PIERRE NKURUNZIZA SERA LE DEUXIEME PRESIDENT BURUNDAIS ELU

 

Par Gratien Rukindikiza

 Burundi news, le 12 juillet 2005

L’élection de Pierre Nkurunziza par les congressistes du CNDD-FDD à la candidature de la Présidence était attendue depuis la victoire de ce parti. Les observateurs politiques  savaient bel et bien que la candidature de Pierre Nkurunziza était annoncée d’une façon voilée au cours du congrès de Gitega du 09 au 10 août  2004. Ceux qui diffusaient des informations concernant la candidature de Jean Marie Ngendahayo avaient d’autres buts. Le Frodebu était à l’origine de l’information pour couper le CNDD-FDD de l’électorat.

Nkurunziza sera élu sans aucun doute à la Présidence de la République. Radjabu devient le président du parti CNDD-FDD. Stratège, Radjabu ne sera pas le prochain président du Parlement. Il se consacrera à l’organisation du parti car il sait bien que l’enjeu principal se jouera après 5 ans. C’est après cette période que les accords d’Arusha n’auront plus d’effets notamment en matière des quotas et des équilibrismes sans aucun fondement populaire.

Les perdants des élections préparent les bonnes relations avec le gagnant. Certains même commencent à s’attribuer des postes. Le Frodebu qui menaçait de prendre les flèches pour ouvrir un maquis s’en remet à la loi de la mangeaille. Il ne veut même pas jouer l’opposition pour reconquérir  sa place. Il préfère entrer au gouvernement et se taire. L’Uprona a annoncé sa bonne volonté pour offrir ses services au gouvernement. Buyoya a choisi une stratégie différente de celle adoptée en juin 1993. Il a adopté le profil bas et reconnaît que le CNDD-FDD ne fait pas peur contrairement à ce qu’il disait en 1993. Sa stratégie se comprend pour un homme qui a dirigé le Burundi depuis septembre 1987 jusqu’aujourd’hui officiellement et officieusement. Buyoya a perdu l’armée qui est contrôlée par deux hommes complémentaires à savoir les généraux major Niyoyankana et Nshimirimana. Le CNDD-FDD n’est pas un parti à se faire manipuler comme le Frodebu. Buyoya devient alors un citoyen comme les autres avec des avantages d’ancien chef d’Etat. Son souci principal est de décrocher le poste de Vice-Président pour un Uproniste afin de garder la main sur le pouvoir.

La guerre des vice-Présidences a déjà commencé.

L’article 124 stipule que « Les Vice-Présidents appartiennent à des groupes ethniques et des partis politiques différents.

Sans préjudice de l’alinéa précédent, il est tenu compte, dans leur nomination du caractère prédominant de leur appartenance ethnique au sein de leurs partis politiques respectifs ».

Il y aura alors un vice-Président tutsi et un vice-Président hutu. L’Uprona mène un lobbying pour imposer son homme en la personne de Sinunguruza, actuel ministre des affaires étrangères, un élu de Mwaro. Le MRC s’active aussi pour que son chef le colonel Bayaganakandi accède au poste de vice-Président réservé à un tutsi. Le score aux élections législatives du MRC ne lui donne pas automatiquement un poste au gouvernement car il a eu moins de 5 %. Ses bonnes relations avec le CNDD-FDD peuvent lui permettre d’accéder à ce poste car le gagnant a besoin d’un vice-Président différent du modèle Kadege. L’Uprona a l’avantage du score de plus de 5 % mais ce parti a démontré qu’ il est capable de paralyser les institutions  de l’intérieur dès que sa volonté n’est pas faite. Nommer un vice-Président Uproniste alors que le CNDD-FDD dispose a d’une option alternative, c’est courir un risque. De même, l’opinion souhaite un signal fort, c’est même la raison du choix du CNDD-FDD. Prendre un vice-Président Uproniste  pourrait être interprété comme si le message n’a pas été compris. Le Burundi a plusieurs dossiers judiciaires en attente. Permettre à Buyoya de continuer à bloquer le travail de la justice à travers un vice-Président Uproniste serait une erreur politique.   Le Frodebu s’attend à un poste de vice-Président. Rien n’exclut que Minani se porte candidat. Sa candidature serait refusée sans aucun doute par Nkurunziza. Dans le cadre de l’harmonisation et pour  créer un climat serein, le futur Président Nkurunziza pourrait nommer un deuxième vice-Président au sein de son parti. Il aurait alors le plaisir de coordonner facilement le travail des vice-Présidents qui lui sont proches afin d’éviter des conflits permanents. La nomination des vice-Présidents exige la majorité au Sénat et au Parlement ; or le CNDD-FDD en dispose.

La mission du futur Président n’est pas une promenade de santé. Il a une tâche difficile. Il doit réconcilier les burundais, relancer l’économie, réformer le système de santé et l’éducation.   Il a droit comme tout le monde à l’erreur. Le juger au cours de la première année ou de la deuxième serait une erreur. Par ailleurs, les résultats dans certains domaines détermineront le futur. Si la corruption généralisée continue au-delà de la première année,  le pouvoir aura échoué car c’est un fléau qui se combat du haut vers le bas et non du bas vers le haut. La corruption, les détournements commencent à la Présidence, ensuite dans les ministères, après dans les directions générales et les autres employés ramassent les miettes. Vouloir punir ceux qui ramassent les miettes fait partie de l’injustice sociale. La lutte contre la corruption,  la mise au travail des burundais et la sécurité sont les futurs chantiers importants du futur Président.

Le CNDD-FDD devra s’assurer d’un bon entourage du Président. Le cabinet et les conseils du Président peuvent sauver ou noyer le pays. Il est fort probable que le cabinet actuel du ministre d’Etat chargé de la bonne gouvernance ne sera pas reconduit à la Présidence. Le choix de son directeur de cabinet sera déterminant pour un nouveau Président.