Note de la rédaction : Nous publions un article paru chez nos confrères d'Arib. Les informations ont été vérifiées et sont correctes.

 

Le non-dit sur l’« Affaire Interpetrol » suite :

Le cas Gabriel NTISEZERANA

Le 2ème Vice-président de la République procède actuellement à du sabotage de l’action du Chef de l'Etat

ARIB.INFO - Correspondance spéciale de Bujumbura - 05/08/2007

L’annonce de l’arrestation ce samedi du Gouverneur de la Banque centrale du Burundi (BRB – Banque de la République du Burundi), M. Isaac BIZIMANA, a retenti comme un tonnerre dans le ciel matinal de la capitale burundaise, Bujumbura. Selon le Procureur général de la République, Elisé NDAYE, cette arrestation entre dans le cadre de l’affaire politico financière, communément appelé « Affaire Interpetrol », qui secoue depuis quelques mois le pays.

Depuis la divulgation de cette affaire au grand public, un nom avait retenu l’attention des médias : celui de Mme Denise SINANKWA, ministre des Finances à l’époque des faits, qui avait ordonné le décaissement en faveur de la société Interpetrol. Elle fut aussi accusée d’avoir procédé à la fermeture de comptes spéciaux à cet effet.

Dans nos livraisons antérieures, nous vous avons présenté un reportage résultant de nos investigations qui ont mis en lumière le rôle au premier plan d’autres personnalités dans cette affaire, dont entre autres le Gouverneur de la BRB, M. Isaac BIZIMANA, et le 2ème Vice-président de la République, M. Gabriel NTISEZERANA, ainsi qu’un certain Callixte MUTABAZI, l’Administrateur Directeur Général de l’InterBank Burundi (IBB).

Les événements de ce week-end prouvent à suffisance que nous étions sur la bonne piste, notamment en ce qui concerne M. BIZIMANA, même si, à nos yeux, il garde toujours la présomption d’innocence et que les droits de la défense doivent lui être reconnus, tout comme les autres personnes impliquées ou citées de loin ou de près dans cette affaire. La Justice doit lire le droit et s’y tenir.

De notre côté, nous continuerons, comme nous vous l’avons promis, nos investigations jusqu’au bout, et vous livrerons au fur et à mesure les résultats de nos enquêtes qui touchent actuellement non seulement l’affaire Interpetrol, mais aussi plusieurs autres dossiers politico-financiers qui ont fait la chronique dans la presse.

Parmi ces affaires dont on ne connaît pas jusqu’ici toutes les ramifications, on peut citer : l’affaire Kassy Manlan, l’affaire des Hélicoptères de l’armée qui n’ont jamais volé, l’affaire du Carburant de l’armée (Major Kirazunga), l’affaire des Groupes électrogènes, l’affaire Affimet, l’affaire Ruzizi-Kasubutare (IBB), l’affaire Lubersky, l’affaire des Haricots de la Police, l’affaire du Carburant des Gouverneurs, l’affaire du Falcon 50 présidentiel, l’affaire des véhicules des Parlementaires, l’affaire de l’avion d’air-Burundi Beach Craft, etc.

L’Observatoire de Lutte contre la Corruption et les Malversations Économiques (OLUCOME) a répertorié plus de 400 dossiers de malversations financières au Burundi.

Cas NTISEZERANA : sabotages de l’action du président de la République

Dans le cadre de la suite sur l’affaire Interpetrol, un nom est souvent revenu lors de nos investigations : celui du 2ème Vice-président de la République, M. Gabriel NTISEZERANA, dont les agissements dans ce dossier sont plus que troublants et auxquels la Justice devrait bientôt s’intéresser de près. Le comportement de M. NTISEZERANA ressemble de plus en plus à du sabotage vis-à-vis du Chef de l’Etat, certains estiment qu’il s’agit de « trahison ». D’autres sources parlent même de « visées présidentielles ».

1er sabotage : Non recouvrement des dettes de certaines sociétés envers l’Etat

M. MUTABAZI

En effet selon les informations recueillies au cours de nos enquêtes, M. NTISEZERANA couvrirait actuellement le duo Callixte MUTABAZI et Tribert RUJUGIRO, dont l’implication dans plusieurs dossiers de malversations semble aujourd’hui avérée.

