PLAIDOYER POUR DES ELECTIONS LIBRES, TRANSPARENTES ET

DEMOCRATIQUES DE 2015.

Burundi news, le 01/04/2014

Par François BARARONDERA

Belgique, 30 mars 2014.

1. INTRODUCTION

Depuis l’accession au pouvoir du parti CNDD-FDD, le Burundi ne cesse de sombrer dans un marasme économique et socio politique. Les Burundais assistent médusés à la mauvaise gouvernance démocratique, économique et sociale caractérisée par

· une intolérance politique; aux violations massives des libertés politiques, publiques et des droits de l’homme ;

· l’insécurité orchestrée par les IMBONERAKURE, milice du parti CNDD-FDD couvert par les services de la police et de la documentation;

· le comportement indigne de la police qui roule pour le parti au pouvoir;

· la volonté manifeste de modifier la constitution et le code électoral en violation flagrante de l 'Accord d'Arusha pour la Paix et la Réconciliation

· le forcing et la détermination du Président Pierre Nkurunziza de rempiler pour un troisième mandat en violation flagrante de la constitution en vigueur ;

· Les « pratiques néo-patrimoniales » ;

· la « politisation clientéliste du recrutement dans le secteur public »;

· la corruption généralisée devenue un mode de gouvernement .

A treize mois des élections de 2015, un climat politique délétère s’installe au Burundi et les manœuvres du pouvoir de réduire au silence toutes les forces vives de la nation burundaise n’augurent rien de bon, car le risque que les élections de 2015 ne soient pas libres, transparentes et démocratiques ne cesse de s’accentuer.

Les préalables pour la tenue d'élections crédibles sont loin d'être réunis et des signes avant-coureurs d'une crise électorale majeure sont déjà visibles:

* une volonté manifeste d'imposer ne constitution taillée sur mesure (heureusement rejetée de justesse par le parlement le 21 mars 2014);

* une mise en place d'une commission électorale contestable ; une accélération du système de division des partis politiques dit « Nyakurisation » ;

* manipulation et infantilisation des électeurs du monde rural ; la promulgation par le Président Nkurunziza d’une loi liberticide sur la presse, qui prévoit la restriction de la protection des sources, de fortes amendes pour des journalistes qui ne la respecteraient pas ;

* une loi également très contestée sur les réunions publiques et les manifestations sur la voie publique ; la demande du gouvernement du Burundi du départ prématuré du BNUB ;

* l’emprisonnement des candidats potentiels de l’opposition à l’élection présidentielle; les menaces de fermeture des radios privées comme la Radio Publique Africaine;

* la création et l’entretien d’une milice paramilitaire par le parti au pouvoir; une justice contrôlée, manipulée et instrumentalisée par le pouvoir exécutif, une cours constitutionnelle dont les membres sont récemment nommés dans le but de servir les intérêts du Président Nkurunziza, etc.

Qui peut nier les manœuvres du pouvoir qui consistent à créer une situation qui obligerait à l’opposition de ne pas présenter un candidat aux élections présidentielles et s’il le faut de tricher avec l’appui de la milice imbonerakure créée et entretenue par le pouvoir CNDDFDD? Ces manœuvres consistent justement :

· à la création d’une milice : la milice Imbonerakure est une jeunesse paramilitaire intégrée au sein du parti au pouvoir, elle opère sur l’ensemble du territoire national avec des chefs connus. Et la complicité dont elle bénéficie de la part de toutes les structures de l’administration à tous ses niveaux hiérarchiques ne laisse guère de doute qu’elle opère sous la bénédiction et sur instruction du pouvoir CNDD-FDD.

Aujourd’hui, les miliciens imbonerakure commettent toute sorte de crimes et terrorisent la population. Ils emprisonnent des gens, lèvent des taxes, érigent des barrières, rançonnent la population et se substituent à l’administration et à la police lorsqu’ils ne leur donnent pas des ordres. Elle s’attaque même aux militaires des Forces Armées Burundaises. Cela est particulièrement scandaleux par exemple quand on observe l’insécurité dans laquelle se trouvent les déplacés intérieurs rescapés de la crise burundaise d’octobre 1993. Alors que c’est aux autorités nationales qu’incombent le devoir et la responsabilité de fournir une protection et une aide aux personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays ; et que c’est à elles qu’incombent en premier lieu le devoir et la responsabilité de créer des conditions propices au retour librement consenti, dans la sécurité et la dignité, les déplacés intérieurs du Burundi ne subissent régulièrement que provocations, intimidations et humiliations de la part de l’administration CNDD-FDD et sa milice paramilitaire Imbonerakure.

