Article écrit par Jean Pierre Claver Nduwumwami

 Burundi news, le 28/11/2008

« PALIPEHUTU », un nom anticonstitutionnel ?

S’interrogeait notre compatriote Dieudonné Habarugira.

Je me pose aussi la même question.

 

Il y a quelques jours, je suis tombé sur l’article ci haut émargé écrit par cet ancien diplomate, un compatriote que je connais très bien pour son intégrité, sauf avis contraire. Son approche ainsi que certains passages précis de son article m’ont semblé pertinents et surtout en phase avec le contexte politique actuel.

 

·         (…)  REF _Ref215049763 \h Le blocage des négociations sur fond du caractère ethnique du nom « PALIPEHUTU-FNL » (…) ne relève pas du tout d’une préoccupation d’ordre juridique …

 

·          REF _Ref215049830 \h (…) une telle préoccupation n’est qu’un bouclier politique et diplomatique déployé à la veille des élections pour (…) distraire (…).

 

·         (…) au silence des armes, et (…) en découdre avec la guerre, le pouvoir aurait dû déjà offrir au PALIPEHUTU FNL l’entrée dans les institutions    

 

·         (…) REF _Ref215049843 \h Et si le PALIPEHUTU FNL s’appropriait la paternité de la marche vers la paix en concédant le changement de nom ? INDEX \c "2" \z "1043"

 

L’article ci haut évoqué, que j’ai lu sur Burundibwacu.org et repris sur burundi.news.free.fr, a réellement attiré mon attention et m’a poussé à sortir de mon mutisme. Mais je voudrai dores et déjà ouvrir une parenthèse pour  rappeler à tous ceux qui m’ont appelé au téléphone ou écrit en ces termes : « chez-vous au PALIPEHUTU … », que je ne suis et n’ai jamais été membre de ce parti.

 

Actuellement je ne suis ni moins ni plus qu’un simple burundais aspirant à la paix et non partisan d’un quelconque parti politique burundais. La paix, la sécurité, la pauvreté etc. n’ont pas de tendance politique, loin s’en faut.

 Mes écrits, mes interventions sur les radios Isanganiro et RPA, et sur le google group procèdent a fortiori du fait que je suis Burundais et que je ne suis pas de ceux-là qui renient leur identité. C’est à ce seul titre que je suis  donc victime de l’incurie et l’irresponsabilité de certains des gouvernements qui se sont succédés dans ma chère patrie et c’est à ce titre seulement que je me retrouve dans l’engrenage sur ce débat sur les conflits fraternels auxquels il est plus que temps de mettre un terme.

 

Je ne puis donc rester indifférent à la déliquescence de l’Etat en ces moments où la détérioration de la situation sociopolitique et économique est particulièrement interpellant.  !!!!! Ainsi ma conscience patriotique me pousse-t-elle à donner mon point de vue sans rancœur ni véhémence cependant.

 

1.     (…) le blocage des négociations sur fond du caractère ethnique du nom « PALIPEHUTU-FNL » (…) ne relève pas du tout d’une préoccupation d’ordre juridique …

En effet, il est prévu dans la constitution que « Les partis politiques, dans leur organisation et leur fonctionnement, doivent répondre aux principes démocratiques (...). Ils ne peuvent prôner la violence, l’exclusion et la haine sous toutes leurs formes, (…). » (Art. 78)

 

Si c’est de cet article que le gouvernement burundais  prétend tirer la légitimé de refuser la reconnaissance juridique au PALIPEHUTU-FNL, je me joins à mon compatriote qui a pris le courage de dire que les préoccupations gouvernementales doivent, en effet, se trouver ailleurs. L’esprit et la lettre semblent pourtant clairs que la confusion ne peut relever de la mauvaise foi : la constitution dit bien en noir et blanc ce qui suit : leur Organisation et leur Fonctionnement ! Il ne s’agit pas de leur appellation. Et plus loin, il est dit » de prôner la violence, l’exclusion et la haine … » Prôner se définit comme étant « recommander vivement, avec insistance ; vanter. Cela n’est possible que par parole et/ou par action, non pas parce que le nom renferme l’élément HUTU, TUTSI ou TWA. Le gouvernement devrait trouver des explications ailleurs.