Selon un document reçu par nos enquêteurs sur place, et dont nous publions l’intégralité, la présidence de la République a, en date du 27 avril 2007 avec copie au 2ème Vice-président NTISEZERANA et au Directeur des Impôts, ordonné au Ministre des Finances Denise SINANKWA d’« exiger le paiement de tous les impôts et taxes dus par certaines sociétés au trésor public notamment la BRARUDI, IBB et AFRICELL », estimant que « l’ampleur de leurs arriérés est très inquiétante ». Dans son ordonnance, la présidence de la République demande au Ministre des Finances « d’instruire les services concernés de procéder très rapidement au recouvrement de ces dettes dans un délai ne dépassant pas un mois ». (Pour l’intégralité de cette lettre : CLIQUEZ ICI)

Pour rappel, c’est dans le cadre du relèvement du taux d’apurement des arriérés du secteur privé, sur recommandation de la Banque Mondiale, et suite à cette injonction présidentielle que l’ex ministre des Finances Denise SINANKWA a voulu procéder au règlement des opérations de remboursement des arriérés et de recouvrement fiscal de l'Interbank Burundi (IBB), d’un montant de 2,7 milliards de francs. On connaît la suite : ce fut le début de l’« Affaire Interpetrol ». (Pour plus de détails cfr Enquête-reportage sur le non-dit concernant l’affaire politico-financière qui secoue actuellement la classe politique burundaise : CLIQUEZ ICI)

Selon nos sources, le calcul des impôts dus par l’Interbank Burundi à l’Etat burundais en 2006 s’élevait en réalité à plus de 4 milliards de francs, mais après négociations entre le conseil fiscal de cette banque et les services des Impôts, le montant final négocié et signé fut de 2.775.101.770 comme le prouve la fiche de transmission à la DGE, datée de décembre 2006, que nos enquêteurs ont pu se procurer une copie et dont nous publions l’intégralité. (Pour l’intégralité de ce document : CLIQUEZ ICI)

Il s’avère donc, selon nos investigations, que le 2ème Vice-président NTISEZERANA, au lieu de mettre en exécutions les ordres du Chef de l’Etat, a préféré couvrir l’Interbank Burundi, dont l’ADG n’est autre que Callixte MUTABAZI et derrière lequel se cache en réalité l’homme d’affaire rwandais Tribert RUJUGIRO. Rappelons que le 2ème Vice-président Gabriel NTISEZERANA travaillait chez Inter Bank Burundi avant d’être nommé Gouverneur de la BRB puis 2ème Vice-président de la République.

2ème sabotage : Nomination d’un Directeur des Impôts à la solde du trio

Pour arriver à ses fins, le duo MUTABAZI-RUJUGIRO s’est en outre appuyé sur les services du Directeur des Impôts, M. Valère BIZIMANA, nommé en février 2007 par le président de la République sur recommandation expresse du 2ème Vice-président NTISEZERANA. Pour la petite histoire, la nomination de M. Valère BIZIMANA comme Directeur des Impôts fut le premier décret signé en février 2007 par le tout nouveau 2ème Vice-président NTISEZERANA. Et pour cause ! (Pour le décret de cette nomination : CLIQUEZ ICI)

D’après les services du ministère des Finances, les objectifs fixés par le FMI pour les recettes des impôts au mois de juin 2007 étaient de 9 milliards de francs, mais lors de la visite en cours d’une délégation de fonctionnaires du FMI et de la Banque mondiale, il s’avère que le Burundi n’a pas atteint ces objectifs : les recettes au mois de juin 2007 s’élèvent à près de 6 milliards de francs. Manque à gagner de plus de 3 milliards !

A noter que, selon des fonctionnaires des services des impôts que nous avons pu contacter, les trois sociétés citées dans la note présidentielle devaient respectivement, 2,7 milliard pour l’IBB, 800 millions pour AFRICELL et plus ou moins 1 milliard pour la Brarudi. Si l’Etat avait procédé au recouvrement de ses arriérés d’impôts, il y avait de quoi atteindre les objectifs fixés par le FMI.

Mais malheureusement pour le Burundi, au moment du recouvrement des deniers publics en tant que Directeur des Impôts, M. Valère BIZIMANA, aux ordres direct du 2ème Vice-président NTISEZERANA, i.e. du duo MUTABAZI-RUJUGIRO, veut effacer la dette de ces sociétés, dont M. Valère BIZIMANA est en réalité conseil fiscal. On peut parler d’« agent double » et de « fiscalité parallèle ». (Affaire à suivre …)

3ème sabotage : une prime faramineuse pour interruption de carrière

Le 2ème Vice-président NTISEZERANA s’est en outre octroyé une prime de fin de carrière de 200 millions quand il a quitté en février 2007 la BRB, dont il était le Gouverneur, pour la 2ème Vice-présidence.

Selon nos sources auprès de la Banque centrale, cette prime est effectivement octroyée aux Gouverneurs pour interruption de carrière, alors que dans le cas NTISEZERANA, il s’agissait d’une promotion vers une fonction plus haut. Ce qui a fait jaser dans les milieux financiers de la capitale.

Selon des sources proche de la présidence, devant les critiques qui tombaient de toute part concernant cette prime, le Chef de l’Etat, Pierre NKURUNZIZA, aurait demandé à M. NTISEZERANA de remettre cet argent au Trésor de l’Etat, mais ce dernier ne s’est toujours pas exécuté.

