faudra construire les barrages presque partout pour atteindre les 200 MW. Le Burundi n'arrive même pas à entretenir des barrages existants sans parler de construire d'autres.

Pour exploiter le nickel en 2017, il faudra un miracle. Heureusement que les Burundais prient beaucoup.