QUAND L’ OPPOSITION BURUNDAISE SEDUIT PLUS QUE LE POUVOIR

Par Gratien Rukindikiza

 Burundi news, le 25 mars 2006

Le Burundi n’avait pas connu l’opposition après 1965. Depuis les élections démocratiques de 1993, les partis politiques ont été associés au pouvoir par le biais de quelques ministres, juste pour calmer les esprits chauds. Un enfant bien éduqué ne parle pas la bouche pleine. Les politiciens burundais ne critiquaient pas le pouvoir du seul fait qu’ils étaient eux aussi invités à manger le peu qu’il y avait. Le peuple, seul détenteur du pouvoir, était devenu le dindon de la farce. La corruption, la misère et l’absence de soins de santé pouvaient continuer et les dirigeants ne s’empêchaient pas de remplir leurs poches. A la manière de l’ancien Président Ivoirien Houphouët Boigny qui demandait à son hôte angolais de quel peuple il parlait chaque fois. Il lui disait que le peuple n’existe pas. Les politiciens Burundais ont appris la leçon. Le peuple existe pour aller aux urnes et il disparaît jusqu’aux prochaines élections.

Depuis l’arrivée du CNDD-FDD au pouvoir, plusieurs partis politiques n’ont pas été associés au gouvernement. Certains sont en voie de disparition faute de ministre pour caser certains militants et rendre de petits services logistiques et administratifs. Parmi ceux qui ne sont pas au pouvoir, l’opposition du CNDD de Nyangoma semble adopter une offensive. Elle ne manque pas de la matière. Le Parena de Bagaza ne joue pas son rôle d’opposant. Il est dans une position de spectateur. Les anciens grands partis Frodebu et Uprona sont représentés au gouvernement ainsi que quelques autres partis.

Le Frodebu vient de tenir une réunion de son comité directeur ce samedi 25 mars 2006. Après avoir hésité, il vient de se résoudre à entrer dans l’opposition. Il a sorti un communiqué précisant qu’il a décidé de sortir du gouvernement pour entrer dans l’opposition. Il s’est rendu compte qu’il est entrain de mourir politiquement à force de ne pas se reconnaître associé   au gouvernement et de ne pas se décider à entrer dans l’opposition.

La grande question qui se pose est de savoir si les ministres membres du Frodebu vont accepter de sortir du gouvernement. Il y aura sans aucun doute certains qui préféreront changer de casquette pour garder les ministères.

Le Frodebu entre dans un terrain occupé par Nyangoma. Il a eu la tâche facile en raison des erreurs du nouveau pouvoir et il assume convenablement le rôle d'opposant. Le Frodebu ne pourra pas faire une alliance avec Nyangoma et ce premier n’aura pas la tâche facile car Nyangoma a déjà rodé son système de communication appuyé par certains médias et sites internet. Les tiraillements internes du Frodebu le fragilisent alors que le CNDD de Nyangoma a un seul leader incontesté en interne.

Le Frodebu a commis une erreur politique en acceptant d’entrer au gouvernement. Il n’a pas pensé à miser sur le moyen terme car les élections se préparent à la fin des autres. L’erreur du Frodebu ne sera pas commise par le FNL de Rwasa, si on en croit aux affirmations  de Rwasa lui-même. Il ne compte pas négocier l’entrée au gouvernement.

L’entrée du Frodebu dans l’opposition ne doit pas être minimisée par le CNDD-FDD. Sa façon de gérer le pouvoir, les improvisations, les violations des droits de l’homme et la corruption seront les points déterminants pour gagner ou perdre les élections dans 4 ans et quelques mois. Le Frodebu a beaucoup de cadres et peut remonter la pente. Cette nouvelle donne devrait inciter le CNDD-FDD à être vigilant sur sa façon d’agir. Les cadres du parti devraient rompre avec les anciennes pratiques des partis uniques qui consistaient à dire au chef que tout allait bien même si la maison brûlait. Cette pratique a fait perdre l’ancien Président Buyoya en 1993.   Les meilleurs conseillers sont ceux qui disent au chef ce qui ne va pas. Ceux qui lui disent qu’il a toujours raison sont soit des peureux, soit des profiteurs, soit des lâches.

Toute démocratie a besoin d’une opposition solide et d’une presse indépendante. L’arrivée du Frodebu dans l’opposition risque d’animer la vie politique burundaise à moins que les divisions internes mobilisent la direction du parti plus que le rôle d’opposant.