Note de la rédaction : Nous publions le procès verbal authentique. Nous avons traduit quelques passages qui étaient en Kirundi. Il ressort que l'interrogatoire a évité les vraies questions à savoir le mobile du mensonge au conseil des ministres, le vrai prix de vente de l'avion, le rôle du Président de la République et l'ancien président du parti CNDD-FDD Hussein Radjabu, pourquoi le ministre a accepté de tels ordres du chef de cabinet du Président.

Au moment où nous publions ce PV, Mr Mbazumutima a été renvoyé de son poste de directeur de cabinet du Président de la République sans savoir si son limogeage est lié à ce dossier de Falcon.

Nous reviendrons sur ce dossier Falcon.

Burundi news, le 04 juin 2007

Procès verbal de la rencontre entre les membres de la commission chargée de faire le suivi de la vente de l’avion Falcon 50 et le Ministre de la Planification du Développement et de la Reconstruction Nationale.

Le Président de ladite commission était Isaac Bizimana (Chef de cabinet à la Deuxième Vice-Présidence).

Après les salutations d’usage et après avoir annoncé au Ministre qu’il est en présence d’une commission mise en place par Son Excellence le Président de la République chargée de faire le suivi de la vente de l’avion Falcon 50, les membres de la commission ont posé des questions au Ministre sur toute l’information qu’il voulait obtenir et le Ministre a répondu librement.

Interrogatoire :

Question: Pouvez-vous nous dire où se trouve le dossier complet de la vente de l’avion Falcon 50 ?

Réponse : Si j’avais su l’objet de cette rencontre, je l’aurais apporté.

Une petite pause a été observée afin de permettre au ministre de faire un saut à la maison pour chercher le dossier.

Q/ Les auditeurs se posent la question de savoir pourquoi c’est au Ministre ayant les Finances dans ses attributions qui a pris l’initiative d’enclencher le processus de la vente de l’avion et non le Ministre ayant les Transports et Télécommunications dans ses attributions ou le Ministre ayant la Défense dans ses attributions.

R/ Non ce n’est pas le Ministre des Finances qui a pris l’initiative mais l’injonction est venue de la Présidence via le Chef de Cabinet Civil du Président de la République (Martin Mbazumutima). A l’époque, il y avait une information suggérant que l’avion avait des problèmes techniques et pouvait de ce fait constituer un danger sur la sécurité du Chef d’Etat. Il fallait donc acheter un autre. Un Suisse du nom de Jean Pierre du Chevalier (je ne suis pas sûr du nom) a fait une proposition selon laquelle il pouvait offrir un appareil en échange de l’avion Falcon et un payement. Il était prêt à aider à chercher un financement au taux commercial pour cette opération.

Q/ La question est justement celle de savoir pourquoi c’est vous qui avez approché ce Monsieur et non un autre Ministre.

R/ Ce Monsieur a été envoyé par Martin Mbazumutima. Mais on ne pouvait accepter la proposition émise par ce Monsieur. D’une part, nous étions sous programme PPTE et donc nous n’étions pas autorisé à contracter d’autres dettes sans que le FMI et la Banque Mondiale n’en soient saisis.

Q/ La Banque Mondiale était-elle au courant de la vente de l’avion ou a-t-elle donné son aval ?

R/ D’abord la question d’acheter un autre avion leur a été suggérée car si cette opération devait se faire, cela devait être intégré dans le Budget. Cette question a été soumise à Paul Mathieu et à Le Roy du FMI et de la Banque Mondiale. Encore une fois car cela allait être intégré dans le Budget. Il nous a été répondu que compte tenu des difficultés financières du Burundi, il est difficilement défendable d’avoir un prêt de 10 millions de dollars remboursable sur 4 ans.

Q/ Au mois d’avril 2006, il n’était plus question de vendre l’avion. Comment est-ce que l’idée est revenue au point de le soumettre en Conseil des Ministres au mois de Mai ?

R/ Encore une fois ce n’est pas moi qui prenait de telles initiatives, Martin Mbazumutima qui continuait à me relancer.

Q/ Pourriez-vous vraiment nous assurer que la Banque Mondiale était au courant de la volonté du Gouvernement de vendre l’avion ?