 

2.   (…) une telle préoccupation n’est qu’un bouclier politique et diplomatique déployé à la veille des élections pour (..) distraire (…).

Des attitudes pareilles de distraire l’opinion ne datent pas d’hier ! Car en effet, feu monsieur l’Abbé Michel Kayoya, avait aussi fait une telle approche, déjà au début des années 70, dans son œuvre « Entre deux mondes. D’une génération à l’autre, Il a écrit : « J’ai eu l’impression qu’on passait à côté. On fait si peu et l’on est satisfait d’avoir entrepris beaucoup. Des Chicanes inutiles plongent des peuples dans le désordre, et cela au moment où l’homme se glorifie d’être civilisé. Des semblants d’accords remplissent d’orgueil des cœurs de nains »  (p. 25).

 

Le Président de la République devrait tenir compte du titre V de la constitution du Burundi. Il y est en effet prévu que « Le Président de la République, Chef de l’Etat, incarne l’unité nationale, veille au respect de la Constitution (…). Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités et accords internationaux. (Art. 95). Il devrait en tenir compte et cesser de distraire ... Cet article lui accorde la latitude  de prendre des décisions, telles que se conformer aux accords qu’il a lui-même signés. D’abord nationaux, c’est-à-dire signés avec ses compatriotes, surtout quand ils impliquent le retour de la paix, la justice et la sécurité pour son peuple. Les internationaux viennent après, à mon humble avis.

 

Du garant de l’indépendance nationale, Il s’avère malheureusement que lors des prises de décisions pour agréer un parti politique de Barundi –le PH-FNL en l’occurrence-, Son Excellence monsieur Nkurunziza doive toujours recourir à la médiation régionale et internationale ! Comme si la médiation nationale n’existait pas ! Qu’a-t-on fait des Bashingantahe d’antan ? C’est absolument regrettable que le Burundi du 21e siècle, croupisse  encore sous le joug  politique et économique à grande concentration extérieure!

3.   (…) au silence des armes, et (…) en découdre avec la guerre, le pouvoir aurait dû déjà offrir au PALIPEHUTU FNL l’entrée dans les institutions (…)

Bravo à notre cher compatriote pour cette proposition concrète et impartiale. Nos dirigeants devraient s’approprier de tels conseils pour se désembourber, car, le  blocage des négociations en cours n’est profitable à personne.

N’est-ce pas que les articles 95 et 106 de la constitution réservent par ailleurs au Président de la République, l’incarnation de l’unité nationale.  Plus loin, il est aussi dit que lors de son entrée en fonction, le Président de la République jure fidélité aux lois fondamentales qui régissent le pays. Qu’il s’engage « (…) à consacrer toutes mes forces à la défense des intérêts supérieurs de la nation, à assurer l’unité nationale et la cohésion du peuple burundais, la paix et la justice sociales (…) » (Art. 106).

 

Dans ce cadre le président Pierre Nkurunziza a demandé aux leaders du Palipehutu FNL de  rentrer au pays sans crainte, étant donné qu’il leur avait signé depuis long temps, le décret qui leur accordait l’immunité provisoire. Ces leaders ont été rassurés et ils sont rentrés au pays. Ils ont signé ensemble plusieurs accords. Ce mouvement a débuté le cantonnement d’une partie de ses troupes, conformément à la demande du gouvernement.

 

Jusqu’à présent, il s’avère que les leaders du PH-FNL n’ont fait que concéder aux exigences du Président de la République! Au nom de la sauvegarde de la justice sociale? Ne pourrait-il pas leur accorder enfin, l’association à la pratique gouvernementale pour qu’eux aussi puissent avoir la chance de se préparer convenablement, aux élections qui approchent?

