Pierre Nkurunziza et son opposition
Burundi news, le 21/07/2015
Par Zénon Nicayenzi
1-Le Burundi en 2015 vit un moment crucial de son histoire passablement agitée depuis son indépendance en 1962. Ça passe ou ça casse. L’heure du choix a sonné.
Qui sont les protagonistes ?
Deux camps se font face : celui de Pierre
Nkurunziza et celui de la rue. Le chef du premier camp est Président de la
République et en même temps patron de facto du Parti au pouvoir, le CNDD-FDD et
de sa milice tristement célèbre, Imbonerakure. Le chef du camp de la rue n’est
autre que “Sindumuja” alias “
“Anti-3eme mandat” héritier légitime du Héros de la victoire du 18 septembre
1961 contre le colonialisme, le Prince Louis Rwagasore. A l’époque, les
protagonistes se nomment Administration coloniale pilotée par J. P. Harroy,
Gouverneur du Ruanda-Urundi et le Prince Louis Rwagasore, chef de facto du Parti
Uprona, celui-ci rassemblant quasiment toutes les ethnies, toutes les régions,
toutes les religions et tous les âges. Ce qui est remarquable, le chef du camp
colonial accuse son challenger d’être l’ennemi de la démocratie et de l’ordre
public.
3-Aujourd’hui, comme le colonisateur de 1961, Pierre Nkurunziza accuse les manifestants d’être ennemis de la démocratie et de l’ordre public, eux qui portent la flamme de la démocratie et de l’avenir jusqu'à braver les balles de la police du régime. Eux qui marchent sur les traces du Héros de l’Indépendance du Burundi, le Prince Louis Rwagasore qui a accepté la mort en contrepartie de la démocratie et de la liberté du Burundi.
4-Aujourd’hui, comme en 1961, les manifestants anti-3e mandat de Pierre Nkurunziza se recrutent dans toutes les ethnies, tous les quartiers de la Capitale, toutes les religions, tous les âges. Ils répondent au mot d’ordre lancé par les Organisations de la société civile appuyées par les Partis politiques rassemblant toutes les ethnies, toutes les religions et tous les âges, le Burundi arc-en-ciel.
5-Aujourd’hui plus qu’hier, toute la Communauté internationale désapprouve totalement la voie empruntée par Nkurunziza pour briguer un troisième mandat en piétinant l’Accord d’Arusha et la Constitution. Jamais un homme politique n’a été isolé comme Pierre Nkurunziza en 2015. Tous contre un et un contre touts. Du jamais vu.
6-Aujourd’hui plus qu’hier, l’Eglise Catholique du Burundi est unanime pour appuyer la volonté du Burundi arc-en-ciel dans les rues de la Capitale et sur les collines pour réclamer son droit légitime d’être libre : « Sindumuja » (Je ne suis pas esclave), le même cri de défi lancé au colonisateur au moment de la lutte pour l’indépendance. A l’époque, les missionnaires blancs étaient sur les barricades du colonisateur, aujourd’hui, ils sont du même côté que les manifestants après l’assassinat de trois religieuses italiennes de Kamenge. Un seul homme contre toute l’Eglise Catholique. Pierre Nkurunziza peut nous rétorquer comme hier Joseph Staline de l’Union Soviétique : « Combien de bataillons de milice armée compte l’Eglise Catholique du Burundi pour contrer ma milice Imbonerakure appuyée par Interahamwe rwandais ? » La réponse semble limpide : 80 % de la population burundaise, soit 8 millions sur dix que compte le pays. Pas sûr que Pierre Nkurunziza puisse aligner un tel contingent si le scrutin de 2015 est libre, juste et apaisé.
Comment Pierre Nkurunziza a créé l’unanimité contre lui ?
7-Nos ancêtres nous avaient alertés : « Akica urugo karuva imbere » (Tout système crée son propre poison). C’est le cas du système Pierre Nkurunziza.