R/ Oui, même Bwabo peut le confirmer.

Q/ Il existe une information faisant état d’une offre au mois de Février 2006 et reçu au sein du ministère moyennant un accusé de réception. En êtes-vous au courant ?

R/ Non.

Q/ Savez-vous quelque chose de la société Ianovalle & Hunter ?

R/ Oui, c’est une société qui est dans l’aviation et qui nous a fait une évaluation technique de l’avion.

Q/ Comment l’avez-vous connu ? Comment étiez-vous entré en contact?

R/ Après avoir parlé à Jean-Pierre Chevalier, j’ai effectué une recherche sur Internet sur les sociétés qui sont dans le domaine et qui peuvent nous faire une évaluation.

Q/ Avez-vous fait un contrat de prestation avec cette société ? Sur quelle base la société a-t-elle fait son évaluation ?

R/ Non, pas de contrat. La société a fait son évaluation sur base des informations que nous lui avons données tirées des données sur l’avion comme son année de fabrication, les technical records, etc. La société nous a ensuite produit un rapport.

Q/ Tout s’est-il fait sans contrat ni payement ?

R/ Non, en fait il y avait d’autres documents qui allaient nous être transmis moyennant paiement mais nous avons estimé que nous disposions de toutes les informations que nous souhaitions avoir et que donc d’autres informations n’étaient pas nécessaires.

Q/ Qui représente la société ?

R/ Christophe Hunter

Q/ Quand est-ce que vous avez eu le rapport ?

R/ Au mois d’avril ?

Q/ Que mentionne ce rapport ?

R/ Il donne la valeur marchande de l’avion.

Q/ Les évaluateurs, ont-ils vu physiquement cet avion?

R/ Non.

Q/ Où se trouvait l’avion?

R/ En Suisse.

Q/ Qu’avez-vous fait du rapport? L’avez-vous donné à un expert ou un spécialiste dans le domaine pour contre-expertise ?

R/ Non, j’ai donné le rapport à celui qui l’avait commandé.

Q/ Nous sommes le 26 mai. Le conseil des ministres vous donne mandat de vendre l’avion. Pourriez-vous nous dire synthétiquement comment ça s’est passé ?

R/ Il y a eu un avis de mise en vente le 16 juin. La date limite était fixée au 22 juin et l’ouverture le 26. Depuis cette date, il y a un certain Gilles Boucher qui me téléphonait souvent en disant qu’il veut me voir, car disait-il, il y avait des choses à se dire en rapport avec l’achat de cet avion et en plus,  il peut faire beaucoup de choses pour le Burundi. Il n’a pas été reçu car je lui ai dit d’acheter d’abord le cahier de charge comme tous les autres soumissionnaires.

Q/ Il y a eu trois publications dans le Renouveau et apparemment il y a des différences dans ces annonces. Comment expliquez-vous cela ?

R/ Il n’y a pas de différences notoires. Sauf que l’on a omis la caution exigée qui somme toute se trouve dans les cahiers de charges.

Q/ Comment expliquez-vous l’écart entre la décision en conseil des ministres et les publications dans les journaux ?

R/ Beaucoup de travail.

Q/ Sur quel texte juridique vous vous êtes basé dans le processus de vente  

R/ Il n’existe pas de texte juridique dans la vente d’actifs immobiliers. Soit on utilise une vente par voies parées, soit une vente aux enchères où les spécificités sont élaborées par le maître de l’ouvrage.

Q/ Quelle est la méthode que vous avez utilisée alors ?

R/ On peut dire que c’est une vente aux enchères.

Q/ Mais une vente aux enchères ne se déroule pas de cette façon ! Il y a  une commission désignée pour apprécier l’offre, etc…

R/ Ici, il faut dire que chaque maître d’ouvrage définit ses propres spécificités. Mais comme je n’étais pas habitué à ces ventes,  il y a peut-être des balises oubliées.

Q/ Vous faites mention dans votre réponse à Gilles Boucher qu’il devrait suivre les procédures sur la loi des marchés publics. Cette mention dans votre « vente aux enchères », y avez-vous pensé ?

