Les trois passions de Pierre Nkurunziza
Burundi news, le 30/11/2015
Par Zénon Nicayenzi
1- Inconnu en 2005, au début de son premier mandat, nous commençons à connaître Pierre Nkurunziza, le Président atypique qui boucle son deuxième mandat le 26 août 2015. Contre tout et tous, il s’est fait élire pour son troisième mandat. Pourquoi ? Pourquoi faire ? Essayons de percer le mystère car il s’agit d’un mystère.
Pour Pierre Nkurunziza tout est jeu.
2- Qu’il préside le Conseil du Gouvernement ou organise une croisade de prière pendant une semaine ; qu’il joue au football ou enfourche son vélo ; qu’il fabrique des briques pour construire une école ou un centre de santé ; qu’il plante des avocatiers ou des ananas, tout est jeu.
3- Mais Pierre Nkurunziza ne joue pas à n’importe quel prix. Il joue à trois conditions :
· La première : Il fixe lui-même la règle du jeu.
· La deuxième : il accepte le jeu quand il est joueur et en même temps arbitre.
· La troisième : il s’engage seulement quand l’issue est connue et sûre parce qu’il sait qu’il est peu performant et fragile.
4- Pierre Nkurunziza divise ses activités en deux catégories : celles qui sont utiles et celles qui sont intéressantes.
Dans la première catégorie, il range les activités sportives proprement dites comme le football, le vélo et la marche auxquelles il consacre la majeure partie du temps. S’il dort, c’est pour se reposer avant de reprendre ses activités préférées. S’il mange, c’est pour mieux repartir. S’il passe de Ngozi à Makamba, c’est pour changer d’air et voir du pays. Notre Nkurunziza parcourt le pays d’Est en Ouest et du Nord au Sud, sans répit. En la matière il bat ses propres records.
5- Les activités de la deuxième catégorie servent de couverture ou d’alibi lui permettant de se camoufler et de faire semblant. Ainsi lorsque Pierre Nkurunziza assiste le matin au culte catholique, à midi au culte pentecôtiste et le soir au culte musulman, il ne s’y rend pas pour prier mais pour se distraire, danser et chanter. En réalité il s’y rend pour continuer à jouer autrement avec un bénéfice immédiat : il continue à occuper le terrain électoral pendant que tous ses concurrents potentiels cherchent leur pain quotidien ailleurs.
Les catholiques retiennent qu’il est catholique, les pentecôtistes qu’il est pentecôtiste, les musulmans qu’il est musulman. Comptez : ± 95 % de l’électorat.
6- Quant aux activités qui relèvent de ses responsabilités de Chef Suprême de l’Exécutif, il s’en acquitte pour se reposer de ses activités sportives. Diriger un Conseil du Gouvernement c’est une simple transition vers une
autre activité sportive. Pour lui gouverner le Burundi, c’est jouer autrement.
7- Toute activité qui relève de la gestion de la chose publique dont il ne maîtrise pas les tenants et les aboutissants, il évite de l’entreprendre. Ainsi il ne se précipite pas pour occuper le poste de Président en exercice de la Communauté Est-Africaine parce que ses pairs pourraient lui demander des comptes. Tandis qu’il dirige le Burundi depuis dix ans en jouant et en faisant semblant, il pourrait difficilement diriger la Communauté en s’amusant et rien qu’en s’amusant, toujours en faisant semblant ou par parrain interposé. Une telle activité n’est pas rentable pour Pierre Nkurunziza. Alors, il laisse tomber !
8- Au départ, Pierre Nkurunziza est professeur de sports et H. Radjabu l’a recruté pour animer ses troupes dans le maquis. De fil en aiguille, son mentor l’a poussé jusqu'à la tête du Parti CNDD-FDD après avoir éliminé successivement Leonard Nyangoma et Jean Bosco Ndayikengurukiye. Lorsque le CNDD-FDD sort vainqueur aux élections de 2005, le même H. Radjabu prend la main à Pierre Nkurunziza pour l’installer à la Présidence de la République le 26 Août de la même année.
L’obligé de Radjabu restant fidèle à lui-même et à son métier d’origine, transforme tout le Burundi en terrain de sport faisant fi de toutes les autres priorités. Du sport et rien que du sport. Malheureusement pour le peuple burundais, les haricots ne poussent pas sur le terrain de sport.
Alors que faire ? Une solution. Que le peuple burundais élise un autre Président Chargé des Affaires Sérieuses et Président Pierre Nkurunziza serait chargé des Affaires Sportives. Réfléchissons.
Pierre Nkurunziza cherche l’argent et tout
l’argent
9- Si l’Opposition, la Société Civile et le CNDD-FDD frondeur proposent à Pierre Nkurunziza la transaction suivante :
« Vous gardez tout l’argent que vous avez détourné et nous vous garantissons l’impunité pour tous les péchés commis en contrepartie vous quittez le pouvoir le 26 Août 2015.»
Il est probable que Pierre Nkurunziza accepterait le compromis. Il n’aime pas le pouvoir mais l’argent du pouvoir et le pouvoir de l’argent. Ce sont ses proches qui exercent le pouvoir par procuration tacite en contrepartie de quoi ils le laissent jouer à son aise pendant que eux gouvernent effectivement le pays. Au passage, ils se servent copieusement dans la caisse de l’Etat, chacun à qui mieux mieux : « La chèvre broute où elle est attachée ». Tout en veillant à ce que la poche du patron fictif déborde jusqu'à ras le bol.
