Les premiers signaux d’un mois d’août prémonitoire

 Déo Hakizimana

Si j’étais superstitieux, j’avouerais volontiers que ce mois d’août 2007 pourrait ressembler, en termes d’événements attendus ou inattendus, à bien d’autres mois d’août, qui ont vu bien d’autres chambardements marqueurs pour l’avenir.

Au lendemain de notre article sur la « responsabilité collective » des Barundi et de leurs dirigeants durant les moments actuels, le prélude dont nous parlions (voir www.cirid.ch sous le titre « Le Burundi est-il à la veille de nouveaux partenariats institutionnels et politiques ? ») commence à se préciser.

Dans un espace de moins de trois jours, trois informations sont intervenues pour souligner, à titre prémonitoire que le nouvel aggiornamento annoncé débute ses vérifications :

Un : le Président de la République a entrepris sa campagne pour annoncer un revirement dans le dossier Palipehutu-FNL : d’après ce qui se dit, le parti de Rwasa entrerait bientôt dans les institutions. Les obstacles notés, puis passé dans les oubliettes, à travers la mise en œuvre de l’accord de cessez-le feu conclu avec le plus ancien mouvement politico-militaire burundais d’opposition pourraient, estime-t-on, être levés.

Si cette nouvelle est suivie d’effets concrets, qui puisent dans les valeurs citoyennes enterrées par la gtriste « stratégie du ventre », (Mpemuke Ndamuke ?, titre d’un nouvel ouvrage à paraître à nos Editions), le Burundi y gagnerait énormément. Je prends le risque de parier que ceux qui nous observent finiraient par nous remettre sur la liste enviable de pays qui veulent s’en sortir politiquement dans l’Afrique centre-orientale déstabilisée par les « guerres d’octobre ».

Deux : lors d’un de ses bains de foules avec des compatriotes dans le sud du pays, le Président Nkurunziza a aussi annoncé des mesures de rétorsion à l’encontre des parlementaires récalcitrants. Ces rétorsions concerneraient les énormes avantages matériels et financiers dont nos Honorables se pavanent. Pendant que leur bilan se montre assez peu nanti pour les huit derniers mois. Dont acte !

Trois : ce samedi, 4 août matin, le parquet général a posé un geste inattendu face à l’auto-protection à laquelle les hommes forts de ce pays nous ont habitués : ce geste, c’est l’arrestation d’un premier « gros poisson » suspect dans le dossier « Interpetrol ». Isaac Bizimana, devient désormais un ex-chef de la Banque centrale, qui dort depuis quelques heures à Mpimba, accusé d’avoir joué un rôle pivot dans le colossal détournement qui a coûté le fauteuil à l’ex-ministre Sinankwa.

 

La colère des étudiants de l’université est parlante

Le contexte politique et diplomatique dans lequel ces interventions ont lieu ne peut laisser indifférent. Les « Radjabistes » ont multiplié les sorties pour réclamer la libération de leur leader. Certains commentataires, citant en privé des sources généralement bien informées, n’excluent pas cette éventualité.

Nous n’avons pour  notre part aucune information de qualité fiable nous permettant d’analyser les allants et les aboutissants qui se forment autour de cette nouvelle. Nous nous limitons simplement à attirer l’attention sur le fait que le climat tendu remontant à juillet 2006 et qui n’a pu se dénouer qu’au début de cette année n’était pas un effet de mode à rééditer ou à banaliser. Non.

Il exige plutôt un changement de fond et de forme dans les méthodes de gouvernement.

Le parti présidentiel, après ses propres remises en question que nous avons tous salué avec bonheur en  janvier-février dernier doit donc savoir que les Barundi ont grandi sur le plan politique. Ils n’acceptent plus les remontrances qui nous ont terrorisés et ce parti est d’ailleurs le premier à savoir que le grand bâton a fait place à ‘idéal de dialogue politique. Gandhi disait, parlant de ses bourreaux : « ils auront mon cadavre, pas mon obéissance ». On sait de quoi le leader indien parlait.

