QUI A DONNE L'ORDRE D'ASSASSINER ALEXIS SINDUHIJE?
Burundi news, le 16/03/2014
Gratien Rukindikiza
Le 8 mars 2014, le Burundi a franchi un cap et la date marquera l'avenir du Burundi. Pour la première fois, la police a tiré à balles réelles sur une permanence d'un parti politique avec l'intention de tuer un opposant, président d'un parti politique. Pour en arriver là, qu'est-ce qui s'est passé avant? Qui a donné l'ordre de tuer Alexis Sinduhije? Dans quelles circonstances les policiers ont-ils été pris en otage? Pourquoi n'ont -ils pas été libérés? Nous tenterons de répondre à ces questions pour éclairer l'opinion publique nationale et internationale.
Sport de masse réprimé
Au Burundi, les jeunes imbonerakure du CNDD-FDD ont le droit de faire du sport de masse sur tout le territoire burundais. Ils ont le droit aussi de faire des manœuvres paramilitaires, de frapper les militaires, d'empêcher un administratif de tenir une réunion etc... Le sport de masse est considéré comme interdit pour les jeunes de l'opposition. Ce 8 mars 2014, les jeunes de l'opposition s'étaient donné rendez-vous en ville de Bujumbura pour faire ce sport de masse comme les autres jeunes.
Ils avaient envie de montrer qu'ils sont nombreux et que le parti CNDD-FDD n'a pas le monopole des jeunes. C'est ce bras de fer qui a poussé le pouvoir à envoyer la police pour réprimer cette manifestation placée sous le sceau de sport de masse. La police avait bloqué les entrées de la ville. Les jeunes ont pu accéder en ville et certains ont été arrêtés. La police a lancé des gaz lacrymogènes contre ces sportifs tranquilles.
Pourquoi à la permanence du parti MSD?
L'organisateur de ce sport de masse était l'ADC ikibiri. Le jour J, certains chefs de partis politiques étaient paradoxalement chez eux à la maison comme le président du Frdebu, Léonce Ngendakumana. Le MSD s'est retrouvé en première ligne avec l'UPD. Après l'arrestation d'une dizaine de jeunes sportifs, le président du MSD, Alexis Sinduhije, est allé au parquet pour s'enquérir des motifs d'arrestation et organiser leur défense. Il est parti après à la permanence de son parti MSD pour évaluer l'organisation de la journée.
Quelques minutes après son arrivée vers 14 hrs 40, il a entendu des grenades lacrymogènes à l'intérieur de sa permanence suivies des tirs des balles réelles. Deux jeunes sont entrés à l'intérieur de la permanence en courant et avaient été blessés par des balles réelles de la police. Ils ont été suivis par un grand mouvement de jeunes qui se bousculaient à l'intérieur de la permanence. Surpris par ce mouvement, Alexis Sinduhije a voulu savoir ce qui se passait, il a été surpris de constater que les jeunes en colère avaient arrêté deux policiers qui tiraient tout étant déjà à l'intérieur du bâtiment de la permanence. Ils avaient été désarmés par des jeunes et ces jeunes avaient commencé à les frapper.
La colère de ces jeunes venait du fait que la police faisait l'assaut à balles réelles sur la permanence du MSD, sans sommation et sans aucun papier. C'est quand les autres policiers, qui étaient déjà à l'intérieur de la clôture, ont vu que les premiers entrés dans la permanence ont été désarmés qu'ils ont fait un repli.
La lourde tâche d'Alexis Sinduhije de calmer les jeunes
Au lieu de lancer un mandat d'arrêt contre Alexis Sinduhije, le pouvoir devait le féliciter d'avoir maîtriser les jeunes. Le pire a été évité. En effet, les jeunes étaient décidés à tabasser à mort les policiers. Sinduhije s'est interposé à tel point qu'il a attrapé des coups des jeunes destinés aux policiers. Il a même trouvé un professionnel de la santé pour soigner les policiers blessés et leur a donné à manger. Depuis, il les a maintenus à l'écart pour qu'ils ne soient pas inquiétés.
Après avoir empêché le lynchage des policiers, la deuxième lourde tâche était d'empêcher les jeunes de prendre les armes des policiers pour riposter aux policiers. Les jeunes réclamaient ces armes pour se défendre. Il fallait les dissuader car physiquement, il ne pouvait pas les empêcher de prendre ces armes. C'est pour cela qu'il a trouvé le compromis de faire accepter aux jeunes de remettre les armes de la police en faisant comprendre que la police allait libérer les jeunes arrêtés. Mbonimpa d'Aprodh avait reçu les armes et les deux radios. Il est revenu avec les deux radios sans les remettre à la police. Ce qui fait que les radios n'ont pas été rendues.
