QUELLES SONT LES CONSEQUENCES DE LA PRESENCE DE  L’ ONUB AU BURUNDI ?

 Burundi news 21/03/2005

Par Gratien Rukindikiza

 

L’ONUB a une mission d’observation et de protection. Elle doit assurer le bon suivi des accords d’Arusha et protéger les institutions et les personnalités politiques. Sans décrire en détail la mission de l’ONUB, le débat actuel est d’évaluer les conséquences de cette présence  de l’ONUB au Burundi.

 

L’ONUB est venue au Burundi dans le cadre de l’application des accords d’Arusha pour rassurer surtout ceux qui rentraient de l’extérieur et des maquis. La mise en place des accords de Prétoria suscitait des points d’interrogation quant au comportement de l’armée face à ces changements. L’ONUB et avant les forces sud africaines étaient des garants armés de la nouvelle donne politique. La seule présence armée étrangère suffisait à rassurer ces politiciens. Par ailleurs, les FDD n’ont jamais compté sur ces forces. Les cadres du CNDD-FDD ont très vite  remarqué les failles de ces troupes de l’ONU et ont confié leur sécurité à leurs forces.

 

Dans le passé et aujourd’hui, tout le monde a constaté que les forces de l’ONU assistent impuissantes aux tragédies. Au Rwanda, elles n’ont pas empêché le génocide.  Au Congo, elles n’empêchent pas les tueries ou les infiltrations rwandaises. Au Soudan, un génocide continue malgré la présence des forces onusiennes. Ce n’est pas au Burundi qu’elles feront des miracles. Et d’ailleurs, les massacres de Gatumba se sont déroulés dans la zone de leur responsabilité. L’ONUB n’est même pas capable d’empêcher le FNL de bombarder la ville de Bujumbura. Elle est plus soucieuse de sa sécurité que celle des autres.

Un ami me racontait qu’un dimanche, rentrant de Gatumba, deux blindés de l’ONUB bloquaient la route vers Bujumbura sur le pont de la Rusizi. Quand il a demandé à ces militaires pourquoi ils bloquaient la route depuis une heure, ils ont dit qu’ils ont entendu des coups de feu de l’autre côté et ils ne savaient pas quoi faire. Avec leurs blindés, ils avaient peur de rentrer à Bujumbura en ouvrant  la voie. Un civil et deux hommes armés ont ouvert la voie et les militaires de l’ONUB ont suivi.

La forte concentration des militaires dans la ville de Bujumbura n’est pas un facteur de sécurité. En cas de problèmes de sécurité dans la ville, la confusion serait grande d’autant plus qu’il manque de coordination de  toutes les forces. 

La sécurité routière est aussi un problème à cause de ces véhicules militaires qui sillonnent la ville de Bujumbura.

Aujourd’hui, la parfaite entente des ex-FAB et ex-FDD en FDN est une réussite historique du Burundi. Cette nouvelle armée assure elle seule la sécurité du pays. L’ONUB est dans son rôle de spectateur. Elle a été remplacée sur le terrain qu’elle n’a jamais occupé. Ce n’est pas l’ONUB qui a assuré la sécurité des urnes pendant le référendum. Les FDN assurent correctement sa mission et la présence de l’ONUB n’est pas indispensable aujourd’hui.

 

 

Sur le plan politique, l’ONUB a démontré qu’elle ne pouvait même pas garantir la mise en place des accords. Elle était absente au moment où le Président Ndayizeye voulait violer les accords en se faisant élire ou pour prolonger son mandant. Elle n’a pas non plus joué le rôle de médiateur entre les politiciens burundais pendant les discussions sur la constitution. La CENI a failli à sa mission en voulant reporter les élections pour le compte du Président Ndayizeye. On a jamais entendu l’ONUB condamner ce manquement. Politiquement, la place de l’ONUB fait doublon par rapport à la mission de la Sous région et l’Afrique du Sud. En  plus, ce sont ces derniers qui s’acquittent correctement de leur rôle. Politiquement, l’ONUB n’est pas indispensable.

 

Sur le plan économique, l’ONUB a injecté une grande masse monétaire sur les marchés. Les militaires et les fonctionnaires de l’ONUB ont un revenu très élevé dans un pays où le pouvoir d’achat est faible. Un fonctionnaire moyen gagne 50 dollars au moment où un fonctionnaire de l’ONUB gagne facilement 1 500 dollars. Les deux se retrouvent sur le même marché dans un pays qui est en sous production. La production burundaise a baissé énormément depuis le début de la guerre et de l’embargo. L’ONUB a augmenté la demande dans un marché en pénurie et  paie cher pour avoir la priorité sur les produits. Ainsi, les prix se sont envolés littéralement notamment  le riz, la viande, les loyers etc… L’offre s’est adaptée au niveau supérieur de la demande qui a suivi. Les pauvres fonctionnaires ne savent plus comment faire pour avoir les moyens financiers qui leur permettent de manger deux fois la journée. Rien ne peut se faire car le marché détermine les prix et s’adapte au standing de vie des consommateurs. Si un membre de l’ONUB peut acheter un avocat à 1 dollar, le paysan ne voudra plus vendre son avocat à moins de la moitié du prix proposé par ce client. Il préférera  attendre que son client lui achète 10 avocats à 1 dollar chacun que de vendre 20 avocats à 0, 20 dollar.

Les loyers ont augmenté, voir doublé en raison de la forte demande de l’ONUB. Ceux qui sont obligés de quitter les maisons du centre ville  devenues chères augmentent la demande dans les quartiers populaires ; d’où une augmentation généralisée des loyers. Cette hausse de prix est conjoncturelle. Les prix devront baisser au départ de l’ONUB. Face à cette flambée de prix, le citadin ne décolère pas de cette présence de l’ONUB qui comporte plus d’inconvénients que d’avantages.

Le gain que le Burundi tire des devises qui rentrent au pays pour financer cette ONUB est vite annulé par cette inflation.

 

Le Burundi a besoin du financement de l’ONUB et non des forces de l’ONUB. Militairement, politiquement et économiquement, l’ONUB n’est pas indispensable. Elle est même à l’origine d’une partie de l’inflation. Le Burundi devrait négocier un financement et se passer de l’ONUB. Si le Burundi obtenait le financement de l’ONUB, il pourrait accorder des primes aux militaires et aux fonctionnaires, améliorer les conditions de santé de la population, relancer l’économie par des activités productives. Le Burundi a besoin d’un véritable plan Marchal et non d’une armée de spectateurs.

Je n’irai pas jusqu’à dire « ONUB dehors » mais il est grand temps que l’ONUB se rende compte que sa présence n’est pas bénéfique pour le pays. Après tout, même De Gaulles a mis dehors les militaires américains qui ont libéré la France, Kabila a renvoyé les rwandais qui l’ont porté au pouvoir. L’ONUB n’a pas libéré le Burundi. Sa présence désorganise l’économie du pays et n’assume pas son rôle correctement. Il est tout à fait normal que le pays soit aidé mais il a plus besoin de financement que d’une présence des divisions des militaires et de bataillons de fonctionnaires.