En effet, l’on a entendu cette semaine même des étudiants burundais parlant presque sur le même ton dans le différend qui les oppose aux autorités du ministère de l’Education. La police a dû revoir son dispositif et son mot d’ordre pour reculer devant la colère des étudiants… Ceci est une réaction prémonitoire pour les luttes démocratiques à venir.

 

Face à l’impatience des internationaux

Parlons maintenant de la communauté internationale. Cette semaine nous a montré qu’elle est restée concernée et vigilante et que son poids dans l’occurrence burundaise garde sa consistance. La conférence conjointe du Binub et de l’Union Africaine consolidée par le franc parler de l’ambassadeur de Tanzanie mardi dernier n’est pas à négliger.

A ne pas négliger non plus la mission du FMI qui entre temps a visité le pays ainsi que la réaction de l’Union européenne qui, agissant en solo, a dû elle aussi se faire entendre. En clair, toutes les voix qui comptent ont parlé. C’est que l’heure de vérité est là !

Bref, l’éloignement pénal de l’ex-gouverneur Bizimana – pour ne parler que de celui-là - pourrait (peut-être !) avoir été précipité par ces yeux aujourd’hui déçus et inquiets.

Bien sûr, l’on doit, par politesse, par respect pour les institutions et par souci d’allumer une chandelle plutôt que de vomir l’obscurité, encourager le Chef de l’Etat à poursuivre cette démarche dans le bon sens.

Mais c’est aussi notre devoir de répéter que cela ne suffit pas et que d’autres gestes encore plus concrets devraient suivre.

 

Un exemple de clin d’œil adressé à un dignitaire : le ministre de l’Intérieur

Reprendre langue avec le parti de Rwasa est une bonne initiative. Si cela se passe, on attend encore, évidemment, qu’il y ait des initiatives encore plus novatrices, plus ambitieuses et plus porteuses sur le plan national : puis-je suggérer dans ce cadre une action au ministre de l’Intérieur, lui que l’on présente comme une personnalité ouverte, un des hommes incontournables du sérail actuel ?

En tant que ministre de tutelle dont relève les organisations politiques, celui-ci pourrait convoquer un forum (ouvert) de discussion avec tous les acteurs concernés sans en exclure aucun, dans le but précis de provoquer un dialogue sur l’avenir du pays durant ces moments. On peut lui prodiguer des conseils opérationnels appropriés qui tiennent compte des réalités complexes du pays, mais cela est une autre affaire… car encore veut-il qu’il en soit ainsi et que nous soyons ses conseillers privés et bénévoles !

Par contre, affirmons que c’est à travers de telles consultations que le débat sur la réforme constitutionnelle (on n’y échappera pas) et le partage démocratique du pouvoir pourraient mûrir. Je dis et je répète que le pouvoir ne peut y échapper.

Il n’est pas bon que les Barundi réagissent à leur manière si ce travail se laisse accaparé par une poignée de fonctionnaires partisans d’une seule mouvance à un moment où il est manifeste que les Etats-majors politiques ne savent plus maîtriser les rapports de force sans cesse changeants.

Ceci est d’autant plus important que les mesures administratives du genre : retenues de salaires des députés récalcitrants peuvent ressembler à une fuite en avant, à une sorte de gymnastique qui laisse le naturel revenir au galop.

C’est-à-dire le problème qui se pose aujourd’hui est avant tout un problème politique ; il ne peut être résolu que par une prise en charge politique, discutable autour d’une table de dialogue avec les concernés.

Nous sommes une foule de gens prêts à aider à rendre crédible ce dialogue. A ce gouvernement de jouer ! (A suivre)

 

Déo Hakizimana

Pour en savoir plus ou pour réagir à cet article : d.hakizimana@cirid.ch www.cirid.ch