· Au verrouillage des espaces d’expression : actuellement, seuls le parti au pouvoir et ses partis satellites jouissent de ces libertés. L’administration, les services de la police et la milice IMBONERAKURE constituent de véritables fossoyeurs de ces libertés. Au mépris de la loi, ils refusent systématiquement les réunions et manifestations organisées par les autres partis.

· A la nyakurisation des partis politiques d’opposition : le gouvernement a en outre inauguré et exécuté une politique de dédoublement (localement baptisée « nyakurisation ») de toutes les organisations susceptibles de faire entendre leur voix, non seulement les partis politiques et mais également les organisations de la société civile qui ne pactisent pas avec le CNDD-FDD. Tel est le cas des partis FRODEBU, FNL, UPD-Zigamibanga et UPRONA, des syndicats, des organisations dejeunesse, des Organisations de la Société civile comme le FORSC, et depuis très récemment des organisations sportives et féminines tel qu’on l’a observé avec la mise en place du soi-disant Forum des Femmes. Le principal architecte de ce processus de désintégration des partis et des Organisations de la Société civile, le Ministre de l’intérieur, agrée et désagrée les branches des partis qu’il veut, désigne les responsables des partis, envoie la police mâter ceux qui lui déplaisent et n’invite dans les réunions officielles que ceux qui savent et acceptent de courber l’échine.

· Aux emprisonnements des adversaires politiques : une série de montages avec des visés d’exclure des concurrents potentiels de l’opposition à l’élection présidentielle.

L’exemple le plus flagrant est l’emprisonnement récent du vice-président du parti Sahwanya Frodebu et ancien vice-président de la République, Frédéric Bamvuginyumvira pour des raisons de mœurs. Il rentrait d’une tournée aux Etats-Unis que le pouvoir de Bujumbura n’a pas vu d’un bon œil. Il en est de même pour Agathon Rwasa, président du FNL qui, de son retour sur la scène politique, une plainte a été déposée contre lui alors qu’il n’a pas été inquiété pendant deux ans quand il dirigeait l’Institut de Sécurité Sociale du Burundi. L’ ancien président du parti CNDD-FDD, Hussein RADJABU croupit lui aussi en prison pour des mobiles politiques. Le président du MSD, Alexis SINDUHIJE est aussi en cavale car sa sécurité physique est menacée. Un exemple récent et frappant est la condamnation à perpétuité de militants du Mouvement pour la solidarité et la démocratie (MSD) suite à de violences qui ont émaillé une manifestation de leur parti le 8 mars dernier à Bujumbura.

· A la politique de manipulation, du mensonge et du double langage face aux bailleurs et à la communauté internationale :

    * discours rassurant du Président de la République appelant des leaders de l'opposition à rentrer au pays afin de se préparer sereinement aux échéances de 2015 mais qui sont malmenés par la suite ;

    * les dialogues organisés entre partis politiques dont les recommandations ne sont pas suivies et respectées, un exemple est bien la feuille de route élaborée à Kayanza ou la rencontre du 27 au 29 novembre 2013 à Bujumbura pour procéder à une première évaluation de la mise en oeuvre de la feuille de route en vue des élections de 2015 et relever les défis à sa pleine réalisation ;

    * la politique de tolérance zéro contre la corruption qui est resté un effet d’annonce, la mise en place de la Commission Vérité Réconciliation, la construction de trois universités, etc. Les nombreux dispositifs institutionnels de lutte contre la corruption, des bonnes lois, de nouveaux codes des douanes, des investissements, des marchés publics, miniers ;

    * une nouvelle administration fiscale, une agence de promotion des investissements, etc. « Cependant, l’Etat a beaucoup de mal à respecter toutes ces nouvelles règles et nouveaux codes ». L’on pourrait citer quelques exemples : un contrat de 500 millions de dollars d’équipements de communication pour la présidence, les provinces, l’armée et l’aéroport de Bujumbura a fait l’objet d’une signature secrète ; le marché des plaques d’immatriculation a été conclu en 2009 de gré à gré ; le don japonais de sept millions de litres d’essence a été géré par le ministre des Relations extérieures alors qu’un comité de gestion « carburant don japonais » avait mis en place par le même ministre ; le contrat d’exploitation du nickel a été négocié au plus haut niveau et dans le plus grand secret, etc.

