QUELLES SONT LES PRIORITES DU PROCHAIN GOUVERNEMENT 

Par Gratien Rukindikiza 

Les burundais sont appelés aux urnes pour élire les prochaines institutions. A travers  ces élections, le peuple fixera un cap, voire une mission définie en termes généraux. Il appartient au gouvernement de déterminer les voies et moyens pour la réalisation de cette mission. Le peuple réclame ni moins ni plus que la paix,  les bonnes conditions de travail et une bonne répartition de la richesse nationale. Le chantier est immense. C’est un véritable défi à relever. Ce gouvernement devra lancer les jalons du développement économique et social.

Economiquement, le pays est appauvri. Les prix ont augmenté énormément alors que la population s’est appauvrie. Une politique de relance économique est indispensable. Elle devra être orientée vers la production de nouvelles richesses notamment à travers les grands travaux, la promotion du secteur privé, capable de créer des emplois. La réforme de l’Etat devra accompagner cette relance économique. Aujourd’hui, il est difficile d’investir au Burundi sans piston. Les tracasseries administratives, les blocages et la corruption découragent les entrepreneurs. L’Etat devra se désengager du secteur de production sauf dans certains domaines sensibles comme l’électricité, le téléphone, les transport etc… L’administration devra aussi avoir des objectifs afin de satisfaire les citoyens dans les délais raisonnables. L’économie ne peut pas progresser si l’Etat est mal géré. Il en résulte un déficit budgétaire que l’Etat finance sous forme de bons de trésor. Sur un marché monétaire contrôlé, le financement des bons de trésor réduit celui du secteur privé ; d’où moins d’investissement privé , et par conséquent moins d’emplois. La baisse des taux d’intérêts est indispensable pour relancer l’économie. Une bonne relance économique aura besoin d’une baisse significative du taux de base bancaire ou de refinancement d’au moins de  10 points afin  qu’il passe de 14, 50% à 4 %. Cette baisse devrait favoriser la construction des maisons d’habitation dans les villes. Comme on dit, quand le bâtiment va bien, tout va bien. La baisse des taux d’intérêts aura comme effet la reprise des activités, significative du plein emploi, de la réduction du déficit budgétaire de l’Etat ( S’il est bien géré) et de la croissance économique. Il n’y aura pas nécessairement une hausse des prix compte tenu du niveau actuel des prix qui s’est adapté aux revenus des burundais et étrangers payés par les fonds de la communauté internationale.

Le secteur primaire est encore sous développé. Pour développer le secteur industriel et tertiaire, il faut que l’agriculture réduise sa  part de la main d’œuvre nationale. L’Etat devra alors développer les métiers existants et aussi créer d’autres métiers. Les citoyens ont besoin de certains services qui peuvent être créés. Ce ne sont pas des idées qui vont manquer. Pourquoi ne pas créer un laboratoire d’idées de créations d’activités ?

Au niveau de l’agriculture, au lieu de s’acharner sur les engrais chimiques de plus en plus chers et inadaptés à l’agriculture burundaise. Les agronomes et les instituts de recherche devront trouver des solutions alternatives, abordables pour pouvoir nourrir la population burundaise. Des terres restent plusieurs mois en jachère notamment dans les marais alors qu’elles peuvent être exploitées toutes les saisons. L’exploitation de ces marais augmenterait sensiblement la production agricole burundaise. L’objectif serait d’avoir une production excédentaire qui serait exportable. L’offre dépasserait alors la demande et les prix pourront alors baisser.

Socialement, la constitution prévoit que tout citoyen a le droit d’accès aux soins. L’Etat devra alors respecter la constitution en définissant une nouvelle politique des soins de santé, surtout pour les personnes sans ressources. La réforme des cotisations pour les soins de santé serait inévitable. Les citoyens devraient alors cotiser un certain montant en fonction des revenus à verser dans un fond mutualisé afin de financer cette politique de santé pour tous. Je sais que la gratuité des soins de santé coûterait cher à l’Etat. Ce fond servirait surtout à des soins primaires. En aucun cas, ce fond servirait à concurrencer des mutuelles privées. L’Etat devra alors privatiser la mutuelle publique ou confier la gestion à des organismes syndicaux.

L’éducation devra  être accessible aux pauvres aussi. Un fond devra servir à financer les études des enfants orphelins et ceux issus des familles  pauvres.

La justice burundaise souffre de quelques imperfections. Sa réforme est plus que jamais nécessaire. L’Etat devra mettre en place des médiateurs de la République dans toutes les provinces pour aider les citoyens lésés par l’administration, la justice, de saisir une instance capable de les écouter et de les accompagner. Le peuple a besoin de la justice et il doit être servi car il est roi. La justice devra alors accepter de remettre en cause la distribution des terres, des richesses appartenant aux exilés et même aux citoyens spoliés par les grands des régimes passés et en place actuellement.

« La paix, surtout la paix et le reste, on verra ! » Disent souvent les burundais. La grande priorité du gouvernement issu des prochaines élections sera sans aucun doute la paix. Le FNL est très affaibli mais pas vaincu. Il est capable de perturber la paix burundaise. L’Etat devra alors trouver les moyens de réduire définitivement cette menace par les négociations ou à défaut par la force. De même,  beaucoup d’armes circulent au Burundi. Ces armes pourront servir à des vols, des tueries etc…. La police devra alors mettre en place un service spécialisé pour récolter les informations et désarmer la population après une incitation à la remise des armes. La population n’acceptera le désarmement que quand elle sera convaincue que la politique de répression du banditisme et des malfaiteurs prônée par le gouvernement est fiable.

Les anciens militaires et rebelles devront être encadrés pour qu’ils ne constituent pas une source de menace pour le prochain gouvernement. Les vaincus, mauvais joueurs, comme on l’a vu dans le passé, ne manqueront pas de les manipuler.

La paix sera effective si le gouvernement parvient à réconcilier le peuple burundais. Le jour où les burundais se sentiront d’abord burundais avant de se dire qu’ ils sont  hutu, tutsi ou twa, de Bururi, de Muramvya ou de Ngozi, musulman, catholique ou protestant, ce gouvernement aura gagné la première manche de la paix.

La liste est  longue. Les priorités du prochain gouvernement pourront changer avec le temps. Dans tous les cas, il ne  sera pas  aisé de diriger la période de 5 ans. Tous les regards seront tournés vers ce nouveau gouvernement ; il n’aura pas droit à l’erreur. Il devra servir les burundais qui ont placé la confiance en eux. Se servir sera une trahison pour le peuple.  Le patriotisme est à ce prix.