UN SCANDALE DES PLAQUES D'IMMATRICULATION A LA PRESIDENCE DE LA REPUBLIQUE

Par Gratien Rukindikiza

 Burundi news, le 22/06/2009

La pauvreté des uns fait la richesse des autres dans certains cas. Le pouvoir en soi n'intéresse pas plusieurs politiciens. Ce qui les intéresse est plutôt  ce que ce pouvoir offre  pour un enrichissement personnel au détriment de son peuple. L'argent, on court derrière et on finit dans la nécessité ou on n'en profite pas. Il y a des grands corrompus de ce monde qui ont laissé des milliards de dollars et qui n'ont même pas profité à leurs familles. L'argent sale contient toujours un mauvais présage. Il est maudit car il appauvrit le peuple et les remords finissent, tôt ou tard, par hanter le corrompu.

La leçon du Falcon 50

La vente illicite du Falcon 50 par le biais d'appel d'offres tronqué a donné une leçon au Président Nkurunziza. Il a constaté que cette méthode attire la curiosité. Celui qui perd le marché alors qu'il était le mieux disant n'hésite pas à étaler l'affaire dans les médias. Désormais, les gros marchés lucratifs au profit des corrompus au sommet de l'Etat seront attribués sans passer par les appels d'offres quelque soit le montant. Le secret de ces marchés sera un des plus gardés de la République jusqu'à ce qu'un collaborateur, un haut cadre de la Présidence, non content de la commission touchée, balance dans les médias et surtout au site Burundi News tant lu et tant haï par le Président de la République. Il fallait le faire, un cadre de la Présidence qui nous fournit une information confidentielle d'un marché attribué de gré à gré en dehors des bruits des concurrents.

Les règles de l'attribution des marchés publics

Pour bien comprendre cette affaire, le lecteur a besoin de connaître le circuit normal de l'attribution des marchés publics. Un ministère a besoin de faire des achats en grande quantité ou à partir d'un montant donné. Le ministère en question, en collaboration avec la direction générale des marchés publics, fait un appel d'offres dans lequel il spécifie les conditions techniques, financières etc... du présent marché. Les soumissions sont étudiées d'abord par une commission technique de la direction des marchés publics et du ministère concerné par le marché. Cette commission élimine les soumissionnaires qui ne remplissent pas les conditions techniques. Les soumissions remplissant les conditions sont transmises à la commission centrale des marchés publics. Cette commission attribue des points à chaque offre sur deux critères à savoir le critère technique et le critère financier des offres. En additionnant les points, la commission centrale désigne trois sociétés qui ont le plus de points. La commission centrale des marchés est dirigée par un président nommé par le ministre des finances d'une façon permanente et le secrétaire de la commission est toujours le directeur général des marchés publics.

Le président de la commission décide à qui attribuer le marché en fonction des ces points. Cette commission rédige un rapport à annexer à la lettre de commandes à transmettre au ministre pour signature. Il est requis un avis du service juridique et un avis du service du budget pour déterminer respectivement si le contrat est conforme à la loi et pour s'assurer que les fonds existent avant d'attribuer le marché. Quand le ministre des finances signe la lettre de commande, le marché est attribué.

Le marché des plaques attribué à une société ougandaise, à suivre la piste du Falcon et des cahiers ougandais

Aucun budget n'était prévu pour ce marché. Mais, le plus important pour les corrompus du pouvoir burundais, c'est d'étudier la faisabilité de la corruption et créer un marché déclencheur après.

C'est une incroyable histoire d'attribution du marché des plaques de véhicules à une société ougandaise sans appel d'offres. Je ne révèle pas  mes sources du cabinet de la Présidence.  Le Président Nkurunziza a décidé d'attribuer ce marché à une société ougandaise de gré à gré pour un montant de quatre milliards de francs bu par an. La ministre des finances a compris qu'un dossier Falcon bis se faufile à l'horizon. Elle a tenté de dire que le budget n'est pas prévu. Rien à faire, le Président Nkurunziza avait tout prévu, la société sera payée par le Trésor Public après avoir vendu les plaques. Quant à la procédure pour sortir l'argent du Trésor Public, tout sera possible. La loi, on la contourne en nommant des juges à la solde du pouvoir. En dehors des appels d'offres, il fallait faire semblant. Qui signera ou qui ne signera pas?

Ordre de signer l'attribution du marché, exécution devant le Président de la République lui-même

La ministre des finances a été convoquée à la Présidence. Devant ses réticences, une menace de limogeage en cas de refus de signer a tout réglé. Le lendemain, elle a pris l'avion en laissant la patate chaude au directeur général des marchés et à son pauvre chef de cabinet. Le même jour, ces deux cadres du ministère ont été convoqués à la Présidence de la République par le directeur de cabinet du Président, Monsieur Wagara. Ils ont signé les documents d'attribution de ce marché à cette société sans tenir compte de la procédure devant le Président Nkurunziza qui tenait à ces signatures.

Les Burundais se souviennent que le Président de la République ainsi qu'une autre personnalité étrangère ont détourné quatre milliards de francs bu de la vente de l'avion Falcon 50. Aujourd'hui, il s'agit d'un marché de quatre milliards de francs bu par an. La société a obtenu un contrat à durée indéterminée pour fournir ces plaques. Qui a dit que le Burundi est pauvre? Dans tous les cas, il ne dira pas que les dirigeants sont pauvres.

Celui qui tue une personne est responsable de la mort d'une personne. Celui qui détourne des milliards  destinés à nourrir, soigner, éduquer son peuple est responsable d'un véritable massacre car cet argent aurait sauvé des milliers de Burundais.