LES PIEGES DE LA DEMOBILISATION

Par Gratien Rukindikiza

 Burundi news, le 30/03/2008

Un des problèmes majeurs pour le moment au Burundi est la démobilisation à côté de l'insécurité, de l'instabilité des institutions et de la mauvaise gouvernance. La démobilisation à l'armée et à la police est un sujet sensible. Ceux qui veulent ethniser ou politiser le débat ou la façon de faire ne pourront que récolter la tempête. Personne ne peut prévoir les conséquences d'une démobilisation injuste et tronquée. Les accords d'Arusha servent de base à la constitution burundaise. Personne ne pourrait les mettre en cause pour le moment. Il ne reste qu'à les appliquer qu'on soit signataire ou pas.

La démobilisation est comme une bombe à retardement qui contient des pièges. Nous tenterons de les analyser.

Le piège politico-ethnique de la démobilisation

A l'armée, la démobilisation est une équation simple et compliquée. Elle est simple car on serait amené de dire que les 50 % des hutu viendront des PMPA, anciens rebelles et les 50 % viendraient des anciens FAB. Il est connu qu'il y a très peu de tutsi dans les PMPA ou anciens rebelles. Or, dans l'armée, il y a beaucoup de hutu, anciens FAB. L'équation devient compliquée dans le sens où il faut démobiliser tous les hutu, anciens FAB et certains tutsi pour ne garder que des tutsi anciens FAB à 50 % des FDN. L'autre complexité est que les hutu des FAB ont toujours nié être des hutu. Quand le Frodebu est arrivé au pouvoir, certains ont exposé au grand public qu'ils étaient hutu. Au moment où on parle de démobilisation des hutu anciens FAB, ceux qui s'étaient déclarés hutu sont redevenus tutsi comme certains tutsi de l'armée étaient redevenus hutu du temps du Frodebu.

Le pouvoir actuel du CNDD-FDD, dans sa volonté de contrôler l'armée avant les élections, a manipulé certains militaires pour fausser les résultats des enquêtes. Ce pouvoir a voulu précipiter la démobilisation avec les lettres du directeur de cabinet civil du Président de la République. La colère gronde chez les militaires anciens FAB en raison de cette question de démobilisation qu'ils estiment ethnisée au lieu de laisser les techniciens conduire cette démobilisation professionnellement.

El le Palipehutu-FNL?

Aucune démobilisation en respect des accords d'Arusha est impensable en dehors de l'intégration des combattants du Palipehutu FNL. Il faudra démobiliser de nouveau car les hutu du FNL devront être dans les 50 % de l'armée. Certaines informations disent que le FNL a recruté ces derniers jours des tutsi. Ces derniers auront leurs places dans les 50% des tutsi. Rien ne sert de courir. Pour plus d'efficacité, il faudra attendre le FNL pour démobiliser d'autant plus que sa volonté d'intégrer le processus  se manifeste.

Où trouver les 50% de tutsi dans la police?

A la police, la question se pose autrement. Le CNDD-FDD a privilégié l'armée et a mis ses derniers combattants, y compris ceux qui n'ont pas vu la brousse, dans la police. Il n'est pas rare de trouver un officier qui ne sait pas lire le français. Certains sous officiers ne savent même pas lire. De même, l'armée mettait dans la gendarmerie les militaires proches de la retraite. Ainsi, aujourd'hui, plusieurs milliers de policiers, anciens FAB, ne pourront pas servir dans la police plus de deux ou trois ans. Pour respecter les accords d'Arusha, il faudra  trouver environs 7 500 tutsi dans la police. Or, compte tenu de l'âge de retraite de plusieurs policiers, la police devra recruter des tutsi pour avoir les 50% de tutsi. Parallèlement; il faudra démobiliser des hutu des PMPA alors que les tutsi sont entrain d'être recrutés. Politiquement, il est difficile de le justifier mais les accords d'Arusha s'appliquer au pays. La grogne de l'armée se déplacera en ce moment à la police, cette fois-ci chez les hutu.

Cette question de démobilisation est un tabou à la police. Pour démobiliser ou l'envisager, il faut organiser. Or, la police burundaise ressemble à des bandes désorganisées. Leurs chefs méritent une médaille de la désorganisation. Le directeur général de la police dont sa nomination doit être approuvée par le Sénat a pu éviter cette épreuve. En ce cas, il est illégalement le chef de la police. D'un moment à l'autre, la question pourra resurgir au Sénat. Quant à la démobilisation, le directeur de cabinet civil du Président a oublié d'écrire à la police pour qu'elle démobilise en deux jours. Un oubli contrôlé!

Et si les politiciens abandonnaient l'idée de contrôler l'armée et le police pour s'occuper des affaires des citoyens?