OMS : mort pour les 23 milliards de Buyoya ?

 

Fraternité Matin (Abidjan)

9 Juin 2005


Publié sur le web le 10 Juin 2005

 

Une enquête à Genève, Bruxelles et Paris de Léon-Francis Lebry
Abidjan

 

Le scandale qui risquait d'éclabousser le pouvoir a été tué dans l'oeuf par les plus hautes autorités de l'état burundais. L'assassinat du Pr Léopold Malan Kassi était à ce prix. Et il a payé le prix fort.

 

L'ombre de Buyoya ne doit pas nous empêcher d'aller au terme de ce procès". Cette phrase que prononce Maître Bernard Maingain au cours de l'audience de janvier produit des effets inattendus. La presse et la population burandaises la considèrent comme un pavé dans la mare jusqu'alors calme du ou des probable (s) commanditaire (s) de l'assassinat du Pr Malan Kassi. Ce ou ces dernier (s) la considère (ent) comme une accusation du Chef de l'Etat en exercice au moment de l'affaire, à savoir le Major Pierre Buyoya. Et la Cour autant que le procureur général la reçoivent comme une nouvelle pièce au dossier et une piste à explorer. En tout cas l'avocat belge, lui, précise ensuite: "le disant, je n'ai pas porté atteinte à la présomption d'innocence" nous explique cet avocat lors de notre rencontre dans la deuxième quinzaine de mai à Bruxelles. Avant d'ajouter: "j'ai également dit publiquement à cette audience au procureur général, d'avoir non seulement le courage d'obtenir la condamnation des assassins puis d'ouvrir ensuite le dossier du commanditaire".

 

Si cette phrase a valu à Maître Bernard Mangain les foudres du couple Buyoya qui aurait déposé à son encontre une plainte pénale pour diffamation, il a été en revanche entendu par la justice burundaise. Car non seulement les assassins ont récemment fait l'objet de condamnations sévères, mais le procureur général a fait ouvrir, il y a trois semaines, le dossier du commanditaire. L'avocat belge n'aura pas voulu à cette audience de janvier dernier, se contenter de continuer à plaider le système et la convergence des indices ou la nullité de la procédure à charge de Mme Gertrude Nyamoya sa cliente, ou encore la preuve que l'on détient les criminels et le mobile de l'assassinat. Il voulait manifestement passer, dans sa plaidoirie, à une étape supplémentaire. Lors de notre rencontre récente à Bruxelles, maître Maingain a rappelé qu'il s'est fondé, pour prononcer cette phrase, sur une pièce à savoir la lettre d'un diplomate ivoirien qui relate à l'autorité de son pays, un entretien qu'il a eu en septembre 2002 avec un haut dignitaire burundais qui a clairement cité le nom de Buyoya comme le commanditaire réel de l'assassinat et a indiqué au diplomate qu'il connaît personnellement le président burundais.

 

Les affirmations de cet informateur ne font en réalité que confirmer les rumeurs insistantes qui circulaient déjà la même année et présentaient M. Buyoya comme le suspect numéro 1er . On se souvient que des dépêches de la presse internationale citant également des "sources bien informées et fiables" indiquaient que le rapport que s'apprêtait à confectionner le Pr Malan Kassi, "impliquait directement M. et Mme Buyoya dans ce détournement". Les mêmes sourcesindiquaient également que le président aurait ordonné la destruction de ces documents et l'élimination physique de son concepteur. L'avocat belge, en cette année 2005, s'est donc appuyé sur une information actualisée, confirmée. Il y a quelques semaines, notre propre enquête a obtenu à Genève et à Bruxelles des informations récentes qui accablent l'ex-Chef d'Etat burundais et confirment son implication dans le détournement des fonds destinés à éradiquer la malaria qui sévissait au Burundi.

 

Nos sources, judiciaire et onusienne celles-là, indiquent que ce sont 40 millions de dollars américains soit 23 milliards 120 millions CFA dégagés pour cette éradication que l'ex-couple présidentiel burundais aurait détournés et qu'il aurait fait réceptionner par la société Kost international logée à Paris. On comprend donc que le couple n'ait pardonné qu'un individu l'empêche de détourner cette somme, fût-il un fonctionnaire international. Le Pr Malan Kassi constituait donc une menace pour la récupération d'un tel pactole. En cela, l'ex homme fort au Burundi restait fidèle à ses habitudes si l'on se souvient que près d'un an après l'acte téméraire du Pr Malan Kassi qui lui a coûté la vie, un autre fonctionnaire international, M. Jessrey Ruud, le chargé d'affaires de l'Union européenne, avait failli connaître le même sort. Le pouvoir burundais avait armé les mains de tueurs à gages pour l'assassiner, ayant appris qu'il avait rédigé un rapport sur un autre détournement à son actif, à savoir l'aide de l'UE par ce pouvoir.