Burundi News, le 12 janvier 2009

LA PAIX EST POSSIBLE AU CONGO

 Par Nestor Bidadanure

Paru dans le journal Afrique asie

La guerre en République Démocratique du Congo a des origines identifiables. Cependant, la confusion souvent entretenue entre les causes et les effets de cette crise brouille les pistes de sa compréhension. Mais fort heureusement, les logiques de guerre n’ont pas le monopole de l’initiative politique.  Des signes de paix existent au Congo. 

 

Une guerre qui aurait pu être évitée

 

La proclamation du cessez-le-feu entre les forces armées congolaises, Fardec, et les rebelles du Congrès National pour la Défense du Peuple, Cndp, a réduit l’intensité des combats entre les belligérants sans pour autant réussir à faire taire totalement les armes. En effet, comme il fallait s’y attendre, les affrontements opposant les rebelles du Cndp aux Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (Fdlr) ainsi qu’aux miliciens Maï Maï, alliés aux forces gouvernementales, se sont poursuivis dans plusieurs localités de la province du Kivu. Le cessez-le-feu et le début des négociations de Nairobi ont donc permis de remettre sur la table, pour la énième fois, le fameux dossier de la présence des forces extrémistes rwandaises en RDC. L’exportation en terre congolaise par les extrémistes Hutu, dont une partie est aujourd’hui regroupée au sein des Fdlr, des massacres contre les Tutsis congolais, a obligé des milliers d’entre eux à s’exiler dans les pays voisins. La débâcle en 1994  des forces responsables du génocide au Rwanda, les avait poussés à s’exiler dans le Kivu, province frontalière avec le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda. L’arrivée massive des forces extrémistes dans l’Est de la RDC fut le point de départ de la détérioration des relations entre le Zaïre de Mobutu et ses voisins. La complicité de l’ancien chef de l’état zaïrois avec les responsables du génocide rwandais, fut l’élément déclencheur de la première guerre du Congo qui chassa ce dernier du pouvoir en 1996. Le conflit de 1998 qui opposa les armées de plusieurs pays africains en territoire congolais, avait également pour toile de fond la présence des forces génocidaires rwandaises en RDC même si, cette fois-ci, les revendications sécuritaires et les intérêts économiques des Etats en guerre étaient imbriqués. Durant cette guerre, Laurent Désiré Kabila fut accusé par une partie de ses anciens compagnons de lutte (du Rassemblement Congolais pour la Démocratie), de continuer, comme Mobutu, à soutenir les forces extrémistes dans la Région des Grands Lacs. Le retrait des troupes rwandaises du Congo, suite à la signature de l’accord de paix à Prétoria en 2002, était accompagné de la promesse que le pouvoir congolais interdirait les activités des Fdrl sur son territoire, en expulserait les dirigeants et s’efforcerait de regrouper les forces extrémistes en vue de leur rapatriement au Rwanda. La rencontre de Rome du 30 mars 2003 entre une délégation des Fdlr et l’association St-Egidéo, au cours de laquelle les Fdrl ont officiellement déclarées prendre la distances avec le génocide de 94, a été jugée par Kigali comme une mascarade visant à donner une légitimité à un mouvement qui n’a changé ni d’idéologie ni de méthode sur le terrain. Plus précis encore furent les accords de Nairobi de novembre 2007 qui, tout en reprenant l’esprit des déclarations de l’Union Africaine du 10 Janvier 2005 et ceux d’Abuja du 20 et 31 janvier 2005, allaient plus loin en affirmant la nécessité d’user de la force après le 15 mars 2008 si les Fdlr n’avaient pas désarmé de leur gré. Tout le monde savait donc que les accords de paix qui ont permis la constitution d’un gouvernement de transition et les élections démocratiques de 2006 en RDC étaient suspendus au sort que les autorités congolaises élues ainsi que la communauté internationale réserveraient aux Fdlr et autres miliciens rwandais présents sur le sol congolais. C’est ce manquement à la parole donnée qui est à la base de la persistante insécurité dans le Kivu et qui est l’argument insurrectionnel de Laurent Nkunda leader du Cndp.