4ème sabotage : détournement de 25 millions destinés au parti présidentiel

Selon plusieurs informations concordantes, le gouverneur de la BRB, M. Isaac BIZIMANA, aurait, sur injonctions du 2ème Vice-président NTISEZERANA, collecté des fonds auprès des banques de la place, à destination du parti présidentiel CNDD-FDD, dont les caisses seraient aujourd’hui vides depuis l’éviction de son tout puissant président Hussein RADJABU, actuellement derrière les barreaux.

Dans cette opération illicite, M. Isaac BIZIMANA aurait ainsi récolté plus de 25 millions de franc et les aurait remis au 2ème Vice-président NTISEZERANA, mais ce dernier les aurait utilisé à des fins propres. On parle de la construction d’une villa auprès de la place de l’unité, sur les hauteurs de la capitale. Pour la petite histoire, le président NKURUNZIZA avait publiquement ordonné l’arrêt de toutes les constructions près de cette place, sans succès ! Un véritable camouflet pour le Chef de l’Etat !

Par la suite, avisé par M. Isaac BIZIMANA, les responsables du parti présidentiel CNDD-FDD sont intervenus auprès du 2ème Vice-président NTISEZERANA pour recouvrer leur dus, en vain ! Une intervention directe du Chef de l’Etat NKURUNZIZA dans ce sens n’y fera rien !

Ce fut le début d’un conflit jusqu’ici inconnu du public entre le Gouverneur BIZIMANA et le 2ème Vice-président NTISEZERANA. Selon nos informations ceci expliquerait alors ce qui vient d’arriver à M. Isaac BIZIMANA, qui se retrouve aujourd’hui lâché par son complice dans l’« Affaire Interpetrol ».

Mme NIRAGIRA

Pour faire coffrer en catimini M. Isaac BIZIMANA, le 2ème Vice-président NTISEZERANA s’appuya alors sur la ministre de la Justice, Mme Clotilde NIRAGIRA, qui aurait personnellement intervenu directement auprès du Procureur général de la République. Le sort de M. Isaac BIZIMANA était ainsi scellé !

5ème sabotage : location frauduleuse de résidence

A sa nomination en février 2007 au poste de 2ème Vice-président en remplacement de Mme Marina BARAMPAMA, au lieu d’aller habiter à la résidence mise à sa disposition par l’Etat, sise près du palais présidentiel (à Kiriri-Vugizo) et louée à 2000 US dollars par mois, M. NTISEZERANA, sur recommandation de M. Callixte MUTABAZI, préféra louer une villa sise à Gatoke pour un montant mensuel de 3500 US dollars et appartenant à un certain Kimoshori, qui n’est autre que le neveu de …Tribert RUJUGIRO !

Selon nos informations, la première résidence mise à sa disposition avait déjà coûté à l’Etat 4 mois d’acompte déjà versé, et M. NTISEZERANA exigeât du ministère des Finances de payer en plus un an de loyer complet à son nouveau bailleur. Ce qu’avait contesté, mais en vain, la ministre des Finances. Voilà une autre raison de l’animosité entre les deux personnalités politiques.

Selon certaines indiscrétions, des 3500 US dollars mensuels payés par l’Etat pour son logement, 2000 US dollars vont effectivement au propriétaire neveu de RUJUGIRO et le reste … on devine facilement où !

L’enquête se poursuit ...

Nos investigations sur ce dossier sont loin d’être terminées, et à ce nouveau stade de nos enquêtes, de nouvelles questions surgissent dans cette affaire à plusieurs inconnues et aux ramifications imprévisibles :

- Quid de l’emprisonnement de M. Isaac BIZIMANA ? La procédure et les droits de la défense ont-ils été respectés ? A noter que jusqu’au moment où nous publions cet article, M. Isaac BIZIMANA est toujours officiellement le Gouverneur de la BRB. On devine les conséquences d’une telle situation auprès des institutions financières nationales et internationales.

- Quid des relations exactes entre la ministre de la Justice Clotilde NIRAGIRA et le 2ème Vice-président Gabriel NTISEZERANA ?

- Quid de la visite de M. Tariq BASHIR, Président Directeur Général d’Interpetrol, chez le 2ème Vice-président NTISEZERANA ?

- Quid de la visite de M. Tariq BASHIR, Président Directeur Général d’Interpetrol, chez la ministre de la Justice NIRAGIRA ?

- Quelle est la personnalité de l'Etat qui a demandé à l'ancienne ministre des Finances Denise SINANKWA de rebrousser chemin alors qu'elle était déjà à Nairobi sur le chemin de retour vers le Burundi (Affaire à suivre) ?

- Quid des « visées présidentielles » de M. NTISEZERANA avec le soutien du duo MUTABAZI-RUJUGIRO ?