8-En effet, depuis dix ans qu’il gouverne le Burundi, Pierre Nkurunziza a réussi le tour de force de retourner tout le monde contre lui.
9-Il a d’abord cassé son propre Parti, le CNDD-FDD en écartant brutalement son Président légitime, Hussein Radjabu lors du fameux Congrès de Ngozi le 7 février 2007. Ensuite, il a créé de toutes pièces le Comité des Sages du Parti présidé par lui-même, transférant ainsi le centre de décision entre ses mains au détriment des organes statutaires. Poursuivant son œuvre, il a envoyé H. Radjabu en prison pour treize ans et dans la foulée, il a exclu de leurs postes de députés vingt deux élus de son Parti, partisans de H. Radjabu. Du jamais vu depuis que le système parlementaire existe.
10-Quand aux autres Partis, Pierre Nkurunziza a poursuivi la fameuse stratégie : « Diviser pour régner ». Les Burundais l’appellent : « Nyakurization » qui consiste à casser le Parti cible en interdisant et en paralysant les organes statutaires au profit d’organes crées de toutes pièces pour soutenir le camp présidentiel en tout et partout. Pour ce faire, il a repéré un Ministre zélé chargé de la « Nyakurization », celui de l’Intérieur. Celui-ci s’acquitte de sa mission de telle manière qu’on pourrait difficilement trouver plus compétent parmi les dix millions de Burundais.
11-Pour compléter son tableau de chasse, Pierre Nkurunziza a mis en place un système de répression implacable contre les activistes de la Société civile et de l’information indépendante : emprisonnement à répétition, maintenant destruction de toutes les radios indépendantes. Pierre Nkurunziza veut parler seul au peuple burundais à travers un seul et unique medium : la Radio Télévision Nationale du Burundi. Les autres, au diable ! Ainsi la boucle est bouclée. Il pourra se présenter seul devant les électeurs sans aucun risque de contradiction venue de ses adversaires. Informer moins pour gagner plus de voix.
12-Pendant qu’il réprime la Société civile et les journalistes indépendants, il envoie les leaders de l’opposition devant les juges ou carrément en exile. Certains, ils les expédie chez nos ancêtres, comme Zedi Feruzi de l’UPD. Le leader « bien aimé » ne recule devant rien.
L’arroseur arrosé
13-Pierre Nkurunziza, dans ses ateliers de Ngozi, a fabriqué des produits toxiques contre son régime de telle manière que des Partis hier concurrents sont aujourd’hui engagés derrière les mêmes barricades à travers les quartiers de Bujumbura et sur les collines du pays. Pas de salut en dehors de l’union indéfectible des anciens adversaires. Merci Monsieur le Président.
14-Sans le vouloir et sans le savoir Pierre Nkurunziza est parvenu à faire couper toutes les aides de la Communauté internationale destinées au Burundi que ce soit pour le développement que ce soit pour organiser les élections de 2015. On ne peut pas faire mieux pour ajouter la faim à la peur. Maintenant, il est obligé de fabriquer de faux billets pour payer ses électeurs, ses fonctionnaires, ses policiers et ses militaires. Même le Maréchal Mobutu du Zaïre, n’a pas atteint ce niveau d’exaction, d’horreur et de destruction des bases de l’Etat, de la Nation et de l’économie nationale.
Conclusions
15-Quoi que dise Pierre Nkurunziza, la ligne de démarcation ne passe pas entre lui et la petite minorité tutsi habitant quatre quartiers de la Capitale mais entre lui et l’immense majorité du Burundi arc-en-ciel puissamment soutenue par la Communauté sous-régionale et internationale.
16-Cette erreur d’appréciation le conduit à prendre des décisions contreproductives comme celle de briguer un 3e mandat en dépit des stipulations pertinentes de l’Accord d’Arusha et de la Constitution.
17-Agasozi k’intabarirwa kahiye Abagabo babona (La montagne obstinée a brûlé en dépit des avertissements des Sages).
Parole de nos ancêtres!
Zénon NICAYENZI