 

L’identitaire contre la nation

 

Lors de son réquisitoire historique contre la colonisation Belge, Lumumba lança à ses compatriotes une mise en garde, hélas prémonitoire, contre le tribalisme qui  « épuise le peuple et le discrédite vis-à-vis de l’étranger ». Patriote et panafricaniste, le héros de l’indépendance congolaise rêvait d’un pays inclusif où mêmes les anciens colons qui le souhaitaient, pourraient vivre en harmonie avec ses habitants. L’assassinat de Lumumba et l’ascension de Mobutu au pouvoir, ont renvoyé le projet d’un Congo libre, démocratique et sans exclusion à un futur incertain. Durant plus de trente ans de règne, Mobutu transformera son pays, aux atouts économiques immenses, en chantre de la corruption mais aussi en centre de la conspiration contre la lutte de libération nationale en Afrique. S’il faut mettre à la décharge de Mobutu la préservation de l’unité territoriale de son pays, on ne peut cependant oublier que pendant des décennies le Zaïre fut dirigé à coup de corruption, de répression et de marginalisation de certaines ethnies accusées d’être par essence rebelles. Pourtant, si le renversement de Mobutu en 1996 a suscité beaucoup d’espoir bien au delà du Congo, aujourd’hui force est de constater que les sacrifices consentis pour faire partir le maréchal n’ont donné que de maigres résultats. La situation humanitaire déplorable des populations déplacées ainsi que les crimes de guerre commis par les belligérants dans le conflit actuel à l’Est de la RDC, nous rappellent que le poison du tribalisme que dénonçait Lumumba est plus que jamais actif. De même, l’instrumentalisation politique de l’ethnicité ainsi que la connivence entre les forces ayant commis le génocide au Rwanda et le pouvoir congolais sont moralement et politiquement insoutenables. Les désaccords politiques entre les dirigeants ne peuvent justifier l’alliance avec le fascisme ethnique. Le cynisme en politique sape la confiance qui est le socle sur lequel s’élève la paix. Le combat contre le populisme identitaire est un des grands défis de l’Afrique postcoloniale, il constitue une menace pour la nation car son idéologie se nourrit de l’exclusion et peut aller jusqu’à revendiquer l’extermination ethnique, régionale ou religieuse comme projet politique.

 

Signes de paix 

 

Les pourparlers, supervisés par le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU Olusegun Obassanjo, ont débuté le 8 décembre à Nairobi . Ce dialogue répond aux vœux déjà exprimés par les parlementaires congolais qui, depuis des mois, avaient recommandé au gouvernement d’entreprendre des discussions directes avec le Cndp du général Nkunda. Parallèlement à ces initiatives diplomatiques, la rencontre entre les officiers rwandais et congolais a abouti à un accord de principe pour combattre ensemble les Fdrl et autres miliciens responsables du génocide de 94. Jusqu’à maintenant, les rebelles qui n’ont pas participé au génocide de 94 et qui décident de rentrer dans leur pays sont bien accueillis par les autorités qui les intègrent dans l’armée ou les démobilisent. Si cette accélération soudaine de l’histoire ne manquera pas de buter sur les difficultés pratiques, elle illustre une volonté nouvelle des leaders de la région de se réapproprier la résolution de leurs propres conflits. Auraient-ils compris que l’aide extérieure est rarement désintéressée et qu’elle est limitée dans le temps ? Que l’instauration des fondements d’une  paix durable dans les Grands Lacs viendra tôt ou tard des peuples et des leaders de cette région ? Il est sans doute trop tôt pour répondre avec certitude à de pareilles questions. Toujours est-il que les congolais refusent de plus en plus d’être la caisse de résonance des idéologies meurtrières inventées pour les diviser. Pour cause, il n’y a pas d’antagonisme naturel entre les peuples et la misère ne fait pas de tri entre les soi-disants nilotiques et bantu. De plus, l’identité congolaise n’est pas que la simple addition de ses centaines d’ethnies. Elle est aussi le produit de très nombreux mélanges de peuples ainsi que d’une mémoire commune faite de luttes pour la liberté, certes, tant de fois trahie, mais jamais vaincue. Quant au passé douloureux, nul n’est condamné à en être prisonnier et encore moins à le léguer aux générations futures. C’est pourquoi la paix est possible au Congo.