AU BURUNDI, LE POUVOIR JUDICIAIRE DEPEND DU POUVOIR EXECUTIF 

 

 Burundi news, le 13/02/2008

  Par Marcel Kantungane

Les élections, à elles seules,  ne sont pas synonymes de démocratie. Elles ne sont qu'un moyen de désignation des dirigeants à coté des deux autres qui sont la désignation par la force et la désignation par voie héréditaire. Les standards universels sur lesquels on  reconnaît la démocratie sont notamment la Laicité de l'Etat, la Liberté d'expression, le Respect des droits de l'Homme, la Séparation des pouvoirs.
 

   Au Burundi, la Séparation des pouvoirs est partielle.  Il est aux yeux de tous que le pouvoir judiciaire est au service de l'Exécutif au lieu d'être au service du Peuple burundais.  Or, la séparation des pouvoirs est destinée à protéger la liberté des citoyens par la fragmentation de la puissance de l'Etat,  car comme disait Montesquieu dans "De l'Esprit des Lois": " c'est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser; il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites. Qui le dirait? La vertu a besoin de limites. Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir".


   Malheureusement, au Burundi, le pouvoir Exécutif ne peut pas être arrêté par le pouvoir judiciaire  car la constitution n'a pas prévu de freins au pouvoir exécutif. En conséquence, certains membres de l'Exécutif volent et leurs mandataires tuent, violent impunément pendant que les magistrats assistent impuissants et frustrés ou prêtent même main forte aux dérives du régime pour ne pas perdre l'emploi.


 Une question s'impose ! Entre le Président de la République et la Magistrature, quelle est l'institution habilitée pour la protection des droits et libertés des citoyens? En démocratie, c'est le pouvoir judiciaire qui protège les libertés et l'art 60 de notre Constitution est clair à ce sujet. Pourtant, on continue à faire appel au Président comme magistrat Suprême car il est supposé avoir le sens élevé de l'Etat pour veiller au fonctionnement correct des institutions. Substantiellement, il ne fait pas partie du pouvoir judiciaire car la séparation des pouvoir est une technique de freins et contrepoids qui empêche au chef de l'exécutif d'être en même temps chef du pouvoir judiciaire autrement ce serait un présidentialisme dictatorial.


    Le noeud du problème réside, à mon humble avis, dans la constitution burundaise. Il ne suffit pas que la constitution stipule que le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif, il faut surtout que cette indépendance soit protégée par des textes législatifs. Tenez: les magistrats sont nommés ( Art111§ 4 et 187 § 9 de la constitution) et surtout démis par l'Exécutif sans aucune procédure juridictionnel . Dans d'autres démocraties où règne véritablement la séparation des pouvoirs, les magistrats sont protégés par le principe constitutionnalisé de l'INAMOVIBILITE des juges; ils ne peuvent être mutés contre leur volonté ou démis de leurs fonctions que par voie judiciaire et accèdent à leur profession par concours et non par nomination.


     Par contre au Burundi, l'exécutif nomme les magistrats, les mute et les démet à volonté. D'où les corrompus du régime en place se sentent en pleine sécurité pour dévaliser les caisses de l'Etat. Aucun magistrat encore moins un procureur nommé et susceptible d'être démis par le Président de la République n'aura jamais le courage d'incriminer les fautifs du régime en place, ou s'il ose il ne portera pas à terme son travail. L'exemple de l'ancien procureur  Vyarugaba Innocent sur le cas du massacre de Muyinga en est un exemple éloquent.


     En l'état actuel des choses, exiger au présumé multi coupable président Nkurunziza de garantir l'indépendance de la magistrature, c'est-à-dire à ses risques et périls, c'est lui demander de se suicider. Il serait par ailleurs un masochiste. Ne demandons pas non plus aux magistrats  de risquer leur profession étant donné l'absence de la protection législative de leur carrière.
    Pour que le ministère public, censé être le défenseur du bien public, ne soit pas contraint de se comporter en protecteur des corrompus du régime en place, je propose le système italien dont pourrait s'inspirer le système pénal burundais. En Italie, le ministère public se voit contraint à une poursuite systématique de toutes les infractions dont il a connaissance. La loi l'y oblige. Ce système de la légalité des poursuites offre un avantage: la certitude de la poursuite et l'égalité des particuliers devant la justice sur l'ensemble du territoire. Toutes les  personnes impliquées dans la commission d'une infraction étant, dès lors qu'elles sont identifiées, poursuivies où qu'elles se trouvent sur le territoire national. C'est ainsi que même les ministres en fonction sont incriminés par les procureurs dès qu'ils commettent une infraction quelconque. Tous les citoyens sont effectivement égaux devant la loi.
   En adoptant ce système au Burundi avec les autres protections législatives de la carrière des juges, le ministère public et la magistrature assise agiraient réellement au nom du Peuple burundais et ne seraient plus conditionnés à pactiser avec l'exécutif pour leur survie.


    Voulons-nous un Etat de droit en bonne et due forme? Libérons d'abord la magistrature du joug de l'Exécutif, les droits et libertés des citoyens seront ensuite protégés.
  Et si par bonheur, le Président Nkurunziza venait à être rejeté par le peuple en 2010 avant la correction du système, je parie qu'on aura changé seulement le CHEF D'ORCHESTRE  mais que la MUSIQUE risquera de rester la même dans la mesure où les Magistrats auront toujours les mains liées.  

 


      Marcel Kantungane