LE PEUPLE PLEURE

Burundi news, le 14/11/2010

Par Nikwigize Nduwayo

Le Peuple du Burundi pleure mais pleure!!

Notre pays a été meurtri par des années de guerre, mais au-delà de tout, ce pays a été rongé par des haines et des mensonges entre ses fils et filles.

La plus belle des choses qui lui soient arrivées, est le vent de la révolte qui a sifflé : Des hommes et des femmes se sont levés pour combattre la cupidité, le népotisme, la corruption, l’injustice et le racisme.

Les raisons qui ont poussé certains d’entre nous à adhérer  au changement qui s’annonçait sont diverses et variées.

 Certains, peut être par honte de leur silence durant des années de répression de composantes entières de notre population, ont adhéré, en cachette souvent, leur ethnie n’étant pas en totale  adéquation avec certaines thèses des « assaillants ». La dimension raciale voire raciste reste obstinément présente au Burundi.

D’autres ont adhéré tout simplement parce qu’ils étaient d’accord à fond avec le combat pour la démocratie.

Il y a eu enfin des opportunistes, les pires à mon avis, qui sentaient que l’ancien système allait disparaître et ont proposé des services souvent au prix de la vie des leurs, en espérant des dividendes à l’issue de la guerre.

La guerre elle-même s’est terminée sans vainqueur, le petit peuple a payé cher les ambitions de ces messieurs et  dames. Le scenario habituel durant la guerre était celui-ci: On se poste sur les routes ou dans des villages, on  tue  de pauvres voyageurs si on est de la rébellion, on arrive en représailles, on nettoie la région si on est de  l’armée  régulière.

Le petit peuple meurt deux fois,  trois et quatre quand il est spolié par le rançonnement de la rébellion d’une part, et l’effort de guerre d’autre part.

Ce peuple  a le droit à un peu plus de déférence, plus de soins, d’éducation et de tranquillité.

Au lieu de cela, il pleure.

On lui a promis la démocratie, la paix, le développement et aussi l’épanouissement. On lui a dit qu’il pourrait  vivre tranquille, en mangeant le peu que la terre burundaise pouvait produire, sans mendier.

Mais que lui a -t- on servi?

La démocratie?

Nous venons de connaître des élections très contestées, qui ont abouti à l’installation d’un seul parti . Il a le droit désormais de faire ce qu’il veut: il peut tuer, séquestrer, emprisonner et exiler.

Supposons que les élections furent régulières. Qu’est-ce donc ce droit qui permet au parti au pouvoir d’emprisonner tous ceux qui ne sont pas d’accord avec ses thèses?

Ce qui étonne, c’est l’attitude de la « communauté internationale ». Nous avons au Burundi des ambassades occidentales qui,  à ne  pas en  douter,  observent de près ce qui se passe. Si l’on sait que le Burundi fonctionne en grande partie grâce à l’aide internationale, on peut s’étonner que dans de telles situations, certains pays comme la Belgique, la France ou l’Allemagne ne mettent pas le holà devant de telles bavures. Faudra-t-il attendre que les morts instantanés se comptent par plusieurs centaines de milliers pour qu’ils réagissent? Diront-ils avec force contrition qu’ils ont honte, et qu’ils ne savaient pas quand les choses auront tourné à la catastrophe? Que penser de cette communauté internationale qui n’a pas empêché le génocide au Rwanda? Que faut-il penser d’elle quand elle avalise des élections qui visiblement n’ont pas été régulières?

Le peuple pleure. Il ne peut même pas compter sur des amis.

Il est aussi dans l’attitude même des Burundais, quelque chose de consternant. La posture d’un parti comme l’UPRONA est toute aussi étonnante et gênante. Mais qui a dit qu’il était dans l’opposition? Ce parti est complice des exactions qui sont actuellement commises, il n’est pas dans l’opposition. Il est acteur de l’action politique actuelle.

Tout comme il n’est pas possible que nous n’ayons pas remarqué  l’exclusion  de parties de la population durant des années. Il n’est tout aussi pas concevable  que l’on accepte dans un silence absolu, l’emprisonnement des journalistes, des meurtres d’opposants fussent- ils les plus farouches, la gabegie et la paupérisation.

