LE POUVOIR CNDD-FDD TRAVERSE UNE CRISE INTERNE
Par Gratien Rukindikiza
Burundi news, le 21/06/2008
Comme tout pouvoir dictatorial, les crises internes sont fréquentes au CNDD-FDD. Depuis l'arrivée au pouvoir du Président Nkurunziza, il n'a jamais été facile de bien identifier le centre du pouvoir de décision. Certains cadres du parti ont adopté un comportement qui suscitait des confusions entre le parti et le gouvernement. Des généraux sont devenus des hommes forts après le limogeage de Radjabu et affirment dans les salons de Bujumbura que le Président ne peut pas prendre de décision sans les consulter. Les cadres du parti tiennent toujours à être avec tel ou tel général ou tel ou tel autre groupe de généraux. A un certain moment, certains ont cru que les fameux généraux du CNDD-FDD allaient les mettre au pouvoir en remplacement de Nkurunziza. Ce ne sont pas des contes mais de la réalité.
L'argent, le nerf de la guerre qui divise
Les Burundais aiment le dire, c'est l'argent qui a servi à la trahison contre le fils du Roi, en parlant de l'assassinat de Rwagasore. Le pouvoir politique est devenu un accessoire qui n'intéresse pas beaucoup les politiciens actuels, sauf quand il s'agit de défendre le pouvoir financier, de l'argent facile, voire sale. Le petit cercle du pouvoir est en mésentente. Les membres de ce cercle sont au courant comme les autres Burundais qu'il y a des millions de dollars qui rentrent par an provenant du pétrole nigérian, cent cinquante mille dollars provenant du Soudan, aide publique transformée en fonds personnels ou aide personnelle, that's the question, d'autres revenus de corruption centralisée. Tous ces milliards de francs bu ne profitent pas au peuple et peuvent être considérés comme des manques à gagner de notre pauvre peuple. Ces milliards représentent l'équivalent des massacres de Ntega Marangara si on compare les chiffres des morts et les morts de maladie, de pauvreté que cet argent aurait sauvé s'il était investi pour le bien du peuple. Les Burundais devraient comprendre qu'on peut tuer de plusieurs façons. Il suffit de savoir qu'un centre de santé moyen, peut avec un budget de dix mille dollars, soigner gratuitement une population de plus de vingt mille personnes.
Cet argent crée un problème en interne. Certains généraux estiment qu'ils n'ont pas accès à cette manne de la corruption et se contentent des petits marchés publics, de la fraude et autres. Au même moment, des colonels, anciens FDD, grincent les dents quand ils voient les villas des généraux face à leur misère. Les colonels ne représentent pas une menace tant qu'ils sont loin du pouvoir. Or, les généraux qui s'estiment lésés disent qu'ils ne peuvent pas assumer les erreurs actuelles du pouvoir sans tirer profit d'une contrepartie financière. Certains se regroupent pour peser sur le pouvoir, d'autres veulent faire main basse sur des postes qui brassent des milliards pour piquer dans les caisses. Selon certaines confidences, il y a des généraux qui pensent que le CNDD-FDD risque de perdre les prochaines élections. Ils ont des inquiétudes compte tenu de leur manque de qualification que ce soit civile ou militaire et pensent à leur préretraite avec une des valises de dollars. Or, cet argent est mal réparti. L'implosion n'est pas à écarter si ces frustrations se maintiennent.
A part les généraux, les civils cadres du parti au pouvoir se considèrent comme des enfants abandonnés. Comme disait Mobutu, la chèvre broute là où elle est attachée. Pauvre chèvre qui est attachée dans le désert! Certains de ces cadres du parti soutiennent officiellement le pouvoir mais disent du mal de ce même pouvoir en privé à tel point qu'on se dirait que les grands opposants du régime sont plus en interne mais la peur aidant (Attention les grenades!), ils se taisent. Les civils se lamentent aussi de la pauvreté grandissante face à l'enrichissement grandissant de certains proches du pouvoir.
Qui cultive l'image du démocrate au CNDD-FDD?
Les erreurs se cumulent, les violations de la démocratie sont monnaie courante. La communauté internationale est très critique et se demande comment ces dirigeants ont perdu toute notion de démocratie.
Certains cadres du parti au pouvoir tentent de cultiver l'image de démocrate. C'est le cas du président du Sénat Rufyikiri qui n'a pas suivi le président du parlement dans son dérapage démocratique. Ses discours sortent du commun et il critique ouvertement les erreurs du pouvoir, pour ne pas dire le pouvoir. Certains disent qu'il cultive une image présidentiable acceptable par la communauté internationale. Quoi qu'il en fasse, il a des alliés encombrants. Le président du CNDD-FDD qui manie beaucoup le bâton a besoin des alliés pour faciliter son contrôle sur le parti et non pour faciliter la montée d ses alliés. C'est un véritable jeu d'échecs. Le parti se renforce de nouveau et commence à prendre le dessus du gouvernement. C'est le cas de la nouvelle nomination du directeur des impôts qui s'est imposé grâce au soutien de Jérémie Ngendakumana en le nommant candidat du parti. Paradoxalement, il a évincé un candidat du Président Nkurunziza lui-même et celui du vice-Président Ntisezerana. Des fois, on perd le latin. Qui dirige le Burundi en réalité?
La guerre des généraux aura lieu
Dès qu'ils ont compris qu'ils ont une partie du pouvoir, les généraux entretiennent le mythe de leur importance. Cette importance ne se conçoit pas sans argent. Ils se bousculent sur des postes juteux. Des alliances se font pour plus de contrôle sur tel ou tel marché, pour exercer plus de pressions sur tel ou tel commerçant. Il y a des commerçants que nous ne citerons pas ici qui ont pris le chemin de l'exil pour avoir refusé de verser une rançon à certains généraux. Au moment où le Président Nkurunziza laisse l'impression du pouvoir vacant, ceux qui se disent détenir une force de nuisance en profitent. Le régime rappelle celui de Micombero.
Certains généraux ne se privent pas d'organiser des coups bas contre d'autres pour prendre leurs places. Comme Bujumbura est petit, tout finit par se savoir et celui qui est visé arrive à collecter toutes les informations. Ainsi, une guéguerre s'est installée entre nos chers généraux, ex FDD. Cette guéguerre ne facilite pas la tâche du Président, les fissures du régime ne font que s'agrandir.
Par ailleurs, certains généraux ex FDD forcent notre estime et aussi celle de leurs collègues. Inutile de les citer, il n'y a aucun mouvement politique qui manque de patriotes. Ils se taisent mais dès que le moment se présente, ils peuvent contribuer à éviter le pire. Nous saluons le courage et le patriotisme de ces généraux ex FDD qui ne sont pas nombreux mais qui ont démontré qu'ils ne sont pas solidaires avec d'autres généraux qui veulent mettre l'huile sur le feu d'un Burundi en ébullition.