10- Si Gabriel Rufyiri, Président de l’Olucome regimbe, le Président lui rétorque :
-« J’ai une double garantie ! D’abord je suis l’élu du Très Haut. Ensuite le peuple a avalisé ce choix deux fois en 2005 et 2010. Il se prépare à me reconduire en 2015, 2020, 2025… . Quant à l’argent du peuple, je suis le gestionnaire attitré et exclusif. J’en dispose selon la volonté de celui qui m’a confié les destines de ce peuple et n’ai de comptes à rendre qu’à celui-là seul. Et puis silence, on se sert. On ne vole pas, Monsieur Rufyiri ! »
11- Pierre Nkurunziza entend garder le pouvoir non pour servir le peuple mais pour se servir du peuple. Le pouvoir n’est pas le but mais le moyen par excellence pour s’enrichir. Plus longtemps il garde le pouvoir, plus il gagne sans effort, plus il augmente le nombre de clients. La gangrène de la corruption se répand à travers tous les organes dirigeants du haut en bas et de bas en haut : « Umwera uva ibukuru ugakwira hose », (l’exemple vient d’en haut et se répand partout).
12- Le sens de l’Etat et du bien commun s’émousse et disparaît derrière l’intérêt privé. Ainsi les jeunes générations apprennent à tricher à l’école, au travail, à gagner sans peine et sans contrepartie. S’enrichir personnellement au détriment de l’Etat, de la Commune, de l’Entreprise devient une règle de conduite normale. Utiliser abusivement les biens de la communauté pour satisfaire l’intérêt privé ne gène plus personne, surtout en haut lieu.
13- Aujourd’hui, le Président Pierre Nkurunziza contrôle des pans entiers de l’économie nationale à travers un réseau dense de ses hommes de main : les Entreprises publiques privatisées à vil prix, le site de l’ancien Marché Central de Bujumbura brûlé sur ordre venu d’en haut, le Port de Bujumbura, l’ancien Stade FFB etc. Les Services des Impôts et Taxes, la Banque Centrale, les entreprises semi-publiques, les entreprises publiques entrent dans le réseau mafieux dirigé par les fidèles du Parti du Président qui n’oublient pas « le Mutama » (Le Vieux).
Pierre Nkurunziza et ses principaux lieutenants rivalisent d’ardeur pour dépouiller le Pays de ses ressources minières au profit de trafiquants sans foi ni loi. Le Burundi est à vendre pour qui paie le matabish le plus intéressant : le pétrole du Lac Tanganika, le nickel de Musongati, l’or et d’autres minerais. Cet homme serait aujourd’hui deux à trois fois plus riche que le Burundi en concurrence avec les généraux de pacotille qui l’entourent.
14- Il apparaît clairement que corruption rime avec pauvreté dans la mesure où le Trésor Public est accaparé par une poignée de cupides insatiables qui n’investissent pas dans le pays mais transfèrent tout le fruit de leur larcin dans les paradis fiscaux. Le peuple paie l’impôt et la taxe, le Président en dispose à sa guise sans aucun contrôle. La cour Anti-corruption ne peut inquiéter les principaux caïds bien abrités derrière une muraille d’impunité. Le Burundi n’est pas dépourvu de ressources mais il manque cruellement d’hommes et de femmes décidés à le servir au lieu de s’en servir pour l’asservir.
Pierre Nkurunziza adore paraître au lieu d’être
15- Depuis dix ans, Pierre Nkurunziza avance masqué et camouflé. Comme le caméléon, cet homme prend la couleur locale. Dans un milieu vert il devient vert, si l’environnement change, il change aussi en tournant la veste du bon côté comme dirait le chanteur.
Suivons-le !
Un jour, environ quarante personnes sont froidement massacrées dans un bar de Gatumba, Commune Mutimbuzi, Province Bujumbura. Le Président Pierre Nkurunziza se précipite en compagnie de beaucoup de hauts dignitaires du régime et des Représentants de la Communauté Internationale. Sur le lieu du drame, le Président revêt une mine de quelqu’un qui est étranglé de douleur alors que c’est son Service National du Renseignement qui a commis le crime. Comme toujours, il promet le châtiment des bourreaux et l’assistance aux veuves et aux orphelins. A ce jour, rien de toutes ces belles promesses ne s’est jamais matérialisé. Camouflage et masque.
16- Un jour, le Président Pierre Nkurunziza décide de planter des centaines de milliers d’avocatiers à travers tout le Pays en commençant par les provinces du Nord. Le projet va coûter plusieurs milliards de francs ; mais le Président n’est pas Ministre de l’Agriculture et de l’Elevage pour s’occuper de ce projet. Pourquoi alors le fait- il? Parce que le crédit affecté à ce projet est important et géré à la discrétion du patron. D’une pierre deux coups : d’une part il augmente sa fortune personnelle et de l’autre c’est un alibi pour garder le contact avec son électorat.
17- Pierre Nkurunziza voudrait passer pour l’homme qui sauva le Burundi de la médiocrité et de la pauvreté. Pendant ce temps, il organise le pillage systématique du Pays et la mise à mort de l’Etat–Nation. Il poursuit une chose et son contraire, en même temps. Quel sauveur !!!
Conclusions
18- Pierre Nkurunziza voudrait triompher sans péril, s’enrichir sans cause, organiser impunément la ruine du Burundi, tromper tout le temps le peuple burundais et l’Eternel tout ceci pour continuer à vivre constamment une vie qui n’est pas la sienne.
19-Psychanalystes, psychiatres, psychologues, sorciers vous risquez d’être accusés de manquer à votre devoir de porter secours à Président et Peuple en danger.
Zénon Nicayenzi