L’opposition aurait dû mobiliser ses partisans pour refuser dans la non- violence les résultats de mascarades d’élections. Le pouvait-il seulement? C’est qui le leader de l’opposition? Pourquoi n’a-t-on pas recouru à la résistance non violente? Est-il trop tard? Devons- nous tout accepter? Jusqu’à quand? N’y a-t-il donc aucune fierté chez nous? Où se situe donc notre seuil de tolérance?  A toutes ces questions, je n’ai hélas pas de réponse et je suis désespérée.

Le peuple du Burundi continue de pleurer et ne peut pas non plus compter sur ses fils et filles.

Le développement?

Comme on le sait, notre pays est gravement corrompu. Et nous avons eu la promesse d’une tolérance zéro  face aux détourneurs de deniers publics: vœux pieux! Mais enfin, l’hôpital se moque de la charité! Depuis que le CNDD FDD est au pouvoir, on a vu surgir et se développer une nouvelle classe bourgeoise, en même temps que des villas de plus en plus grandes, de plus en plus coûteuses. Quand on connaît le salaire moyen du fonctionnaire burundais et l’état financier de nos banques, on devine facilement que ces jeunes riches n’ont pas gagné de l’argent de leurs propres entreprises car il n' y en a pas eu. Si l’on décide de punir, il est possible que toute la classe dirigeante actuelle du Burundi se retrouve en prison. Ce n’est pas ce qui est en train d’être fait, on jette en prison sans procès des sous fifres, ou alors on en profite pour une chasse aux sorcières déguisées. Ceci donne lieu à des règlements de compte entre anciens amis.

Peut -on concevoir le développement de sa population avec un tel degré de corruption? Vous voyez je ne parle pas d’interpetrol, ni de Falcon. Enfin, ne jetons pas l’enfant et son berceau, reconnaissons que la ville s’est embellie, et que réellement les travaux communautaires ont rapproché le peuple et son Président, il lui devait bien ça non?

Le peuple du Burundi peut encore pleurer s’il veut, le développement n’est pas pour demain.

Notre histoire comporte de nombreuses zones d’ombre: Qui a tué qui? Pour quelle raison? La commission vérité et réconciliation si longtemps désirée, si longtemps repoussée devrait pouvoir lever le voile sur des incompréhensions ou des actes criminels qu’a connus notre pays. Mais pourquoi diantre ne voit -elle pas le jour? Est-ce une patate chaude? Personne n’est fatiguée des passes d’armes annuels sur quelle ethnie a connu le génocide?

Oui cette question et celle des droits de l’homme sont trop philosophiques pour les confier aux seuls anciens rebelles. On peut comprendre qu’ils doivent prendre suffisamment de recul pour la résoudre . Cinq ans ont passé pardi!

 Ne tardons pas quand même, ici et là des personnes meurent, des filles sont violées, des femmes sont battues et le droit fondamental à la vie est bafoué.

 Le pays a un corps de police protubérant, il est capable de quadriller tout le territoire. Malgré cela, les bavures se comptent par milliers. On est capable d’arrêter et d'écrouer une mère de famille sans signification de motif. La population est heurtée et agressée par ceux là même qui devraient la protéger.

Qui aurait pensé que la démocratie aurait été trahie par ceux là qui se  sont battu pour elle?

Pleurez si vous voulez, mais nous en avons encore pour 5 ans, 5 ans putain…! À moins que le Burundais  ne se révolte enfin et chasse du pouvoir cette classe  corrompue.

En attendant, la commission indépendante des droit de l’homme doit voir le jour, le conseil des bashingantahe doit fonctionner et le pays doit se doter d’autant de garde-fou, pour avoir  le droit de regarder le peuple droit dans les yeux même quand il pleure, et aller prier le dimanche  chez le pasteur sans traîner les casseroles de personnes emprisonnées pour rien.

Nous avons de la chance au Burundi, notre Président est sauvé! S’il en fallait un franchement, c’est bien que ce soit celui que nous aussi avons choisi non!

Nikwigize Nduwayo

France.