R/ Encore une fois il y a des choses avec lesquelles on n’est pas familier.

Q/ Existe-t-il un contrat de vente de l’avion ?

R/ Oui, il existe.

Q/ Où est-il ?

R/ Je vais voir, peut-être dans une farde qui serait resté au ministère (des Finances).

Q/ Connaissez-vous Madame Shutri Jobabatrus ?

R/ Non

Q/ Qui représente Delaware Corporation ?

R/ Dave Dhiren

Q/ Qui représente Icarius Group ?

R/ Daniel Nkubito

Q/ Connaissez-vous Dave Dhiren  

R/ Il est venu se présenter le jour de l’ouverture des enveloppes.

Q/ Savez-vous que  Aero Toy a porté plainte. Si on devait annuler la vente, pensez-vous que ça soit possible?

R/ Je ne saurais répondre à cette question.

Q/ Au vu des enveloppes reçues et des conditions exigées, peut-on en toute logique dire que la concurrence n’a pas eu lieu ?

R/ Oui, on peut le dire.

Q/ Il est mentionné au cours d’une de vos notes que la destination de l’avion est le marché américain alors que vous ne connaissez pas encore les soumissionnaires. Ne trouvez-vous pas cela bizarre ? Pourtant il pouvait être acquis par un utilisateur européen ou asiatique et pourquoi pas africain.

R/ Le type de cet avion ne peut être destiné qu’au marché européen. Nulle part ailleurs  sauf aux USA.

Q/ As-tu eu des  discussions avec Alice Nzomukunda en rapport avec cet avion. Qu’en est-il ? 

R/ Grosso modo, elle m’a dit que son frère Pacifique pouvait acheter l’avion.

Q/ As-tu été en mission au moins une seule fois avec Martin Mbazumutima notamment aux Iles Baltimore, aux USA.

R/ Non, jamais.

Q/ N’étant pas un expert dans le domaine, comment avez-vous pu faire confiance à ceux qui ont fait une évaluation surtout sur Internet ?

R/ Jean-Pierre de la Suisse avait fait une proposition de prix. Mais pour les propositions financières, j’ai préféré iza Ianovelle.

Q/ Lors de l’ouverture des enveloppes, comment avez-vous procédé ?

R/ J’étais au cabinet et chaque soumissionnaire ouvrait son enveloppe.

Q/ Est-il exact que votre Chef de Cabinet ai (au ministère des finances) est seulement venu pour faire le PV ?

R/ Je ne m’en souviens pas.

Q/ Qui était présent lors de l’ouverture des enveloppes ?

R/ Moi et les soumissionnaires.

Q/ Contrat de vente, où est-ce que vous l’avez signé?

R/ Au cabinet.

Q/ Est-ce qu’il y aurait  un autre contrat que vous avez signé avec Delaware Corporation ?

R/ Non

Q/ En conseil des ministres, vous avez dit que l’avion est endetté d’environ 228 millions de francs mais curieusement au moment où il faut payer les dettes dont le Gouvernement est sensé économiser, elles étaient payées. Comment pouvez-vous l’expliquer ?

R/ Moi aussi j’ai entendu que les dettes ont été payées par la  Présidence par  Martin Mbazumutima, sans savoir comment ça s’est fait.

Q/ Comment pouvez-vous nous convaincre que,  en tant qu’argentier de l’Etat, 228 millions peuvent sortir des caisses de l’Etat sans que vous soyez informé ?

R/ Ego

Q/ Entre collègues, en tant qu’amis, n’y a –t-il pas une autre personne qui a travaillé sur ce dossier ?

R/ Non

Q/ Comment se fait-il que le dossier relatif à la vente de l’avion n’ait pas fait l’objet d’un document de remise et reprise ?

R/ Certains éléments sont au Finances. Mais le dossier complet je le traîne avec moi car il m’a été confié et que ce fut un dossier difficile. Je salue en passant le support que les collègues m’ont donné par rapport à ce dossier.

La commission a demandé au Ministre de donner copie de tout document en rapport avec le dossier relatif à la vente de l’avion afin de constituer un dossier complet.