· Aux assassinats des membres des partis politiques d’opposition : depuis que le CNDD-FDD est au pouvoir, l’on assiste à des assassinats à grande échelle pour des mobiles politiques et à une répression accrue qui s’est abattue sur les membres des partis de l’opposition et la société civile. La multiplication de ces assassinats extrajudiciaires ciblent principalement des militants des partis FNL d’Agathon Rwasa, de l’UPD et du MSD à travers tout le pays. L’on se souviendra le carnage de Gatumba qui a emporté une quarantaine de burundais qui se détendaient dans un café et de nombreux corps sans vie qui jonchaient au bord du lac Tanaganika ou dans la rivière Rusizi. Les responsables de ces crimes sont les agents des services de la documentation et de la milice paramilitaire MBONERAKURE.

· A l’entretien de la corde sensible ethnique : dans sa stratégie de se positionner comme le rempart de la défense des intérêts Hutu et de présenter le FNL comme un allié des Tutsi sur des questions essentielles, le parti CNDD-FDD entretient la corde sensible ethnique. Et cela se matérialise par la volonté manifeste de revoir la constitution, la vider de sa substance de tous les éléments de l’accord d’Arusha et de l’ethnisation précoce de la campagne électorale. L’entretien de la corde sensible ethnique se manifeste surtout par la politique du CNDD-FDD de restitution foncière en violation toujours de l’accord d’Arusha caractérisée par une volonté manifeste d’accélérer les restitutions complètes, une assimilation des acquéreurs de bonne foi aux spoliateurs et un manque d’impartialité qui ne font que réactiver les divisions ethniques sans sécuriser les droits fonciers des réfugiés et des déplacés. C’est d’ailleurs dans ce cadre que le gouvernement burundais a fait passer sans concertation une loi révisant les missions de la Commission Nationale des Terres et autres Biens (CNTB) et tente de créer une cour spéciale chargée des contentieux liés aux décisions de cette commission. Cette orientation politique suscite de nombreuses inquiétudes dans la communauté tutsi, et risque de rendre restitution et réconciliation impossibles.

2. CONCLUSION

« Les pratiques néo-patrimoniales du pouvoir en place depuis 2005 ont relégué le Burundi au plus bas dans les classements de gouvernance, affaibli son attractivité pour les investisseurs étrangers, altéré ses relations avec les donateurs et alimenté le mécontentement social. Mais surtout, elles sapent la crédibilité des institutions créées après le conflit, le pacte entre anciennes et nouvelles élites et la cohésion du parti présidentiel régulièrement secoué par des affaires de corruption. Afin de corriger la détérioration de la gouvernance publique, les autorités burundaises doivent transformer les paroles en actes, la société civile doit se mobiliser en masse contre la crise de la corruption et les bailleurs doivent faire de la bonne gouvernance un axe prioritaire de leur appui ».

Pour toutes ces raisons, nous demandons à la Belgique, à l’Union Européenne, aux Nations Unies et à tous les pays amis, bailleurs du Burundi d’user de toutes leurs forces pour faire comprendre au Président Nkurunziza et son gouvernement, de cesser toutes les manœuvres sans issue de revision de la constitution qui viole 'Accord d'Arusha pour la Paix et la Réconciliation, d’empêcher le Président Nkurunziza de rempiler pour un 3ème mandat anticonstitutionnel, de laisser jouir les droits civils, politiques et économiques à tous en l’occurrence aux partis politiques regroupés dans la coalition ADC-IKIBIRI, d’arrêter la division des partis politiques et de permettre aux membres des partis divisés de s’exprimer librement sur les véritables leaders à travers des congrès qui seront organisés à cette occasion, nous pensons ici aux partis FNL, UPD et UPRONA. Nous leur prions également d’user de toutes leurs énergies pour que tous les prisoniers politiques soient libérés sans aucune condition.

Pour une campagne relativement apaisée et des élections normales en 2015, le gouvernement burundais avec l’appui du BNUB devrait sérieusement et prioritairement s’atteler au démantèlement de la milice paramilitaire Imbonerakure du CNDD-FDD et au retrait des armes qui sont en leur possession.

Nous demandons aux Burundais épris de paix et de liberté d’établir la liste des membres des services de la documentation, des membres des services de la police, des leaders de la milice paramilitaire IMBONERAKURE à tous les niveaux : national, province, commune et colline qui sont responsables des crimes et des assassinats à travers le Burundi. Le moment venu, cette liste sera transmise au Tribunal International de la Haye pour que ce groupe qui prenne en otage tout un peuple et qui risque de commettre un génocide comme l’a bien souligné l’émissaire américain soit jugé.

François BARARONDERA ( francoisbararondera@gmail.com )