4.   Et si le PALIPEHUTU FNL s’appropriait la paternité de la marche vers la paix en concédant le changement de nom ?

La dernière déclaration du parti au pouvoir le CNDD-FDD, qui est faite de 6 points-charnières, dont 5 réfèrent chaque fois aux principes de la « démocratie » au moins une fois, fait table rase des négociations et des signatures que le Président de la République à déjà faites avec monsieur Agathon Rwasa, en vue du retour de la paix et de la démocratie au Burundi.  Bien que veilles de deux ans déjà !  

 

La déclaration est aussi introduite par « L’inquiétude et le désespoir envahissent l’esprit des politiciens dont les cœurs battent précipitamment au rythme de l’issu des élections de 2010. Au lieu de concevoir des programmes politiques à présenter à l’issu de ces élections tant attendues, ils les précipitent, les pronostiquent et prêtent des intentions au parti CNDD-FDD juste par peur des assises populaires de ce dernier ». D’aucuns concluent que seuls les politiciens des partis politiques déjà reconnus sont visés. Car, un parti politique ne peut être demandé de concevoir des programmes politiques à présenter à l’issu des élections que lorsqu’il est agréé. Quid alors des partis en attente d’agrément !!!

 

Ce n’est qu’un secret de polichinelle : la majorité de population comprend très bien la position de la direction du PALIPEHUTU-FNL.  Elle serait très déçue si le PH-FNL ne parvenait pas à se faire agréer rapidement, afin de mieux préparer les élections de 2010. En effet, aux yeux de la même population, si le régime NKURUNZIZA a opté pour un bras de fer irresponsable, le PALIPEHUTU-FNL doit se surpasser et montrer au CNDD-FDD que le sort de la population prime sur toute autre considération. Dans ce contexte, le changement du nom ne doit donc pas être considéré comme un acte d’irresponsabilité. Ce serait un acte qui hisse les leaders du PH-FNL à l’appropriation de « la paternité de la marche vers la paix, en concédant le changement de nom » -Somme toute, c’est la marche vers la paix pour tous les Barundi, qui les a fait rentrer au pays.  Cela se ferait sur fond de garanties du Président de la République, selon lesquelles d’une part, les étapes acquises restent inchangées : le changement de nom ne les mène pas à la case départ. D’autre part, qu’aucun autre groupement de gens fût-il soutenu par le Pouvoir, ne récupère ce nom pour contourner l’originel PH-FNL qui s’appellerait autrement.

 

Je peux assumer sans risque de me tromper que si le président NKURUNZIZA avait accepté de faire des concessions au PF-NL, comme NDAYIZEYE l'avait fait pour le CNNDD-FDD, cela aurait pu remonter sa popularité envers une population qui doit se demander aujourd'hui pourquoi elle l'a installé au pouvoir en 2005. Mais pour que NKURUNZIZA fasse un tel geste positif, il aurait fallu qu'il ait des conseillers à la hauteur.  Puissent-ils se rappeler de cette sagesse de Boileau qui écrivait que « Tel vous semble applaudir qui vous raille et vous joue ! Aimez qu’on vous conseille, mais non pas qu’on vous loue ». Il n’est cependant pas tard ! rien n’empêche au président de Pierre Nkurunziza de prendre maintenant une initiative qui sauverait son peuple.

 

Et qu’adviendrait-il si les deux parties campent mordicus chacun sur ses positions jusqu’à la veille des élections de 2010 ? Quel serait le sort du peuple burundais ? Comme le disait feu Bob Marley, « Time will tell». Mais en attendant je ne peux m’empêcher de dire que le moment était idéal pour bâtir la paix, réconcilier le peuple burundais avant qu’il ne soit trop tard ! Avant que la crise économique mondiale qui frappe déjà à nos portes n’ajoute le drame au drame.

 

JPC. N.