Cependant, Alexis Sinduhije n'avait pas la capacité de protéger les deux policiers s'ils sortaient pour rejoindre les autres policiers. S'il les laissait partir, les jeunes qui se trouvaient devant la permanence, ayant subi les tirs des policiers, pouvaient les lyncher. Il a appelé un commandant de la police surnommé Rutuku pour lui faire comprendre son dilemme et le suppliant de libérer les jeunes pour calmer la situation permettant les jeunes de laisser sortir tranquillement les deux policiers. Rutuku a dit à Sinduhije ceci : Laisse les jeunes tuer les deux policiers. Ce qui a accentué les doutes de Sinduhije. Si les deux policiers sont tués à l'intérieur de la permanence, il en sera responsable. Le moindre mal était de les garder tout en tentant de les remettre en toute sécurité.
L'assaut
En tentant à tout prix la libération des deux policiers, Alexis Sinduhije a accepté de sortir les remettre lui-même au procureur de la mairie de Bujumbura. Il n'avait pas compris qu'il allait tomber dans un piège. C'est en sortant que l'assaut de la police a été donné avec des tirs à balles réelles. Ce sont les jeunes qui l'ont poussé à l'intérieur de la permanence pour échapper aux tirs. Il va de soi que les policiers étaient sacrifiés pour les mettre sur le dos d'Alexis Sinduhije alors qu'il devrait mourir sous les balles des autres policiers.
Les jeunes ont pu franchir la clôture et Sinduhije est parti parmi les derniers, au moment où les policiers entraient en tirant dans la permanence. Ils ont tiré dans les plafonds et partout dans la permanence car ils n'avaient pas l'ordre de l'arrêter mais de le tuer.
Qui a donné l'ordre de tuer Alexis Sinduhije?
L'ordre de tuer Alexis Sinduhije a été pris bien avant la "prise d'otage" des policiers. Une réunion qui comprenait sept personnes dont le Président Nkurunziza, Adolphe Nshimirimana et d'autres aurait décidé d'éliminer physiquement Alexis Sinduhije. Un haut responsable du pays avait dit ceci : "Ndamugomba umuvyimba". Je le veux mort. Les deux policiers entrés dans la permanence en tirant avait la mission de tuer Sinduhije. Le deuxième assaut devait le tuer aussi. Il va de soi que les policiers présents ne pouvaient pas prendre l'initiative d'entrer dans une permanence en tirant à balles réelles. L'ordre de tuer aurait été donné par Adolphe Nshimirimana au directeur adjoint de la police qui était sur place.
La nuit du même jour, un blessé grave par balle n'a pas été évacué par la croix rouge qui s'était présentée. La police l'a refoulée malgré plusieurs interventions. Les informations recueillies dans les milieux proches du pouvoir confirment les raisons de ce refus d'évacuer un blessé grave, contraire aux traités internationaux. La police croyait que le blessé grave était Alexis Sinduhije. Le pouvoir attendait qu'il meurt de ses blessures.
Qui a violé la loi?
Organiser un sport de masse n'est pas interdit par la loi. Manifester pacifiquement est garanti par la constitution. Le MSD n'a violé aucune loi. Les policiers sont entrés en violant la loi. Personne ne les a pris de l'extérieur pour les séquestrer. Le temps qu'ils ont passé dans la permanence du MSD leur a évité le lynchage.
Par ailleurs, la police viole la loi et se met hors la loi quand elle entre dans une propriété privée sans être invitée et sans aucun mandant. Elle se met hors la loi et agit comme un criminel quand elle tire à balles réelles sur une maison ou même des manifestants non armés.
Le MSD a bien réagi en portant plainte contre certains cadres de la police.
En ouvrant le feu sur son peuple, le Président Nkurunziza a franchi un cap. Toute la communauté internationale est unanime pour le condamner.
L'exemple du capitaine Dadis Camara, ancien président de la Guinée
Le 29 septembre 2009, l'armée tire à balles réelles sur les manifestants au stade de Conakry. La communauté internationale condamne fermement. Dadis Camara affirme qu'il n'a peur de rien. Le 21 décembre 2009, d'autres massacres contre les manifestants. Dadis Camara n'était plus Président le 15 janvier 2010 sans le vouloir. Déjà lâché par la communauté internationale, ce sont les siens qui lui ont asséné un dernier coup.
Est-ce que Nkurunziza suivra le sort de Dadis Camara? Tous les ingrédients sont réunis. Les massacres qui commencent, la trahison des siens, l'isolement, les critiques de la communauté internationale, la volonté de vouloir continuer à diriger un pays en violant la constitution. Voilà les ingrédients de Camara que le cuisinier Nkurunziza a déjà réunis. Bonne sauce!